Une semaine, un mois, un film. Chaque lundi, on revient sur les œuvres qui ont fait l’année 2017 en sélectionnant un film d’un mois.
Janvier 2017
Le 4 janvier 2017 sortait sur les écrans français Nocturnal Animals de Tom Ford avec Amy Adams, Jake Gyllenhaal et Michael Shannon. La même semaine, sortait l’émouvant Quelques minutes après minuit, et en fin de mois La La Land. C’est pourtant ce film choc qui aura le plus attiré notre attention.
Aussi beau qu’effrayant
Avec Nocturnal Animals Tom Ford allait marquer son public. Sept ans après le remarqué A Single Man, le styliste revint avec un deuxième film sombre, sur lequel les avis divergent.
Sordide pour certains, brillant pour d’autres, mais surtout impitoyable avec son sujet et son regard sur l’être humain.
Le film suit en parallèle deux histoires. D’une part celle de Susan, une galeriste de Los Angeles, contrôle freak glaçante à la vie monotone. D’autre part, celle du roman qu’elle reçoit un jour de la part de son ex-mari. Un récit qui s’apparente à un thriller, et fait lorgner Nocturnal Animals vers le film de vengeance. Dedans, un homme devient le témoin du destin tragique de sa femme et sa fille. Ces dernières ressemblant particulièrement à Susan, elles l’amènent à se confronter à son passé jusqu’à provoquer une profonde culpabilité.
Ainsi, Nocturnal Animals offre deux films en un pour permettre à Ford de faire, autant la critique d’un milieu bourgeois creux, que de creuser la noirceur de l’âme humaine. L’homme devenant capable d’une vengeance des plus perverse, symbole d’une détestation monstrueuse.
Le plan à retenir :
Nocturnal Animals est violent à plus d’un titre, et particulièrement dérangeant. Néanmoins, s’il a bien une qualité indéniable, c’est visuel. On connaissait déjà les qualités de styliste de Tom Ford. Avec Nocturnal Animals, le cinéaste confirme en offrant une image absolument sublime – une photographie signée Seamus McGarvey -, où chaque couleur semble étudiée avec précision. Il propose alors une série de plans, tous plus marquants les uns que les autres. Que ce soit cette introduction qui voit des femmes obèses danser nues, ou la quasi-totalité des séquences avec Amy Adams, ou encore la moiteur du Texas qu’il parvient à capter. De cet ensemble, on en aura extrait une image. Celle de deux corps, nus, exposés telle une peinture aussi belle qu’effrayante.
La semaine prochaine, on tentera de choisir entre Silence, Jackie ou encore Un jour dans la vie de Billy Lynn. Ci-dessous, la bande-annonce de Nocturnal Animals.
Février 2017
Le 1er février 2017 sortait sur les écrans français Jackie de Pablo Larraín avec une exceptionnelle Natalie Portman. Le même mois, on pouvait découvrir des œuvres impressionnantes, telles que l’éprouvant Un jour dans la vie de Billy Lynn ou encore le magnifique Silence de Martin Scorsese. C’est pourtant le biopic sur l’ex Première dame des Etats-Unis qui nous aura le plus frappé.
Un portrait fascinant de Jackie Kennedy
Sous la houlette de Pablo Larraín, il ne fallait pas s’attendre avec Jackie à un biopic classique qui retracerait la vie de Jacqueline Bouvier Kennedy. Le réalisateur se focalise sur les heures qui précèdent l’assassinat du président John Fitzgerald Kennedy, le 22 novembre 1963 à Dallas, et se sert de cette tragédie pour dépeindre un portrait acerbe de la “First Lady”. Car outre la perte de son mari, Jacqueline Kennedy s’apprête à voir disparaître le pouvoir.
Ainsi, il transparaît davantage de Jackie une femme manipulatrice, capable de se mettre en scène en montrant d’elle deux visages (en privé et en public), dans le but, toujours, de dominer sa représentation et celle de son entourage. C’est pourquoi, alors qu’elle assiste quelques heures après l’assassinat de Kennedy à l’investiture du vice-président Lyndon Baines Johnson, Jackie va tout faire pour que le nom des Kennedy reste dans l’histoire. Qu’importe s’il faut pour cela utiliser les funérailles de son défunt mari, avec qui l’amour semblait devenu secondaire.
