En 2000, quatre ans après "Jerry Maguire" et un an avant "Vanilla Sky", Cameron Crowe prenait congé de Tom Cruise et livrait, avec "Presque célèbre", une fresque rock’n’roll sur sa propre vision du storytelling...
Presque célèbre de Cameron Crowe raconte l'histoire de William Miller (Patrick Fugit) un jeune adolescent de 15 ans qui, dans les années 70, se prend de passion pour le rock et se met à écrire après avoir rencontré Lester Bangs (Philip Seymour Hoffman), rock critic célèbre. Très précoce, il parvient par la suite à se faire embaucher par le grand magazine Rolling Stone et décide, pour son premier article, de partir en tournée avec le groupe Stillwater.
Au cours de ce road-trip, il tentera désespérément d’obtenir une interview du leader du groupe Russel Hammond (Billy Crudup) et découvrira, les yeux grands ouverts, une vie de débauche, jusqu’à tomber amoureux de l’envoûtante Penny Lane (Kate Hudson), groupie fidèle et fan numéro une du groupe. De villes en villes, le jeune William sera le témoin des passions et des rancœurs qui sévissent au sein du jeune groupe. Sa mère (Frances McDormand), une enseignante un peu trop protectrice et effrayée à l’idée de savoir son très jeune fils plongé dans le milieu si controversé du rock, tentera, en vain, de le faire revenir à la maison.
Dans un style assez mesuré et à travers un récit efficacement mené, doté de toute la structure inhérente à une production de cette envergure (60 millions de dollars de budget en 2000...), Presque célèbre (Almost Famous en VO) aurait pu n’être qu’un simple film de fan de rock, par un fan de rock, pour les fans de rock. En réalité, de musique, il n’en sera que peu question ici : Presque célèbre est avant toute chose un pur film d’ado déguisé en roman d’apprentissage (il y sera question d'un jeune garçon apprenant à devenir... un homme).
Illustrer les fantasmes
Car si Cameron Crowe a tenté de s’inspirer de sa propre vie pour écrire son film - Cameron Crowe était lui-même un journaliste de Rolling Stone avant de décider de commencer une carrière en tant que réalisateur - , il n’en ressort au final qu’une grande et longue fresque vintage où un jeune geek fanatique parvient à vivre tous ses fantasmes d’adolescents et, tout particulièrement, à confirmer tous les stéréotypes et autres a-priori du rock des années 70 : orgies, drogues, sexes, « grandeur et décadence ».
Mais il ne faut pas oublier de voir Presque célèbre avant tout comme un fantasme de gosse en lui-même, car au fond, le récit dans sa globalité est entièrement dirigé et construit en vue de la « story » finale que va devoir écrire le jeune William Miller pour le magazine Rolling Stone. Même si d’autres intrigues viendront se rajouter au fur et à mesure (le dépucelage permanent de William Miller suivi d’une histoire d’amour notamment), l’écriture de cet article sur la tournée de Stillwater restera bel et bien le fil rouge du film. Involontairement, le rédacteur en herbe se plonge ainsi dans un journalisme d’immersion, dont l’article final va devoir, naturellement, entretenir un certain sens du storytelling.
Transmettre la passion
Et c’est cette façon de raconter une histoire du point de vue d’un adolescent qui est, en réalité, le véritable sujet de Presque célèbre. Doit-on raconter quelque chose tel quel ou, au contraire, le raconter à travers les yeux d’un passionné, voire d’un fanatique ou d’un nostalgique ? Peut-on, en tant que journaliste, en bon « reporteur de faits », romancer une histoire au détriment de l’exactitude des informations ?
Si dans le film, William Miller semble rester droit dans ses bottes en reportant, justement, tous les faits et gestes du groupe dans leur exactitude, Presque célèbre met cette histoire en scène via une dramatisation exagérée et avec une volonté claire et assumée de mettre à l’écran les fantasmes et les clichés du rock des années 70, sans vocation au réalisme. Cameron Crowe choisit définitivement la voie de la passion, quitte à réaliser une fresque musicale parfois improbable, souvent caricaturale, mais assurément personnelle.
Finalement, en prenant lui-même l’allure d’un fantasme d’adolescent, rien de très étonnant à voir que Presque célèbre prend la forme de ce qu’il raconte, à savoir la vision déformante d’un fan à la passion dévorante : celle, nostalgique et illusoire, de Cameron Crowe se remémorant ses souvenirs de jeunesse, bercé par les prémisses du new journalism et par la déliquescence du rock à l'ère des stratégies marketing.