Bien avant que la plateforme Disney+ soit le terrain de jeu idéal pour lancer des séries live Star Wars, George Lucas voulait en faire une très ambitieuse, avec un coût important et des idées très nourries. Un projet avorté sur lequel on revient et qui aurait pu marquer à jamais l'univers.
Au lendemain de la conclusion à la prélogie, George Lucas voulait se lancer dans une autre entreprise titanesque : la série Underworld. Un programme live qui aurait pu être le premier dans l'histoire de la franchise. S'il est aujourd'hui passé à la trappe, on en entend reparler depuis des mois. De là à dire qu'il va être réanimé un jour, il n'y a qu'un pas qu'on ne franchira pas. Mais il reste intéressant, à l'heure où le format sériel devient un vecteur important dans l'extension de l'univers Star Wars (la plateforme Disney+ y est pour quelque chose), de revenir sur le cas Underworld.
On associe la marque Star Wars à Disney de nos jours, parce que la maison de Mickey a posé sa patte sur l'univers en 2012 avec le rachat de Lucasfilm et en profite sans gêne pour inventer des programmes qui vont constituer le catalogue d'exclusivités de sa plateforme adorée. Sauf qu'en regardant rétrospectivement dans le rétroviseur, aucune série live n'avait été faite avant The Mandalorian. Une innovation qui a participé à créer un engouement autour de la création de Jon Favreau. Si George Lucas avait pu faire son Star Wars : Underworld, la donne aurait été un brin différente.
La folie des grandeurs de Lucas
Retour en 2005 donc, quand le papa de la franchise imagine qu'il peut conquérir le petit écran. Pour se faire, il voit les choses en grand et invite dans son ranch un paquet de scénaristes qui vont devoir écrire les épisodes de cette série. Les élus ont une vraie liberté, comme l'expliquait dernièrement Ronald D. Moore chez Collider. George Lucas veut d'abord se charger de l'écriture puis voir ensuite comment il peut monter le projet. C'est là le talon d'Achille le plus évident d'Underworld. Parce que sans véritable ligne de conduite imposée par un network ou une enveloppe financière, George Lucas et ses collaborateurs peuvent aller dans la direction qu'ils veulent, sans s'auto-imposer des limites.
Le créateur de Star Wars précise aux scénaristes qu'ils peuvent imaginer ce qu'ils veulent, sans se soucier du reste. Du moment que leurs idées sont bonnes, il faut qu'elles soient dans les épisodes. Ce sentiment éphémère de liberté doit être jouissif, surtout avec un matériau aussi magnifique que Star Wars, mais il faudra à un moment donné se confronter à des exigences moins drôles, celles d'un diffuseur ou des créanciers.
Des dizaines de scénarios sortent du four. Sur le papier, le résultat est prometteur, excitant si on en croit toujours Ronald D. Moore :
Il y avait beaucoup d'action, plein de décors, qui étaient colossaux. C'était plus gros que tout ce qu'on fait en temps normal dans une série TV.
Star Wars : Underworld, ça devait parler de quoi ?
Sur ce point, impossible de trouver un synopsis officiel ou de savoir précisément ce que l'intrigue allait raconter. Peut-être parce qu'il ne s'agissait pas d'une seule histoire mais d'un monde, avec des ramifications profondes, des arcs narratifs secondaires en pagaille et une armada de personnages différents. Un croisement entre le soap opera et l'univers galactique.
Dans la timeline, Star Wars : Underworld devait se passer entre les épisodes 3 et 4. Si les fans ont l'habitude de voyager entre les planètes dans les films, la série devait se dérouler entièrement (ou en majorité) sur Coruscant, et même dans les entrailles de la ville, avec une population pas très accueillante composée de bandits, chasseurs de primes, escrocs ou d'autres profils inspirants peu confiance.
Le producteur Rick McCallum, qui accompagne George Lucas sur ce projet, citait la série western Deadwood comme référence. On comprend que le monde dépeint aurait été impitoyable. Un programme conçu pour les adultes, qui est éloigné de ce que veut faire Disney maintenant avec son cahier des charges typé family friendly. On ne saura jamais ce que Star Wars : Underworld allait raconter mais son contenu aurait pu être passionnant, avec des enjeux différents qui enlacent les spécificités d'un univers à part dans la pop culture. Sa position temporelle l'incluant dans la saga Skywalker, nous aurions revu des têtes connues mais aussi une partie moins populaire de l'univers puisée en particulier dans les romans.
Il se disait à l'époque que le jeu vidéo Star Wars 1313 aurait été connecté à cette série. Il devait permettre aux joueurs de contrôler un chasseur de primes sur Coruscant, à l'étage 1313, qui est considéré comme le recoin le plus malfamé de la galaxie. Avec la fermeture du studio LucasArts en 2013, le jeu lui aussi a été annulé.
Un aperçu de ce à quoi ça allait ressembler
En début d'année, surprise ! Voilà qu'une vidéo de test footage fait irruption sur le net. Pour être francs, nous avions oublié l'existence de Star Wars : Underworld avant ce rappel, et cet aperçu d'un peu moins de dix minutes donne une idée concrète de ce vers quoi tendait la série. On arpente les ruelles de Coruscant comme dans un ersatz de Blade Runner, le code couleur étant volontairement sombre avec quelques touches colorées apportées par des néons. Le petit bout de scénario montré dedans suit une étrangère qui parvient à se défaire de quelques stormtroopers. Underworld nous fait toucher à son ambiance, à cette sensation de danger, à la crasse d'une citée insécuritaire.
Star Wars : Underworld, une série trop chère...
A l'époque, George Lucas sort d'une nouvelle prélogie où il a les moyens de donner vie à son univers avec des effets spéciaux dernier cri. Pour Star Wars : Underworld, pas question d'un résultat au rabais. Visuellement, il veut que ça égale ce qu'on trouve au cinéma. Sauf que le calcul est très différent pour le coup. Il table sur un budget situé entre deux et quatre millions par épisode, ce qui était juste démentiel pour l'époque.
De quoi nous faire dire que le monde de la télé a évolué quand on voit les sommes déboursées pour la dernière saison de Game of Thrones (10 millions par épisode) ou la future série Le Seigneur des Anneaux (on parle de 500 millions pour deux saisons). Ce qui était prévisible arriva : la série ne s'est pas faite pour des raisons budgétaires. Pour amoindrir la déception, il est incontournable de préciser le contexte de ces années, quand les séries n'étaient pas encore un mode de narration aussi populaires et au centre d'une bataille entre les plateformes et les networks traditionnels. De nos jours, Star Wars : Underworld aurait eu plus de chances de se faire. Mais désormais, inutile de rêver de sa résurrection. La licence se développe sur le petit écran sous les auspices de Disney qui semble plus inspiré qu'au cinéma.