Natalie Portman au sommet
Pour autant, Larraín parvient à rendre Jackie déchirante, et dans un sens, empathique. Il faut par exemple la voir déambuler dans la Maison Blanche, abandonnée devant les vestiges de son passé. Ou encore fasse à John Hurt, à l’écoute de sa confession tragique. Avec la précision de son cadre, et l’alternance de plans d’ensemble et de plans rapprochés, Pablo Larraín fait preuve d’une virtuosité pour que se combinent dans le film une monstruosité et à la beauté visuelle. Cela allant se transcender en Natalie Portman, qui livre à ce jour sa plus grande performance. On s’étonne d’ailleurs toujours qu’elle n’ait pas remporté l’Oscar cette année. À l’image de son personnage, l’actrice offre un véritable spectacle, où s’alternent sa froideur et l’explosion de ses émotions. Ce plan, choisit en une, allant alors symboliser toute la complexité d’un tel personnage, aussi touchant que troublant.
La semaine prochaine, on tentera de choisir entre Logan, The Lost City of Z, Grave, et une petite perle italienne du nom de Fiore. Ci-dessous, la bande-annonce de Jackie.
Mars 2017
Cette année sortait le même mois en France Grave, Lost City of Z et Logan. De primes abords, on aurait aimé mettre en avant le premier, pour sa réelle proposition cinématographique qui fait trop souvent défaut au cinéma de genre français. Le second aurait également été un choix logique devant les images sublimes captées par James Gray. Finalement, on aura opté pour Logan, sorti le 1er mars 2017, qui a su redonner de l’intérêt et de la personnalité à un film de super-héros ; genre de plus en plus aseptisé.
Bien plus qu’un film de super-héros
James Mangold ne construit pas son film comme un classique film de super-héros. Car il s’agit de faire un film AVEC, et non pas DE super-héros. Logan se présente ainsi davantage comme un road-movie dramatique, allant tendre par moment du côté du western – Mangold allant d’ailleurs citer L’Homme des vallées perdues (1953) de George Stevens. Une multitude de genre peut ainsi être associée au film, et c’est peut-être là la patte de Mangold. Le cinéaste qui, à défaut d’être un auteur, se présente comme un excellent faiseur, et a déjà touché à quasiment tous les genres (biopic, film policier, thriller, western…). Au fil des scènes, Mangold semble ainsi piocher ici et là dans ce qu’il connaît. C’est ce qui lui permet de faire une réelle proposition, de s’accaparer son sujet et de dépasser ainsi le film de commande.
Un retour à l’humain
Plus concrètement, Logan raconte la dernière aventure des plus anciens X-Men, les légendaires Wolverine et Professeur Xavier. Le film évoque ainsi la transmission à une jeune génération livrée à elle-même, abîmée par la société qui l’a créé. Et en suivant Logan vieilli, clairement sur la fin, Mangold ramène le film à échelle humaine, notamment par les questionnements de ses protagonistes. Ainsi, si les séquences d’action s’avèrent mémorables, par leur brutalité et leur « réalisme » (ici pas besoin de destruction massive et d’une débauche d’effets numérique), c’est surtout en mettant en avant les valeurs et l’homme que Mangold sort du lot. Provoquant de la sorte une empathie et une proximité fortes, autant envers l’ancien héros (très touchant Hugh Jackman), que la jeune Laura. Le film atteint alors son paroxysme dans ses derniers instants des plus tragiques.
De plus, avec la photographie de John Mathieson et certains plans symboliques, paraissant influencés par le cinéma et le jeu vidéo (il y a clairement quelque chose de Last of Us), Logan se révèle émouvant et visuellement riche. Une excellente version en noir et blanc du film est d’ailleurs sortie par la suite. Celle-ci offrant une réelle proposition esthétique et une alternative intéressante au film.
La semaine prochaine, on tentera de choisir entre The Young Lady, Life : Origine Inconnueet Les Gardiens de la Galaxie 2. Ci-dessous la bande-annonce de Logan.
Avril 2017
Clairement, ce mois d’avril 2017 n’aura pas été des plus mémorables. Heureusement, au milieu d’une masse de sorties anecdotiques, The Young Lady est venu pointer le bout de son nez. Un premier long-métrage pour William Oldroyd qui, malgré le peu de moyens financiers (à peine un demi-million d’euros de budget) offre un film d’époque beau et glaçant, car révélateur des maux de la société.
