Chaque semaine, les rédacteurs de CinéSérie vous font partager l’un de leurs pires films préférés... Cette fois, il s'agit de Mille mots avec Eddie Murphy.
En 2012, Brian Robbins nous faisait perdre notre latin en nous proposant Mille mots, cette comédie dramatique pour le moins originale. Nous y découvrions alors un Eddie Murphy privé de son bagout légendaire. Mais également un arbre jeteur de sorts, capable de se déraciner tout seul pour mieux prendre racine auprès d’une piscine ! Et surtout, un lien à la fois physique et spirituel entre l’homme et le feuillu. Tant d’éléments douteux qu’on hésitait à en rire tant l’issue finale semblait fatale… Et c’est aussi pour cela qu’on adore ! Avis à ceux qui n’auraient pas vu le film, cet article contient des spoilers !
Tourner sept fois sa langue dans sa bouche…
Si vous n’aviez plus que mille mots à prononcer avant de mourir, nul doute que vous les pèseriez. Ni gros mots ni phrases inutiles, ni commentaires superflus ni vaines réprimandes. Chaque mot compte et doit être réfléchi avant d’être lâché. Car chaque phrase que vous débitez vous retire un souffle de vie, vous attirant fatalement vers la fin de toute chose. Le silence est d’or nous direz-vous, mais pas seulement. S’il est d’or la parole est d’argent, alors autant jouir de ces mille mots pour dire les choses qui comptent vraiment ! S’excuser, pardonner, s’expliquer, se confesser mais surtout, rappeler à nos proches combien nous les aimons.
C’est le défi auquel est confronté Jack McCall (Eddie Murphy) grand bavard et inépuisable menteur. En effet, l’agent littéraire qui ne prend jamais la peine de lire les livres de ses auteurs veut à tout prix éditer celui du célèbre docteur Sinja (Cliff Curtis), grand sage et philosophe mondialement adulé. Notre homme se fait alors remarquer en mimant la fameuse perle bleue, que les élèves du Doc n’ont jamais ne serait-ce qu’entre-aperçue en des années de cours. Il poursuit ses mensonges en assurant avoir lu le livre en prenant appui sur un arbre mécontent. C’est alors qu’il reçoit le mauvais sort, sous l’œil inoffensif de Sinja qui n’a rien à voir là-dedans. Au départ, rien ne se passe, jusqu’à ce que le feuillu ne quitte le havre de paix du Doc pour rejoindre la luxueuse demeure de McCall. Dès lors l’absurde a sonné !
Dame Nature et les femmes
Une fois l’arbre accepté dans le décor, notre baratineur invétéré fait un effroyable constat : chaque fois qu’il prononce un mot, l’arbre perd une feuille. Et lorsque l’arbre aura perdu ses mille feuilles, il mourra. Notre agent littéraire doit alors apprendre à se passer de mots. Ou tout du moins à les économiser sérieusement puisque sa vie en dépend… McCall n’a d’autre choix que d’apprendre à communiquer par les gestes - fiasco total puisque ses proches interprètent mal ses mimiques et autres moulinets ridicules. Murphy fait de la peine, pitié même, du scotch sur la bouche à l’ouverture du film jusqu’à l’absence de compliments face à sa femme en sous-vêtements sexy…
Sa femme, CarolineMcCall (Kerry Washington), qui vit dans une maison où le luxe n’a d’égal que l’espace mais qui pourtant s’en plaint. En effet, Madame dit devoir changer le bambin sur le bar et essaie d’attendrir son homme en dormant avec l’enfant sur le canapé. Elle demande à déménager car la piscine n’est pas sécurisée (installer des barrières serait plus simple mais bon) et la falaise au fond du jardin dangereuse (monter un mur eut également été une option). Côté ascendant ce n’est pas beaucoup mieux. La mère de McCall ne le reconnaît plus et le prend pour son père, ce géniteur qui les a lâchement abandonnés. Pas étonnant que notre homme en fasse des caisses pour tenter de plaire à son entourage !
Le ridicule ne tue pas, et ne rend pas plus fort non plus
McCall n’a pas ou peu d’alliés face à la situation critique dans laquelle il se trouve. Sa femme ne le croit pas et quitte la maison, sa supérieure (Allison Janney) le prend pour un fou et ses collaborateurs le fuient. Notons d’ailleurs la présence d’Alain Chabat, producteur du film, qui devait à la base le réaliser. La scène est plus que cocasse mais n’égale pas celle où Murphy use de figurines parlantes pour négocier un contrat… Que dire alors de la connexion physique instaurée entre l’ensorcelé et son jeteur de sort ? L’arbre est arrosé, l’homme transpire. L’arbre est aspergé d’insecticide, l’homme tousse à s’en arracher les poumons. L’arbre accueille une course-poursuite entre écureuils, l’homme se gratte exagérément. Un détail scénaristique qui vient vraiment nous foutre la honte lorsqu’on admet aimer le film !
Notre héros peut quand même "compter" sur son assistant Aaron (Clark Duke). Le jeune homme est un pot de colle, un vrai, prêt à tout pour réussir, allant même jusqu’à trier les céréales de Monsieur McCall en espérant gagner des points. L’archétype du boulet qui, lorsqu’il veut sauver les meubles, déclenche un véritable cataclysme. McCall lui demande en effet de parler à sa place pour négocier un contrat mais Aaron se lâche complètement, usant de beaufitude. L’assistant fera toutefois de son mieux pour aider McCall à s’extraire du mauvais chemin emprunté : la boisson additionnée à un débit de paroles incontrôlé ! Logique en même temps, l’homme hésite à perdre deux feuilles en disant à sa femme qu’il l’aime mais se met à chanter, usant ainsi toute une branche, une fois alcoolisé. Foutu pour foutu, autant passer l’arme à gauche en n’étant plus maître de soi-même…
Tout est bien qui finit bien
Nullement responsable du sort jeté à McCall, le docteur Sinja ne sait comment le guérir du mal qui l’habite. Il lui offre toutefois un conseil : ne plus parler mais agir. Prouver à ceux qu’il aime combien ses sentiments sont sincères, pas par des mots mais par des actes. Le grand sage conseille aussi à l’homme perdu de faire la paix avec lui-même, et son passé. Cela ne console pas celui qui se trouve au seuil de l’autre monde, mais permet au moins de relancer le film. Oui parce que jusque-là, à part compter les feuilles qui tombent, il ne se passait pas grand-chose !
Le gentil Murphy va alors lire la « brochure » de Sinja, et c’est la révélation. Il va suite à cela féliciter le voiturier-auteur qu’il avait jusque-là ignoré, offrir un super vinyle au garçon de café et faire croire à sa mère qu’il est bien son père, avant de se rendre au cimetière pour se recueillir sur la tombe de ce dernier. « Je te pardonne » seront ses dernières feuilles. Mais comédie oblige, le sort sera levé puisque le puni aura appris sa leçon. On ne peut retenir notre sourire face à un si joli dénouement, surtout lorsque le nouveau McCall va enfin acheter à sa femme la maison de ses rêves, familiale à souhait et bien moins tape-à-l’œil que la précédente. Et son fils d'y faire ses premiers pas, n'est-ce pas merveilleux ?
Un film de la honte philosophique en résumé, au scénario cocasse et aux blagues grossières mais au fondement très vrai. Et vous, qu’avez-vous pensé de Mille mots ? À vos commentaires !