#LCDLS : Répulsion de Roman Polanski

#LCDLS : Répulsion de Roman Polanski

En 1965, après avoir chanté la vie en couleur dans "Les parapluies de Cherbourg", Catherine Deneuve change radicalement de registre. Elle va tourner à Londres sous la direction d’un jeune réalisateur, alors presque qu’inconnu, Roman Polanski.

On apprend au début du film, avec une élégance toute anglaise, que la séance est autorisée si aucun enfant de moins de 16 ans n’est pas présent dans la salle. Sage conseil. Car ce qui devait à l’origine être un film d’horreur à petit budget, s’est transformé sous la pâte de Roman Polanski, en un film où la tension est bien plus psychologique.  Cela ne vous empêchera pas de vous retrouver avec le sang glacé et les yeux grands ouverts plus d’une fois.

Pour bien apprécier le film, comme tous les films finalement, il faut en savoir le moins possible au moment d'appuyer sur play ou de s’asseoir dans la salle de cinéma. Car si en commençant le film, on sent bien que de choses louches vont arriver, pour autant la surprise de la découverte de ce qui rode dans le crâne torturé de Carole Ledoux est bel et bien là. Allons y tout de même pour un bref résumé.

Roman Polanski et Catherine Deneuve sur le tournage du film

L’histoire se pose ainsi. Carole Ledoux, alias Catherine Deneuve, est une jeune femme d’origine belge habitant à Londres avec sa sœur. Elle travaille dans un institut de beauté. Travail qui n’a pas l’air de la ravir, quoique pas grand-chose n’a l’air de lui faire de l’effet. Si, elle semble détester ou avoir peur des hommes. Pas de bol car elle est belle comme Catherine Deneuve à 22 ans. La suite pour résumer à la fois très brièvement et précisément : la folie s’empare d’elle.

Une recette très bien interprétée

Dans la forme, on retrouve ce qui fait un bon film d’horreur : des portes miroirs qui se tournent rapidement, des bruits de pas qui ne devrait pas être là, etc. des éléments classiques qui aurait pu laisser ce film se classer dans la longue liste de films de portes qui claquent toute seule et monstre en carton. Des Halloween à Scream, en passant par Paranormal Activity. Mais il possède des atouts qui le classent dans le registre difficilement accessible des classiques.

Premièrement le film est beau. On a plaisir à le regarder. Alors qu’on ne peut pas dire cela de tous les films ayant l’objectif de faire peur. Polanski a fait travailler le directeur de la photographie qui avait travaillé l’année précédente  sur le Docteur Folamour de S. Kubrick. Grâce à ça, Polanski créer les ambiances nécessaires aux thèmes qu’il apprécie comme la folie, l’irrationnel et le cauchemar. Avec une touche habituelle d’humour noir.

La folie dans les murs

Le réalisateur métaphorise dès le début, dans sa manière de filmer des détails morbides ou certains cadrages, l'état psychique de l’héroïne. Au fur et à mesure, la folie est présente bien évidemment dans le scénario, mais ce n’est pas ça qui fait que l’on a peur. C’est grâce à la mise en scène subtile et progressivement chaotique, jusqu’à violente que l’on ressent plus profondément l’esprit torturé de cette jolie blonde. Ce procédé assez jubilatoire, et effrayant ici, de modification du lieu de vie a aussi été utilisé par Michel Gondry dans son adaptation de L’écume des jours. La maladie du héros, qui se renferme sur lui-même influe sur son appartement qui lui aussi rapetisse, noircie.

Les blondes ne comptent pas pour des prunes, surtout celle là.

On était plus habitué à la voir rigoler, danser, embrasser. Et bien ici, tout le contraire. Alors le jeu de Deneuve parait un peu fade pendant les vingt premières minutes. Et puis finalement, peu à peu, quelque chose se construit et sa folie ne ressort que plus. A la fin, on se dit alors que c'était très bien joué que de partir de très peu d’expression, pour vraiment nous saisir lors de scène de frissons. Elle dit d’ailleurs qu’elle a beaucoup apprécié le côté morbide de son personnage et que c’est un personnage dont elle s’est sentie proche. Dans la timidité et la solitude.

Les deux personnages dont je me sens le plus proche sont Tristana et Carole, l'héroïne de "Répulsion". A cause de la timidité et d'une certaine solitude. Carole, c'était la folie de quelqu'un qui ne supporte pas d'être laissée seule.

Elles ne supportent pas les hommes, en même temps comment les supporter.

On comprend qu’elle n’aime pas les hommes, semble gênée à chaque interaction avec ceux-ci. Et plus précisément la sexualité qui va avec ces relations. Quoiqu’elle ne soit pas indispensable dans une relation homme femme, ici les hommes qu’elle côtoie passent leur temps à vouloir abuser d’elle. En tant que spectateur, on ne sais pas si c'est réellement ce qu'il se passe ou si ce n’est que la vision du point de vue de l’héroïne ; en tout cas ce propos résonne tout particulièrement en ces temps d’affaire Weinstein, de polémique autour de justement Roman Polanski à la Cinémathèque française.

Il flotte dans la ce film cette douce image des années 60. Où il suffit qu’un homme voit une jolie femme, l’emmène dans sa voiture pour qu’il l’aime profondément. Il y a toujours une difficulté à croire à ce genre d’histoire. Qu’est ce qui fait que CET homme, aime CETTE femme. Pourquoi pas s’aimer ; mais la seule raison montrée au scénario semble être qu’elle a de jolis yeux. Alors que cette non histoire d’amour entre l’héroïne et un personnage dont on ne retient même pas le prénom a quand même un rôle important dans la progression de l’histoire. Ils s’aiment parce que c’est pratique pour faire avancer l’histoire et les personnages, par contre pourquoi ils s’aiment, ça, ce n’est pas grave.

Bref, un classique

Il y a des classiques qu’on a consacrés longtemps après une sortie en forme de bide, comme le classique de la semaine précédent Strange Days par exemple. Et c’est toujours peu la classe, au moins un espoir de se rattraper sur le DVD pour les producteurs.  Et bien celui-là non. Roman Polanski gagne l’ours d’Argent à Berlin. Ensuite le film rapporte plusieurs millions de dollars pour un budget de moins de 100 000. Et il est noté à 100% sur l’agrégateur de critiques rotten tomatoes. Bref on n’a pas découvert la poudre aujourd’hui, mais si vous ne l’avez pas vu, faites-le ! Car comme tout bon classique, à chaque visionnage, on redécouvre des détails qui nous font mieux comprendre ce qu’a voulu dire le réalisateur. C’est pourquoi on n’épuisera pas le film ici, néanmoins quelques bonnes raisons de le voir en plus.

- De quoi vous faire peur et faire de mauvais rêves.

- L’ambiance des 60’, voiture, coupe de cheveux, musique.

- Voir de beaux cheveux blond en noir et blanc.

- Vous pouvez vous amuser à chercher les métaphores sexuelles disséminées tout au long du film.

- Découvrir qu’il a existé des groupes de banjo accompagné aux cuillères

 

Enfin pour conclure, souvenez-vous bien de ne jamais confier votre appartement à Catherine Deneuve.