Dénoncer par l’horreur
En 1865, la jeune Katherine (interprétée par Florence Pugh, 21 ans et époustouflante) se voit mariée à un homme plus âgé. Étonnamment (par rapport aux habitudes cinématographiques), ce n’est pas elle qui se refuse à son mari, mais l’inverse. Passée l’humiliation d’un mari qui ne la désire pas, c’est l’ennui lié à son enfermement quotidien, et la pression que met sur ses épaules son beau-père, qui vont faire grandir en elle un désir ardent. Celui de se débarrasser de son mari, et de vivre enfin libreavec le palefrenier du domaine.
Il serait alors bien facile de se placer sans réfléchir du côté d’une héroïne soumise aux hommes. Pourtant, le réalisateur n’en oublie pas de prendre en considération les actes immoraux de cette dernière. Ainsi, s’il dénonce à sa manière une condition patriarcale, il s’agit davantage pour lui de représenter une monstruosité engendrée par la société – tel un Spring Breakers d’Harmony Korine. The Young Lady voit ainsi l’horreur grandir, s’en amuse un temps par un humour noir bien senti, avant de nous faire basculer.
Une beauté monstrueuse
S’il est notable dans son fond et l’écriture de ses personnages (pour une fois, il ne s’agit pas d’une demoiselle en détresse que seul un homme pourra extirper de sa condition), The Young Lady l’est tout autant visuellement. Avec ces couleurs froides (teintes de gris) en contraste avec le bleu délicat que porte Katherine, et sa construction minutieuse du cadre. De manière évidente mais cohérente et efficace, le réalisateur use des encadrements pour maintenir son héroïne dans un décor anxiogène.
Dès lors, chaque plan étouffe de par l’absence de mouvement, tandis que la distance maintenue par la caméra fixe renvoi au détachement moral du personnage. S’il ne fallait retenir qu’une scène, cela serait certainement cet instant où, tandis qu’un de ses opposants s’étouffe dans une pièce à côté, vraisemblablement empoisonné par Katherine, cette dernière poursuit son repas sereinement devant sa servante médusée. Le rire nerveux du spectateur qui, certainement, en résulte, résumant alors l’étonnante sensation que provoque The Young Lady.
La semaine prochaine, on tentera de choisir entre Get Out, Tunnel, Jane Do Identity. Ci-dessous la bande-annonce de The Young Lady.
Mai 2017
Qui dit mai, dit festival de Cannes (qui se déroule la dernière quinzaine du mois). Forcément, durant cette période, les sorties en salle s’en retrouvent généralement impactées. Résultat, cette année, peu de films ont vraiment su sortir leur épingle du jeu, si ce n’est le cinéma de genre. Tandis que le cinéma coréen prouvait encore toutes ses qualités avec Tunnel, tout comme la société de production Blumhouse avec le succès surprise Get Out, on aura choisi de retenir un ovni du cinéma d’horreur : The Jane Doe Identity.
Un huis clos terrifiant
À l’évidence, The Jane Doe Identity avait tout pour être un bon concept, porté par un synopsis solide, mais qui peine sur la longueur. Pourtant, le résultat s’avère bien plus surprenant. Le film se déroule chez un médecin-légiste, à qui est amené le corps non identifié d’une jeune femme (qu’on nomme donc Jane Doe). Tandis que Tommy Tilden et son fils (les reconnaissables Emile Hirsh et Brian Cox) effectuent l’autopsie de la victime durant la nuit, des événements surnaturels surviennent.
Le réalisateur André Øvredal a donc décidé de concentrer son film entre les quatre murs de la salle d’autopsie (ou presque), provoquant ainsi une sensation d’enfermement palpable. Mais au-delà du choix du huis-clos, la véritable qualité de The Jane Doe Identity provient de sa mise en scène et sa manière de tourner autour de la victime. Le film alterne ainsi entre les révélations étranges et leur impact sur la relation père/fils, provoquant ainsi l’empathie nécessaire. Mais en revenant perpétuellement sur ce corps, pourtant inerte, le cinéaste parvient à le faire interagir avec les émotions des protagonistes, et en faire même un objet inquiéttant.
