Chaque semaine, les rédacteurs de CinéSérie vous font partager l’un de leurs pires films préférés. Aujourd’hui, c’est au tour du film d’horreur Carrie 2 : la haine d’être pointé du doigt. Suite directe ou remake, on ne sait pas trop tant l’intrigue est réchauffée et le bain de sang de nouveau exploité.
Souvenez-vous… C’est en 1999 que sortait le film d’épouvante Carrie 2 : la haine, signé Katt Shea. Ce petit bijou de honte plus ou moins assumé est présenté comme la suite de Carrie au bal du diable de Brian de Palma, sorti en 1976 et adapté du premier roman éponyme de Stephen King, publié deux ans auparavant. Pour rappel, le premier opus se centrait sur l'adolescente Carrie White (campée par Sissy Spacek), le souffre-douleur des élèves de son lycée, qui découvrait posséder des pouvoirs de télékinésie après les humiliations que lui faisaient subir ses camarades et certains de ses enseignants, sans parler de la torture psychologique imposée par sa mère fanatique. Culte, le tout premier Carrie est considéré comme l'un des films pour adolescents les plus populaires. Et pour cause, la jeune fille aux dons effrayants s’invite sur moults écrans à chaque fête d'Halloween.
Carrie deuxième du nom
Parce qu'elle est différente, secrète et renfermée, Rachel Lang, incarnée cette fois par Emily Bergl, subit les moqueries de ses camarades de lycée. Privée de l'affection de sa mère (J. Smith-Cameron), internée depuis de longues années pour schizophrénie, Rachel n'a pas trouvé de réconfort auprès de sa famille adoptive. En outre, la jeune fille est troublée par d'étranges facultés de télékinésie dont elle ignore l'origine. Quand Lisa (Mena Suvari), sa meilleure amie, se suicide, abusée par un joueur de l'équipe de football, l'univers fragile de Rachel bascule. Piégée et humiliée, Rachel laisse alors exploser le pouvoir dévastateur de sa colère. Soulignons la présence d'Amy Irving dans le rôle de la pionne du lycée Sue Snell, l'unique rescapée du premier volet qui, en tant que jeune lycéenne, avait jadis tenté d’aider Carrie. Jason London était également invité au bal.
Vingt-trois ans après le succès de Carrie au bal du diable, c’est sans surprise que nous retrouvions les dons de télékinésie refoulés conclus sur une sanglante vengeance. L’héroïne se révélait être la demi-sœur de Carrie et jouissait des mêmes dons destructeurs, dangereux pour elle et pour autrui. Rachel est tout comme son aînée harcelée par ses congénères et une fois ses dons maîtrisés, elle décide de se venger sur quiconque se trouve sur son passage. Opposants, adjuvants, méchants ou innocents, Rachel est sans pitié. L’intrigue est donc la même, seul le nom de la tête de turc change. Alors, suite ou remake ?
Sang pour sang décevant ?
Au-delà d’une héroïne copiée collée, nous découvrons une distribution très stéréotypée, idéale pour adolescents en quête de figures connues. Les populaires d’un côté, les ratés de l’autre, et au milieu ceux qui sont admirés mais qui ont quand même pitié de Rachel. Les faux-méchants donc, ou les meilleurs ennemis, c’est au choix. Exclue et incomprise, notre héroïne se fait malmenée par des jeunes premiers accros au sport et au sexe, en résumé. Rien de nouveau sous le soleil donc.
Pour le plus grand nombre, l’intrigue manquait par ailleurs cruellement d’intensité. Heureusement que la fin, bien que prévisible à souhait, venait nous faire oublier les trop nombreux temps morts, sans quoi nous n’aurions tout bonnement rien retenu de cette adaptation remasterisée. Encore que le gore n’était là que pour marquer l’épouvante et satisfaire un public adolescent assoiffé de sang. Les dialogues sont creux, les jeunes décérébrés agaçants et les flash-backs issus du premier opus incohérents.
Après Carrie, Rachel ouvre le bal
Un bon point pour l’actrice principale Emily Bergl, dont l’interprétation demeurait étonnante au milieu d’une flopée d’ados amorphes. Son jeu était naturel, ses mimiques charmantes et sa détresse palpable. On y croyait en résumé, et dès lors qu’elle apparaissait, on embarquait plus ou moins contre notre gré. Une comédienne crédible aux multiples facettes qui portait son film et nous aidait aisément à comprendre pourquoi, en dépit des déceptions, nous avions apprécié Carrie deuxième du nom.
Heureusement qu’elle sauvait l’honneur face aux clichés américains qui nous amenait souvent à croire au teen movie. Le mal est à la porte mais nous avons tendance à l’oublier puisque ces messieurs notent les dames selon leur performance au lit… Ça dénote pour le coup, qu’en dites-vous ? Nous avons à ce propos pu retrouver Emily Bergl dans le rôle de Beth Young dans quatorze épisodes de la cultissime série Desperate Housewives de 2010 à 2012, dans Blue Jasmine (2013) de Woody Allen mais également dans de nombreuses autres séries incontournables (Les Experts : Miami, The Good Wife, Mentalist, American Crime ou encore Mindhunter).
Un message fort
Certes Carrie 2 est réchauffé, caricatural, comique par moments et trop cliché dans l’ensemble mais il demeure très sérieux dans le fond. Les sujets traités sont sensibles, de la solitude au harcèlement en passant par le suicide, et nous rappelle combien il peut être dévastateur de se moquer d’autrui. Tout ceci est à prendre au pied de la lettre tant le suicide chez les adolescents et le besoin irrépressible de se venger sur ses camarades existent réellement. Nous n'avons qu'à revoir Bowling from Columbine de Michael Moore pour le constater...
Le final sanguinaire nous montre bien de quoi peut être capable quiconque, dès lors qu’il a franchi la limite de la raison. La jeune fille la plus innocente qui soit ou le jeune garçon le plus effacé du lycée peut un jour péter les plombs à force d’être maltraité. Carrie, c’est aussi un message de prévention dissimulé derrière du grand spectacle aux effets spéciaux convaincants.
C’est gore mais on adore
Prenant malgré le manque d’originalité, Carrie 2 reste divertissant. Rachel a une personnalité bien à elle et pète les plombs lorsque sa seule et unique amie se suicide, à cause d’un stupide jeu sexuel. Dès lors on sait à quoi s’attendre : cela va de nouveau finir en bain de sang. Au-delà des dons qu’elle maîtrise parfaitement, notre héroïne semble habitée par le démon tant son visage est défiguré, à la mode de Regan MacNeil, et les dégâts qu’elle cause cataclysmiques. Un bon gros film gore qui, après l’univers coloré du lycée, nous entraîne dans une danse macabre pour punir ceux qui ont osé provoquer le mal personnifié.
Fans de la télékinésiste vengeresse et sanguinaire imaginée par King, n’hésitez pas à revoir Carrie 3, la vengeance (2013) de Kimberley Peirce ou Carrie tout court (2017), de nouveau signé Brian de Palma. Comme promis, vous ne risquez pas d’oublier son nom…