Chaque semaine, les rédacteurs de CinéSérie vous partagent l’un de leurs pires films préférés. Aujourd’hui, c’est au tour de "La Tour 2 contrôle infernale" d’Eric Judor d’être prise d’assaut. En 2001, sortait "La Tour Montparnasse infernale" de Charles Nemes. Après leurs succès à la télévision et sur scène, le film nous offrait la première apparition d'Eric Judor et Ramsy Bedia en tant que personnages principaux au cinéma.
Dès sa sortie, La Tour Montparnasse infernale récolta plus de deux millions d'entrées, devenant ainsi le 11e film français le plus vu en salles en 2001. Tel ne fut pas le cas cinq ans plus tard du préquel La Tour 2 contrôle infernale, réalisé cette fois par Judor himself. Devenu culte, le premier opus est irremplaçable dans le cœur des fans. Deux laveurs de carreaux c’est propre et ça passe, l’explication de leur passé c’est lourd et ça casse… La genèse de leurs aventures n’a en effet pas su séduire le plus grand nombre. C’est toutefois nullement honteux que nous avouons avoir aimé ce film burlesque à souhait, l’humour déjanté du tandem nous ayant une nouvelle fois fait monter au septième ciel. Avis à ceux qui sont restés sur le tarmac lors du visionnage… Revoyez le film avec les yeux d’addict d’action décalée, pas de voyageurs nostalgiques du premier voyage, accrochés à leurs sièges en attendant le crash assuré. Oubliez Montparnasse et décollez pleinement pour Aurly-Ouest.
Panique à Montparnasse
La Tour Montparnasse infernale parodiait pour rappel des films tels que Piège de cristal, La Tour infernale, Dumb and Dumber, Indiana Jones et la Dernière Croisade, Speed, Matrix ou encore Le Jeu de la mort. Le titre anglais du film était d’ailleurs, pour sa sortie au Canada, Don't Die Too Hard! ; clin d'œil au titre original de Piège de cristal, Die Hard. Et tout ceci donnait en résumé cela :
Suspendus au 52ème étage de la Tour Montparnasse, Eric et Ramzy, deux laveurs de carreaux, ont pris du retard dans leur travail. Pendant ce temps, la jolie Marie-Joëlle aka Stéphanie (Marina Foïs) attend son oncle, le puissant PDG du Groupe Lanceval, et ses fils, les actionnaires principaux, pour un conseil d'administration nocturne qui va se révéler bien mouvementé. En effet, un commando surentraîné investit l'immeuble, contrôle tous les accès et prend la famille Lanceval en otage. Stéphanie est en fait l'organisatrice du coup monté et convoite la fortune de son oncle qui la méprise depuis toujours. Stéphanie et ses hommes n'attendent plus que la main de la chère mère, dont les empreintes vont permettre d'actionner le mécanisme d'ouverture du coffre. Cependant, nos deux compères sont restés au sommet de la Tour et risquent bien de faire capoter le plan machiavélique de la belle.
De laveurs de carreaux à pilotes de talent
Notons l’originalité du titre qui a introduit un 2 entre les morts « tour » et « infernale ». Dans la même idée, nous avions en 2015 Les nouvelles aventures d’Aladin, suivi de Alad’2 qui est sorti début octobre. Nous retrouvons d’ailleurs, aux côtés de Kev Adams et Jamel Debbouze, notre inséparable duo comique. Bedia joue en effet le méchant génie et Judor le gentil. Nulle histoire de bon ou mauvais génie ici, plutôt de génie perdu.
Le fameux préquel nous propulsait vingt ans avant le premier opus, en octobre 1981. Ernest Krakenkrick (Judor) et Bachir Bouzouk (Bedia), les meilleurs pilotes de l’Armée de l’air française, sont sur le point de devenir les premiers spationautes français en étant recrutés pour le programme de la fusée Ariane. Mais à la suite du test de la centrifugeuse qui tourne mal, ils perdent une partie de leurs facultés mentales et sont contraints de renoncer à leur rêve. L'armée leur trouve finalement un poste de bagagistes à l'aéroport d'Aurly-Ouest (volontairement orthographié ainsi dans le film). Mais un soir, celui-ci subit une prise d'otage en son sein par un groupe de terroristes, appelé « Les Moustachious », qui s'empare de la tour de contrôle. Alors que le Ministère de l'Intérieur tente de négocier avec les criminels, Ernest et Bachir vont tout faire pour sauver l'aéroport...
