Chaque semaine, les rédacteurs de CinéSérie vous partagent un de leurs pires films préférés. Aujourd'hui, on vous donne la possibilité de voir Robert De Niro en faire des tonnes dans le rôle d'un fan obsessionnel qui pète littéralement les plombs ! Notre film de la honte, c'est donc "Le Fan", véritable plaisir régressif dans lequel transparaît toute l'énergie du génial Tony Scott.
Le Fan (1997) est considéré par beaucoup, et à juste titre, comme le moins bon film du regretté Tony Scott. Pourtant, il est difficile de bouder son plaisir devant ce thriller excessif dans lequel l’homme à la casquette rouge a su insuffler toute son énergie.
Dans le film, Robert De Niro interprète Gil Renard, fan inconditionnel de base-ball et surtout des Giants de San Francisco. Obsédé par Bobby Rayburn, joueur qui vient de rejoindre l'équipe, Renard fait tout pour s'en rapprocher. Lorsque la carrière du sportif bat de l'aile, son fidèle admirateur souhaite lui venir en aide. Peu à peu, l'obsession de Renard se transforme en folie meurtrière. Il n'hésite en effet pas à éliminer la concurrence de Rayburn, espérant au passage obtenir les remerciements du champion pour son aide si particulière et inespérée.
De Niro au sommet du cabotinage
Au moment de tourner Le Fan, Robert De Niro vient d’enchaîner coup sur coup Casino et Heat, deux de ses meilleurs films des années 90. Voulant absolument tourner avec le comédien, Tony Scott lui confie le rôle de Gil Renard, un vendeur de couteaux dont la passion pour le base-ball tourne à l’obsession. Le comédien hérite donc d'un rôle convoité par Jack Nicholson, Al Pacino et même Wesley Snipes. Malheureusement, l'envie de Scott débouchera sur une oeuvre qui fait finalement tâche dans sa filmographie, en partie à cause de son acteur. Les fans de De Niro ne pourront que succomber aux mimiques grossières de la star, qui annoncent d'inoubliables chefs d'oeuvre, comme par exemple Les aventures de Rocky et Bullwinkle.
Il suffit de l’entendre crier le nom de son joueur de base-ball favori (inoubliable "Vas-y Booooobby" scandé à de multiples prises) ou de le voir s’épiler avec ses couteaux pour comprendre que De Niro est ici en roue libre. Sa composition fait d’ailleurs écho à celles de Taxi Driver, La valse des pantins et Les nerfs à vif. Malheureusement, jamais le personnage ne paraît crédible ou effrayant. Renard pète les plombs subitement, ce qui permet seulement au comédien d'enchaîner les tics nerveux et les rires machiavéliques.
Une évolution hasardeuse du personnage
Si le spectateur a du mal à croire en l'évolution de Renard, c'est notamment parce qu'il bascule beaucoup trop soudainement dans le YOLO total. Evidemment, quelques signes sont disséminés dans la première partie, à l'image des mensonges que Gil profère pour impressionner son fils. Le vendeur de couteaux aime en effet raconter ses longues soirées avec Mick Jagger, son "meilleur pote", à sa progéniture. L'enfant semble se demander en permanence si son paternel ne va pas vriller dans les prochaines secondes. Les élucubrations de Gil ne laissent en revanche pas présager un basculement aussi rapide.
Lorsque le fan entre dans un sauna pour éliminer un personnage clé, Tony Scott dégaine les filtres rouges et De Niro remet en place sa cravate machinalement. Cette séquence risible malgré elle, résume parfaitement le souci qu'a le film pour traiter le mal-être qui ronge son anti-héros. Le Fan passe donc totalement à côté de son sujet sans pour autant provoquer l'ennui. Le cinéaste parvient en effet à combler un scénario creux avec son sens du rythme.
Des thèmes chers à Tony Scott transparaissent dans Le Fan
Malgré ses lourdeurs et ses excès, le long-métrage peut tout à fait ravir les fans du réalisateur de True Romance et Man on Fire. Les expérimentations du cinéaste au montage, qui s'accentueront par la suite jusqu'à leur point d'orgue, le nihiliste Domino, sont notamment présentes. Tony Scott prouve avec le long-métrage qu'il est capable de dynamiser un scénario finalement peu bavard sur son personnage principal.
Les références post-modernes du réalisateur sont elles aussi bien là. Le parallèle entre l'impitoyable industrie hollywoodienne, qui a souvent joué des tours à Scott, et le monde du sport professionnel peut notamment être fait. C'était déjà le cas dans Jours de Tonnerre et l'excellent Dernier Samaritain. A l'instar d'un réalisateur ou d'un acteur, Bobby Rayburn n'est finalement qu'un pantin interchangeable manipulé par son agent. Ce dernier est d'ailleurs brillamment interprété par John Leguizamo. Ses échanges avec la journaliste incarnée par Ellen Barkin sont parfaitement révélateurs du cynisme du milieu. Malheureusement, ces deux personnages disparaissent lorsque le De Niro show dérape dans la deuxième partie.
L'aide de Frank Darabont, arrivé en renfort sur le script, n'a pas permis à Tony Scott de donner à son sujet l'ampleur qu'il méritait. Il y a néanmoins des séquences réussies dans le film, à l'image de celle où Rayburn expose sa vision des fans à Renard. La retenue dont De Niro fait preuve dans cette scène laisse imaginer ce qu'aurait donné un film nettement plus maîtrisé. Face à lui, Wesley Snipes fait preuve d'une sobriété impériale. Il surpasse d'ailleurs aisément l'acteur oscarisé qui passe la moitié du film à hurler à la mort depuis les gradins.
L'annonce d'un tournant dans la carrière de Tony Scott
Tourné avant Ennemi d'Etat et Spy Game, Le Fan survient dans une période charnière pour Tony Scott. Par la suite, sa réalisation largement pompée depuis ne cessera d'évoluer. Celui que l'on prenait pour un vulgaire "yes man" d'Hollywood avait découvert une véritable liberté en tant que cinéaste sur True Romance. S'il ne l'a pas vraiment retrouvée sur Le Fan, nanar outrancier et finalement anecdotique, ses envies de s'imposer comme un auteur continuent de transparaître. Elles ne feront que se renforcer dans la suite de sa carrière. Le film est donc surtout réservé aux fans inconditionnels de De Niro, qui nous offre ici certaines de ses trognes les plus improbables et ridicules.
À la semaine prochaine pour un nouveau « film de la honte » !