Le fan de Star Wars est une espèce difficile à contenter. Ce qui n’empêche pas la licence de continuer avec l’émergence d’une troisième trilogie, dont nous sommes sur le point de voir la conclusion. Une conclusion d’autant plus attendue qu’elle va clore un chapitre immense s’étendant sur neuf épisodes. Mais est-ce que ces nouveaux films étaient vraiment utiles ?
Quand George Lucas amorce sa seconde trilogie Star Wars, il sait qu’il va pouvoir aller plus loin qu’avec les premiers films. D’un point de vue technique, les effets spéciaux permettent logiquement plus de choses à la fin des années 90. Il le savait et a attendu. Ces nouveaux films naissent de cette possibilité d’enfin aller plus loin dans son univers sans se sentir bridé, comme ce fut malheureusement le cas lorsqu’il se lance dans Un nouvel espoir. À la différence de cet écart très visible entre les deux trilogies, on ne peut pas appliquer cette grille de lecture pour la troisième, lancée avec Le Réveil de la Force. Ce titre, justement, contient tout. Le réveil est celui d'une franchise plus que de la force. Pour lui permettre d’occuper nos écrans, afin qu’elle tienne son rang.
10 ans séparent ce film de La Revanche des Sith, un délai assez conséquent. À l’heure où les blockbusters font des performances de plus en plus impressionnantes au box-office, notamment avec la suprématie de Marvel, Disney se devait de miser sur la marque Star Wars. En dehors de toutes considérations commerciales (le merchandising autour de la franchise est immense), on peut se demander si ces nouveaux films avaient un réel intérêt narratif. Sur le papier, en tout cas, l’idée est de boucler le chapitre Skywalker. Le fallait-il vraiment ? Le Retour du Jedi servait déjà de fin assez convaincante. Les fans, qui adorent la première trilogie, auraient vu d’un bon œil que cette part de l’univers se termine sur l’épisode 6.
Une narration trop tournée vers le passé de Star Wars ?
La machine promotionnelle s’étant mise en place avec brio, on ne pouvait qu’avoir envie de découvrir où la saga allait dans Le Réveil de la Force. Revoir des personnages comme Han Solo, Chewbacca et Leia était le meilleur moyen de venir toucher les fans de la première heure. On se rend vite compte que cette trilogie se conforte dans une certaine nostalgie pour ne pas tout chambouler. Les personnages principaux sont renouvelés, le grand méchant aussi, mais on comprend, à mesure que le film défile, que la prise de risque n’est pas la priorité.
Cela s’applique encore plus à la structure narrative, qui reprend totalement le cheminement de l’épisode 4. Devant cette redite, on cherche avec insistance l'intérêt de cette prolongation bien trop sage, bien que pas désagréable. Le Réveil de la Force manipule ses figures cultes mais n'a pas une réflexion avec elle, ce qui lui retire une bonne part d'intérêt. J.J. Abrams a lui-même avoué, d'ailleurs, qu'il avait été trop sage et on ne peut qu'aller dans son sens.
Le surprenant épisode 8
Heureusement, ces débuts timides sont balayés par Les Derniers Jedi. Rian Johnson prend les commandes et n'a que faire de ce qu'avait mis en place Abrams. Un traitement plus radical, qui est source de contestations. Le geste est risqué mais il donne au moins à cette trilogie une raison d'être, d'avoir de la personnalité. Johnson a l'air d'un gosse qui donne des coups de pied dans un édifice érigé selon des codes précis et entrouvre la porte à un final plus audacieux que l'introduction. Il n'est pas déplacé de se demander ce que la trilogie aurait été avec Abrams aux commandes du second film. Parce que, comme on le voit durant la promotion de l'épisode 9, il a encore misé sur des symboles connus tels que l'Empereur.
Quand Johnson brûle l'arbre contenant les textes fondateurs des Jedi ou qu'il filme le grand départ de Luke, il tourne le dos à cette mythologie pour laisser la nouvelle génération exister. Mais ne pouvait-elle pas exister tout simplement sans se rattacher à l'arc Skywalker ? Clairement, oui. Mais on sent que Disney n'était pas prêt à tout recommencer, ce qui fait que toutes les nouveautés sont modelées par rapport à cette base qui devait être visible afin de ne pas perturber les fans.
La trilogie Star Wars la plus forte formellement
On pourra adresser tous les reproches qu'on veut à cette trilogie Star Wars mais d'un point de vue formel, c'est celle qui envoie le plus. Parce que, pour une fois, la franchise se dote de vrais réalisateurs qui savent faire des choses (visuellement). George Lucas a sorti cet univers de sa tête - c'est un fait et personne ne lui enlèvera - mais il est loin d'être un metteur en scène passionnant. Il en ressort assez peu de choses de sa manière de filmer quand on se penche avec précision dessus. Dans la prélogie, c'est même parfois une certaine platitude qui se fait sentir lorsqu'il n'a pas à emballer ses grands moments d'action. J.J. Abrams et, surtout, Rian Johnson arrivent à monter d'un cran en nous régalant avec des trouvailles visuelles.
Les Dernier Jedi comportent des plans d'une splendeur folle. Que ce soit la scène avec Leia dans l'espace, le combat de Kylo Ren et Rey contre les soldats rouges (l'une des scènes les plus fortes de toute la saga, aux yeux de l'auteur de ces lignes), le final, de nombreux passages sur l'île de Luke ainsi que le symbolique passage de l'arbre en feu, on en prend plein les yeux. De ce qu'on voit dans les premiers aperçus de L'Ascension de Skywalker, Abrams n'a pas l'air de s'être fichu de nous encore une fois d'un simple point de vue formel. Pour le reste, c'est une autre question.
Nécessaire ? Non. Logique ? Oui.
À la question initiale, la réponse sera non. Non, cette trilogie n'était pas nécessaire, parce que l'univers est bien assez ample pour trouver d'autres histoires à raconter. Mais elle n'en est pas moins logique si on se place du côté du studio, qui doit se rattacher à des symboles très identifiés pour relancer la machine. Et on voit, maintenant que cette trilogie prend fin, que Lucasfilm et Disney veulent se tourner vers d'autres scénarios, parce que la machine est suffisamment relancée. Au milieu des multiples films du Marvel Cinematic Universe, Star Wars est l'autre poule aux œufs d'or. Cette trilogie aura donc achevée une histoire qui n'en avait pas foncièrement besoin, comme un acte de transition pour réhabituer le public à consommer du Star Wars. Le plus dur est désormais à faire.