Une vision fascinante qui hante
Le tour de force est alors de faire sentir de véritables sensations au spectateur, en ne faisant finalement « que » filmer un corps mort. Autopsie oblige, André Øvredal prend un malin plaisir à mutiler le corps d’Ophelia Lovibond. La comédienne qui interprète cette Jane Doe s’avère déterminante, de par l’attraction qu’en tire le réalisateur. Celui-ci offre ainsi une représentation frontale de la victime, la filmant entièrement nue de manière glaçante, ou en insistant sur cet angoissant regard vide. Les choix d’angles et de cadres, tout comme l’alternance au montage entre les très gros plans et les plans plus large devenant déterminants.
Certes, on pourra regretter des ajouts scénaristiques inutiles (la relation amoureuse du fils) et un sentiment d’étirement dans la dernière partie, mais The Jane Doe Identityatteint parfaitement son objectif premier. À savoir foutre les pétoches comme rarement ! À cela, s’ajoute une imagerie fascinante, une représentation de l’horreur malsaine à laquelle on ne peut détourner le regard.
La semaine prochaine, on tentera de choisir entre le spectaculaire Wonder Woman, et les plus intimistes It Comes At Night, The Last Girl et Ava. Ci-dessous la bande-annonce de The Jane Doe Identity.
Juin 2017
En juin, s’il y a bien un film qui aura fait parler de lui, c’est Wonder Woman. La superproduction (un peu surestimée selon nous) étant un immense succès au box-office, les noms de Gal Gadot et Patty Jenkins étaient sur toutes les lèvres. Seulement, plutôt que d’évoquer le film que tout le monde a vu, on a préféré mettre en avant la véritable héroïne de ce début d’été, Ava.
Pierrot le fou au féminin
Ava, c’est une jeune fille de 13 ans qui passe ses vacances d’été à s’ennuyer au bord de la mer. Lorsqu’elle apprend qu’elle va bientôt perdre la vue, l’urgence se fait sentir. Celle de partir à la découverte de la vie et de vivre un premier amour aussi intense que maladroit avec un garçon du voyage des environs. Premier film lumineux de Léa Mysius, Ava est tinté de mystère et d’étrangetés. Mais c’est surtout un voyage initiatique pour une jeunesse en perte de repères.
Une sorte de Pierrot le fou, auquel la réalisatrice rend hommage dans une scène burlesque, où les deux protagonistes, nus, le corps peint en bleu, partent en chasse des vacanciers des plages. Une folie audacieuse, dont ne se limite pas pour autant Ava. Le film allant donc évoquer les thématiques de la jeunesse, mais également de l’éducation, de l’acceptation de l’autre, avec un sous-texte politique peu optimiste.
Ava, ou la naissance de Noée Abita
Pas dénué de défaut, Ava marque les esprits. Il est de ces films au charme fou, dont les images reviennent nous hanter et accompagnent longtemps après. Car la réalisatrice n’a pas peur d’oser, et enchaîne les propositions visuelles et sensorielles. Comme en atteste cette séquence charmante d’Ava, dansant avec un naturel saisissant sur l’entraînant Sabali d’Amadou et Mariam. Une pause au milieu de la route qui tient en elle toute la fraîcheur du film. Cependant, le résultat final n’aurait peut-être pas été si marquant sans la présence de Noée Abita. Jeune actrice rayonnante et fougueuse, elle porte le film par sa personnalité débordante. À l’instar de Céline Sciamma avec Adèle Haenel, Léa Mysius a, à l’évidence, révélé une jeune comédienne à suivre.
La semaine prochaine, il sera plus difficile de choisir entre le sublime Song to Song, l’énergique Baby Driver, et l’éprouvant Dunkerque. Ci-dessous la bande-annonce de Ava.
Juillet 2017
Alors que les mois qui l’ont précédé étaient loin d’être bien excitants, juillet aura eu son lot de films marquants. On pense forcément à Dunkerque, qui voit Christopher Nolannous mettre une nouvelle claque. Mais finalement, celui qui aura le plus accroché notre regard, c’est bien le Song to Song de Terrence Malick. Un film sur les relations amoureuses, singulier et peu évident, comme on en a l’habitude avec Malick. Mais contrairement à ses précédents films, cette fois, on a retrouvé une part de magie.