Un casting décapant
Marina Foïs jouait Carine Lanceval, la mère de Marie-Joëlle, héroïne du premier volet. Philippe Katerine campait le colonel Janouniou, Serge Riaboukine le Méchant ou encore Grégoire Oestermann le ministre de l’Intérieur. Charles Nemes, réalisateur du premier film, fit d’ailleurs une brève apparition en tant que recruteur. Pour certains, l’homme recrutait en fait ses acteurs pour le film se déroulant dans la Tour Montparnasse.
Ces acteurs secondaires aussi hilarants que stoïquement géniaux nous ont fait vivre des turbulences de gags et des trous d’air dubitatifs. Nous atterrissions à peine des blagues du binome que Katerine le premier nous faisait à nouveau décoller, quittant la terre du navet pour rejoindre la planète culte. Sans parler du cache-cache et de la course-poursuite dans l’aéroport. Un film absurdement divertissant et honteusement attachant.
Anecdotes croustillantes
Dans le premier film, les héros n’étaient pas nommés mais prenaient au cours du film un pseudonyme chacun : Éric devenait Peter MacCallaway, l’idole culturiste de Ramzy, tandis que ce dernier hésitait entre François et Francis pour finir sur le nom complet Francis Huster. Dans La Tour 2 contrôle infernale, nous apprenions le nom de leurs pères respectifs sans pour autant connaitre leurs prénoms. Eric et Ramzy devenaient donc les fils d'Ernest Krakenkrick et Bachir Bouzouk, placés à la DDASS. C’est lors de leurs recrutements à la Tour Montparnasse qu’on leur promettait qu'ils pourraient devenir comme leurs pères : laveurs de carreaux. Rien du côté de leur mère donc, nos deux héros étaient tels deux électrons libres voguant au grès du vent. Et au final, on se fiche pas mal de leur arbre généalogique quand seuls leurs visages familiers nous parlent !
Ernest Krakenkrick et Bachir Bouzouk sont désignés pour devenir les premiers spationautes français. Le troisième sur la liste n’est autre que Jean-Loup Muselim (Alexis van Stratum), en référence au spationaute Jean-Loup Chrétien qui fut le véritable premier français à aller dans l'espace en 1982. Pour finir, si le premier film était parodié, le second nous a tous fait penser à Y a-t-il un pilote dans l’avion ? et OSS 117. Mais il est surtout et avant tout une parodie de 58 minutes pour vivre, deuxième film de la série Die Hard qui se déroule dans l'aéroport de Washington-Dulles où des terroristes prennent le contrôle et détournent un avion.
Echec cuisant
Lors de sa première semaine d'exploitation, La Tour 2 contrôle infernale réalise 211 000 entrées. Nous étions alors bien loin des 2 millions d'entrées du premier opus. Le film marqua d’ailleurs le premier grand échec commercial de l'année 2016. Au final, le film cumula 357 801 entrées pour un total européen de 2 294 242 entrées. Des résultats peu encourageants pour une première réalisation en solo. Mais comme tout à chacun sait, l’échec est source d’apprentissage. "Dieu soit en location" (réplique culte du premier film), le comédien de 50 ans Eric Judor remonta aussitôt en selle en réalisant en 2017 Problemos. Un an seulement après la défaite, notre homme nous offrit ainsi la première œuvre cinématographique grand public à parler de la ZAD. "Une satire réjouissante de l’utopie écologiste et hippie", avait écrit le journal Causeur.
Bien que critiquée et boudée par le plus grand nombre, La Tour 2 contrôle infernale détient elle aussi des scènes cultes, portées par un duo sans tabou ni retenue. Sans foi ni loi également, toujours vibrants d’humour et d’action fort plaisante. Une prise de risque sans se prendre au sérieux donc, un ovni incompris du 7éme art. Une pépite de la honte qui détient le record de la perte de contrôle, en dépit de qualités testées et inchangées.