Les années 90 ont apporté au cinéma une cohorte de blockbusters, dont ceux siglés Jerry Bruckenheimer, qui se détachent du lot. "Les Ailes de l'enfer" appartient à cette catégorie, un film dont la légèreté de l'écriture n'a d'égal que le plaisir pris à tout détruire et à jouer aux méchants. Nicolas Cage fait - malgré lui - d'un rôle pauvre un personnage devenu culte, et Steve Buscemi illumine dans une séquence à la fois sordide et poétique. "Les Ailes de l'enfer" ne sera jamais dans les Tops, mais toujours dans nos coeurs.
En 1997 sort Les Ailes de l'enfer, de Simon West. Produit par Touchstone Pictures, à l'époque filiale prolifique de Disney spécialisée dans les films "adultes" de la firme, le film est un pur film d'action de ces années si riches en actioners décomplexés, bourrés de punchlines, de destructions à grande échelle, et de personnages haut en couleurs. Si le modèle du succès du genre peut être Rock de Michael Bay, sorti un an plus tôt, Les Ailes de l'enfer a lui aussi le statut de film culte, et Nicolas Cage y est pour beaucoup. Le fait qu'il soit en tête d'affiche de ces deux films n'est pas un hasard, l'acteur est en effet dans sa phase action hero - il est aussi à l'affiche de Volte/Face en 1997, et dans une phase capillaire mythique. Cette trilogie d'action tombe juste après Leaving Las Vegas, et l'Oscar du meilleur acteur reçu pour l'occasion.
Les Ailes de l'enfer est un blockbuster classique, disposant d'un budget conséquent, de l'autorisation de détruire un hôtel à Las Vegas et d'un casting de stars : en plus de Nicolas Cage, les premiers rôles sont assurés par John Cusack et John Malkovich, soutenus par Ving Rhames, Danny Trejo, Steve Buscemi et Dave Chappelle, pour ne citer qu'eux.
Un casting exceptionnel qui se fait plaisir
Cameron Poe (Nicolas Cage) est un mec bien. Un mec vraiment bien, un Ranger condamné à la prison pour avoir tué en situation de légitime défense. Arrivé au terme de sa peine, il est renvoyé chez lui, où l'attendent sa femme et sa fille qu'il n'a pas vue grandir, sur un vol pénitentiaire dans lequel se trouvent les pires criminels des États-Unis. A leur tête, Cyrus "le Virus" Grissom (John Malkovich) a un plan pour leur évasion... Alors que Poe pourrait s'échapper à de multiples occasions, son sens du devoir et son humanité vont le pousser à déjouer les plans de Cyrus. Il y a son sens du devoir, mais il y a aussi un plaisir non-feint à se battre en marcel blanc et cheveux au vent. Il faut remarquer que cette vague imitation de John McClane - cheveux en plus - est sans doute la plus honorable, ne serait-ce que parce qu'elle est assurée par l'inénarrable Nicolas Cage.
La performance tout en poses et bienveillance de Nicolas Cage trouve un écho comme inversé dans celle de John Cusack. Autre acteur populaire des 90, il joue le US Marshal Vince Larkin, seul représentant des autorités plus intelligent que les autres, qui va comprendre que Poe peut devenir un allié pour tenter de capturer les criminels et limiter les dégâts. Malgré leur talent respectif, leur duo à distance ne fonctionne pas vraiment, et on se rend compte que paradoxalement l'un pourrait très bien échanger son rôle avec l'autre, tout en laissant l'impression que chacun suit sa propre histoire, en perpétuel décalage.
Ainsi, même si Nicolas Cage a les morceaux de choix, on ne voit pas bien qui est, à l'écriture de Les Ailes de l'enfer, le vrai héros. Un mal pour eux, un bien pour les anti-héros : John Malkovich livre une performance formidable, entre machiavélisme et sadisme et Ving Rhames prend visiblement du plaisir à jouer le méchant. Et surtout Steve Buscemi, dans le second rôle devenu culte de Garland Greene, "Le Boucher de Marietta", authentique psychopathe aux allures d'Hannibal Lecter, qui s'offre une scène mythique avec une petite fille d'un trailer park.
Un film qui ignore s'il doit être sérieux
Les Ailes de l'enfer nous place devant un dilemme. Si on aime le cinéma et qu'on a vu beaucoup de films, on ne peut s'empêcher de relever certains poncifs de l'humour d'alors, les plans d'explosion sur lesquelles les personnages ne se retournent pas, des effets spéciaux qui piquent les yeux et une succession d'invraisemblances au scénario. Mais si on aime le cinéma et qu'on a vu beaucoup de films, on ne peut bouder son plaisir devant différents moments du film, lâchés ça et là. Il faut une dose nécessaire de second degré pour apprécier ce long-métrage fondamentalement inutile, même si ce second degré n'est pas clairement volontaire dans Les Ailes de l'enfer. Était-il écrit que les anti-héros qui fêtent leur détournement sur "Sweet Home Alabama" de Lynyrd Skynyrd prendraient le coeur des spectateurs, plutôt que l'héroïsme chevelu de Nicolas Cage ?
Pour finir, comme un gamin capricieux, Les Ailes de l'enfer s'offre une double fin - et aussi pour offrir une séquence d'action commune à John Cusack et Nicolas Cage. Alors que l'avion finit par atterrir sur le strip de Las Vegas et détruire la façade du Sands Hotel, offrant une fin idéale à cette aventure, Cyrus et ses derniers complices s'échappent avec un camion de pompiers pour une ultime et destructrice course-poursuite. À grands renforts d'explosions, d'étincelles et de mobilier urbain détruit, on sent encore que le producteur Jerry Bruckheimer n'a pas lésiné sur le budget pour offrir une action haletante.
Avec un peu du sérieux de Rock, et un peu du caractère déjanté de Volte/Face, Les Ailes de l'enfer est un film où l'on se surprend à rire souvent, et à s'amuser d'un jeu de destruction classique des 90s. Honteux peut-être, jouissif sûrement...
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