L’amour selon Malick
En effet, après avoir livré avec The Tree of Life une des œuvres les plus remarquables de ce siècle, Terrence Malick a enchaîné les productions. Réputé pour être un cinéaste exigeant, il avait pourtant réalisé avant cela seulement quatre films en plus de trente ans. Depuis, il en a sorti cinq en six ans (The Tree of Life compris). Le problème, c’est qu’avec À la merveille et Knight of Cups le cinéaste semble se caricaturer. Mais le véritable souci vient du manque d’empathie pour des personnages se voulant trop complexe. Au final, que ce soit le triangle amoureux d’À la merveille ou le personnage de Christian Bale dans Knigt of Cups, tous apparaissent plus antipathiques qu’autre chose.
À ce niveau-là, Song to Song semble alors retrouver l’émotion de The Tree of Life en réduisant les questionnements philosophico-religieux de son auteur. Certes, les protagonistes continuent de déambuler dans les rues, mais cette fois, on se sent impliqué avec ce quatuor qui se tourne autour, s’aime et se déchire. Car cette fois, il y a de la simplicité dans les sentiments évoqués.
Le film le plus beau de l’année
Bien qu’on retrouve au casting quatre monstres du cinéma (Michael Fassbender, Ryan Gosling, Rooney Mara, Natalie Portman), Song to Song ressemble d’abord davantage à un triangle amoureux (Portman étant plus en retrait). Et même, derrière les manipulations du personnage de Fasbender, on sent l’envie de Malick de se concentrer sur le couple Ryan Gosling / Rooney Mara. L’histoire d’une rencontre, d’une relation passionnelle et des difficultés à s’aimer. Le tout, dans une ambiance rock’n’roll faisant de Song to Song un La La Land plus honnête et avec de la personnalité.
Le résultat est alors fabuleux. Comme toujours devant la caméra de Malick, chaque commédien.ne rayonne. Assurément, Natalie Portman et Michael Fasbender n’ont jamais été aussi sexy et désirables. De même que le naturel de Rooney Mara irradie aux côtés d’un Ryan Gosling des plus touchants. Le cinéaste et son directeur de la photographie (l’immense Emmanuel Lubezki) captent la beauté de chaque instant. Il faut les voir par exemple filmer un rayon de soleil à travers un building et le faire réfléchir sur le visage de ses protagonistes.
En cela, Song to Song se regarde avant tout pour ses images. Mais disposant d’un récit plus clair et centré sur des sentiments plus simples, le film émerveille. Une œuvre unique, à la sensibilité époustouflante. Forcément, le film reste peu évident et, dans un sens, difficile d’accès, mais il s’en dégage une telle beauté, qu’il serait dommage de s’en priver.
La semaine prochaine, on aura le choix entre le blockbuster de l’été, La Planète des singes – Suprématie, la surprise Atomic Blonde, ou le dernier Sofia Coppola, Les Proies. Ci-dessous la bande-annonce de Song to Song.
Août 2017
Après avoir évoqué la beauté délicate de Song to Song (voir le film marquant de juillet), place à l’action ! En août, outre le très fun Atomic Blonde, c’est bien la fin des aventures de César qui aura fait son petit effet. Le 2 août 2017, La Planète des Singes – Suprématie offrait probablement le meilleur blockbuster de l’été (et peut-être plus), impressionnant visuellement et d’une émotion rare.
Un spectacle à plusieurs niveaux
Avec ce troisième épisode du reboot de la saga, initié en 2011, c’est la guerre qui semblait être au centre des péripéties. Pourtant, Matt Reeves (encore là après le second opus) l’aborde avec toujours autant de subtilité, loin de respecter les cadres habituels du blockbuster. Car Suprématie, se construit davantage comme un voyage. Celui de César et de ses plus fidèles soldats, à la recherche de leur peuple, après qu’un colonel/gourou ait décidé de les réduire en esclavage.
On savait déjà depuis le précédent film, que la partie technique serait au rendez-vous. Mais avec Suprématie, le visuel dépasse toutes les attentes. Il y a bien sûr un côté spectaculaire des scènes d’actions, particulièrement cette première séquence qui cale le spectateur aux côtés des soldats humains, pris en tenaille par une horde de singes. Mais c’est dans ses moments les plus délicats, où apparaît la possibilité d’observer les émotions des personnages, que le film impressionne réellement. Difficile de voir le faux derrière une performance capture bluffante. Notons également le choix de filmer majoritairement en décors extérieurs, donnant ainsi au film une pureté visuelle, et un nouvel exemple de la volonté du film de ne pas être un blockbuster comme les autres.
L’émotion au rendez-vous
En effet, à la manière de Logan (voir le film marquant de mars), Suprématie a une approche assez singulière. Touchant au film de guerre (celui de l’époque classique hollywoodienne), tout en frôlant différents genres et en offrant de nombreuses références cinématographiques. Il y a, en effet, un côté western qui imprègne l’atmosphère du film, et des évocations plus ou moins direct à Apocalypse Now ou La Grande évasion. Mais c’est surtout dans la construction de ses personnages, et dans le contrôle de l’empathie que Matt Reeves et Mark Bomback (scénariste) se détachent des productions habituelles.
Des plus sincère dans son approche globale, La Planète des Singes – Suprématie est une bouffée d’air frais au milieu d’un panel de production devenue trop codifiées et peu audacieuses, préférant envoyer des effets numériques à outrance plutôt que de revenir à l’essentiel et le plus simple : raconter une histoire et des personnages. Ce que fait parfaitement Suprématie ici. Le film offrant suffisamment de profondeur à son héros, ainsi qu’aux personnages secondaires, et en touchant à des thématiques universelles(la famille notamment), les traits bestiaux s’effacent rapidement, pouvant alors laisser place aux sentiments humains. Le paroxysme étant atteint dans les derniers instants du film. Une conclusion parfaite et émouvante autour de son héros, le désormais légendaire César.
La semaine prochaine, on aura un choix varié entre Good Time, Ça, Faute d’amour, ou le musical de Bruno Dumont, Jeannette. Ci-dessous la bande-annonce de La Planète des singes – Suprématie.
Septembre 2017
Avec les sorties du mois de septembre 2017, il aurait été facile de revenir sur l’excellent Ça, qui marquait un retour réussi pour le clown Grippe-sou. Mais plutôt que de dire à nouveau tout le bien qu’on pense du film d’Andy Muschietti (voir notre avis), on a préféré, cette semaine, mettre en avant un film resté plus discret. Celui des frères Safdie, Good Time, qui révèle enfin les deux réalisateurs indé à un public plus large.
La survie impossible de deux frères
En effet, Ben Safdie et Joshua Safdie n’en sont pas à leur premier film avec Good Time. Pourtant, peu de gens connaissent ces deux gaillards et leur goût prononcé pour les losers. Cette fois, il s’agit de deux frères qui tentent de faire un braquage. Mais Connie et Nick n’étant pas les plus malins, celui-ci tourne mal et Nick se fait arrêter. Le temps d’une nuit à New York, Good Time embarque alors pour une virée à cent à l’heure durant laquelle Connie cherchera tantôt à fuir la police, tantôt à réunir suffisamment d’argent pour sortir son frère de prison.
Sorte de rencontre entre Nicolas Winding Refn et Michael Mann, Good Time est ce qu’on peut appeler un pur film de mise en scène. Ici, c’est l’efficacité qui prône. Pas le temps de se languir sur le passé des personnages, ceux-ci se voient caractérisés dès les premières minutes. Nick est handicapé et se laisse écraser / influencer par son frère. Ce dernier, interprété par Robert Pattinson qui étonne toujours autant, est le nerveux du duo. Soit deux cas sociaux, limités intellectuellement, que les frères Safdie parviennent à rendre attachant malgré tout. Une prouesse d’autant plus notable que Nick restera en hors-champ la majeure partie du temps. Les Safdie passent alors par Connie pour évoquer les liens fraternels et la volonté de survivre face aux moments les plus désespérés.
Une question de sensations
Avec sa stylisation bien marquée, Good Time avait réveillé une sélection cannoise bien ternes cette année. Ne laissant pas une seconde de répit de par son rythme soutenu et ses gros plans étouffants. Mais surtout, les Safdie captent une atmosphère poisseuseet singulière. Le genre qu’on ne trouve que tard la nuit dans des quartiers peu fréquentables. En cela, Good Time est un cinéma de sensation. Qui ne s’embarrassent pas avec des sous-intrigues et autres sous-textes. Se suffisant d’une caractérisation simple des personnages, et d’enjeux évidents. À la manière de Victoria, qui lui usait en plus du plan-séquence pour mettre à rude épreuve son spectateur, Good Time est un véritable trip halluciné d’une énergie redoutable.
La semaine prochaine, il faudra choisir entre deux des meilleurs films de l’année, Detroitet Blade Runner 2049, et la Palme controversée : The Square. Ci-dessous la bande-annonce de Good Time.
Octobre 2017
S’il ne fallait retenir qu’un film en octobre, c’est peut-être Blade Runner 2049 (marqué de très près par Detroit). Et sur cette année 2017, c’est certainement celui qui aura le plus impressionné en termes d’images. Une fois de plus, l’immense directeur de la photographie Roger Deakins a montré qu’il était l’un des meilleurs dans son domaine. Capable d’éclairer de manière unique chaque séquence, avec une maîtrise du cadre bien précise, il offre cette touche supplémentaire à la vision personnelle de Denis Villeneuve.
Inégalable Roger Deakins
Dès lors, outre le réalisateur qui fait un excellent travail pour donner suite, 25 ans après, à l’œuvre mythique de Ridley Scott, c’est bien Roger Deakins qui offre toute sa singularité au film. Sans lui, Blade Runner 2049 ne serait sûrement pas ce qu’il est, et il serait aberrant de ne pas lui décerner un Oscar pour cela. Car Deakins est capable de produire une atmosphère poisseuse, teintée d’étrangeté de par l’omniprésence du brouillard, et d’émerveiller dans les moments les plus spectaculaires. Le tout, avec une composition de plan remarquable !
Il n’y a qu’à prendre cette séquence de bataille finale, durant laquelle Ryan Goslingaffronte Sylvia Hoeks. La situation paraît pourtant simple – deux acteurs se battent à main nue, dans l’eau, sur une plate-forme, en pleine nuit. Mais par la luminosité de Deakins, celle-ci dévoile en vérité une complexité qui rappelle l’importance de l’image au cinéma. Une image qui permet alors de mettre en valeur l’univers entamé par Ridley Scott, et de l’approfondir à l’aide des nouveaux personnages de Denis Villeneuve.
Mémorable Joi
Impossible de se détacher de l’œuvre d’origine, et inutile de trop s’y référer, le cinéaste a donc trouvé le juste-milieu. Et si en surface le scénario du film peut sembler un brin évident, il regorge en réalité d’une richesse thématique. Dans la lignée du film de 1982, ce Blade Runner 2049 pose évidemment des questions sur l’humanité et ce qui nous définit.
Parmi les protagonistes les plus passionnants à ce niveau-là, se trouve Joi (Ana de Armas). Cette intelligence artificielle débordante d’émotions, dont la relation avec le personnage de Ryan Gosling offre un sentiment d’empathie rarement autant ressenti au cinéma. Par elle, Denis Villeneuve mène Blade Runner 2049 vers la fascination la plus totale. La jeune femme en devient même mémorable lors d’une impensable scène d’amour à trois.
Ainsi, Blade Runner 2049 pourrait ennuyer certains peu adepte du genre. Mais on ne peut nier la proposition de cinéma (de plus en plus rare) qui est faite ici. D’autant plus si on se penche sur les grosses productions actuelles, d’une pauvreté visuelle et souvent sans fond. Et après avoir plongé dans cet univers (visuel mais aussi musical), difficile d’en ressortir indemne.
La semaine prochaine, on reviendra sur des films vus il y a à peine quelques semaines. Au choix : Coco, Le Musée des merveilles, A Beautiful Day, ou encore Jeune Femme. Ci-dessous la bande-annonce de Blade Runner 2049.
Novembre 2017
Évidemment, en novembre, on aurait pu (dû ?) retenir avant tout Coco, nouvelle production majestueuse de Pixar. Néanmoins, cela n’aurait pas été très original tant le studio nous a habitué à des œuvres de qualité. À la place, on a préféré revenir cette semaine sur Thelma, le film fantastique de Joachim Trier (Oslo, 31 août). Un film à l’évidence imparfait, en atteste notre critique assez mitigée. Et pourtant, plusieurs semaines après sa sortie en salle, des images restent. Car Thelma, c’est avant tout une question d’atmosphère.
Jeunesse, libère-toi
Beaucoup verront en Thelma une simple réappropriation du Carrie de Brian de Palma. C’est généralement le cas dès lors qu’un film montre une adolescente mal dans sa peau qui se découvre des capacités surnaturelles. Ce serait être évidemment trop réducteur envers le film de Joachim Trier. Certes, il s’agit donc ici de Thelma, étudiante timide qui quitte un foyer familial religieux pour adopter la vie universitaire d’Oslo. Là, elle se découvre une attirance pour une autre fille, Anja. Et tandis qu’elle tente de réfréner ses sentiments pour la jeune fille, Thelma multiplie des crises d’épilepsie qui révéleront un étrange pouvoir.
Les symboliques sont assez évidentes, comme le remarquait Corentin dans son avis. Mais derrière ces métaphores, Joachim Trier livre un beau portrait de son héroïne et de son apprentissage au sens large. Durant toute la première partie, Thelma fascine par ses images et les idées de mise en scène. Trier sait varier les plaisirs, se montrant tantôt sensuel (par les regards des deux jeunes filles qui se croisent), tantôt inquiétant, voire dérangeant. Il livre ainsi une première heure d’une rare beauté, à l’image de cette séquence fantasmée du serpent, dont la symbolique appuyée cache la complexité du personnage.
Le chat et la souris
S’en suit alors une deuxième partie plus laborieuse et étirée. Un long passage durant lequel Thelma rejoint ses parents pour questionner son passé et y révéler l’horreur. S’efface alors le film sur la jeunesse à la découverte du monde qu’on apprécie tant, pour laisser place à un discours plus social. Trier commence alors un nouveau film, qui laisse perplexe tant on ne sait vraiment où il veut en venir. C’est à ce niveau qu’on ne peut qu’avoir des regrets. Pour autant, il y a cette honnêteté dans l’approche du cinéaste qui, si elle donne au film un caractère maladroit, n’est pas sans rappeler justement les œuvres de Brian de Palma, peu subtiles, souvent mal considérées au premier regard, mais qui avec le temps deviennent incontournables.
Décembre 2017
Nous y sommes. La dernière semaine de 2017. Et en décembre, le cinéma ne s’est évidemment pas arrêté. Sans être le mois le plus marquant, on aura au moins eu l’occasion de voir en salle l’un des films les plus remarquables de l’année. Car tandis que Les derniers Jediexplosait le box-office et voyait les fans se déchirer, il y a un film qui mit tout le monde d’accord, et qui mérite bien qu’on revienne une seconde fois dessus. Il s’agit évidemment d’A Ghost Story, dont on vous dit énormément de bien depuis le festival de Deauville, où il a raflé trois prix.
La tendre mélancolie de Lowery
Difficile d’écrire à nouveau sur le nouveau film de David Lowery. Déjà, car les mots semblent parfois ne pas suffire pour décrire la singularité de cette œuvre. D’autre part, car on évoquait déjà longuement du film dans notre avis (voir notre critique). Faut-il alors rappeler à quel point Rooney Mara est lumineuse dans ce rôle de femme endeuillée à la simplicité authentique ? Que chacune de ses rares apparitions suffise à construire subtilement la psychologie d’un personnage empathique ? Que l’épure scénaristique et visuelle (idée remarquable du drap blanc) donnent à A Ghost Storytoute sa sensibilité ? Et que derrière cette simple histoire d’un fantôme témoin de la vie qu’il rate, David Lowery tire une vision grandiose sur le monde et l’être ? Oui, certainement, il faut en parler à nouveau. Car A Ghost Story, à la beauté mélancolique, hante au plus haut point.
Tendre et doux, bien qu’indéniablement difficile d’accès (un aspect contemplatif qui peut rendre le film hermétique), A Ghost Story devrait marquer le cinéma. En atteste ses nombreux plans mémorables, que ce soit la fameuse tarte longuement avalée par Rooney Mara, ou simplement cette image du couple s’embrassant délicatement dans leur lit. Décidément, on ne pouvait pas rêver mieux pour terminer l’année.