Les années 2000 réservent aussi leur lot de grands films. Petite rétrospective de ce qui se fit de mieux durant cette décennie.
Les années 2000 coïncident avec l’émergence de cinéastes très talentueux, notamment venus d’Asie. Voici une petite liste de films qui ont marqué votre humble serviteur, à une époque où il emmenait ses premiers flirts dans les salles obscures, et où il pouvait se laisser prendre complètement par l’oeuvre, et découvrir à la fin du film que le siège à côté de lui se retrouvait vide.
In The Mood for love, l’humeur d’aimer
En l’an 2000, Wong Kar Wai, n’est plus vraiment un inconnu. Avec In The Mood for love, il présente son chef d’œuvre. Cette œuvre connaît un énorme succès et fait rentrer son auteur au rang des grands cinéastes de sa génération. Avec In The Mood for love, Wong Kar Wai est au sommet de son style. À travers ses cadrages, la lenteur de ses plans, son esthétique, il exprime avec virtuosité l’indicible et la pudeur.
In The Mood for love se déroule à Hong Kong en 1962. Su-Li Zhen, une secrétaire, et son mari, s’installent dans un appartement. Le même jour, Chow Mo-Wan, un journaliste, emménage dans une chambre à côté de leur appartement. Leurs conjoints respectifs étant souvent absent, les deux protagonistes se rapprochent et découvrent ensemble que leurs moitiés entretiennent une liaison. Se sentant délaissés, ils vont se rapprocher et s’entre-aider, et petit à petit être dans une humeur d’aimer. Tout en délicatesse le réalisateur explore la complexité des sentiments et aboutit à une œuvre sublime.
Memento, la mémoire n’est pas fiable
Le 11 octobre 2000, Christopher Nolan sort un thriller au style tout à fait atypique : Memento. Ce film raconte l’histoire de Leonard Shelby (Guy Pearce), ancien agent d’assurances, dont l’existence a basculé le soir où des cambrioleurs agressent sa femme. En lui venant en aide, il reçoit un mauvais coup sur la tête. À la suite de cet accident, il perd sa femme et souffre d’une forme rare d’amnésie, qui lui fait perdre sa mémoire immédiate. Il se souvient de sa vie avant l’agression, mais il n’est plus capable de retenir quoi que ce soit au-delà de quelques minutes. À partir de là, il n’a plus qu’une obsession, retrouver ses agresseurs et se venger. Pour cela, il structure sa vie de manière extrêmement organisée, à la manière d’un détective. Il note sur des polaroids ce qu’il veut retenir des gens et se tatoue sur son corps ce qu’il ne doit jamais oublier. Mais ses rencontres au fil de son enquête sèment le trouble.
Au-delà de l’histoire très bien ficelée, c’est surtout la narration du film qui le rend parfaitement unique. Ainsi, Memento est monté à l’envers, le spectateur découvre les événements comme Leonard Shelby. C’est ce qui rend ce film inoubliable.
Requiem for a dream, une claque
En 2000, le cinéma américain présente un autre jeune talent en plus de Christopher Nolan : Darren Aronofsky. Celui-ci s’était déjà distingué avec le film Pi. Mais avec Requiem for a dream, Darren Aronofsky se révèle de manière fracassante au public. Son film donne une véritable claque à son spectateur. À travers les changements de rythme dans son montage, et avec la combinaison d’insert récurent le réalisateur entraîne le spectateur dans la descente aux enfers des différentes drogues. Il y montre ses mécanismes pervers et son engrenage infernal. Visuellement Requiem for a dream s’avère impressionnant et son audience en sort sonnée.
Cette œuvre montre les ravages et les pièges des drogues. En effet, Harry, sa petite amie Marianne, et leur pote Tyronne, sont tous les trois toxicomanes. Ils cherchent constamment de l’argent pour se payer des doses. Mais lorsque la pénurie arrive, ils se retrouvent contraints de chercher par tous les moyens à se procurer de la drogue. La mère d’Harry, qui passe sa vie entre son frigo et son poste de télévision, ne rêve que d’une seule chose, passer dans son émission préférée. Mais pour cela, elle va devoir perdre du poids. Pour l’aider, elle prend des médicaments à base d’amphétamine.
Pour chacun des personnages, le piège se referme sur eux et les précipite dans une chute irrémédiable.
La 25e heure
En 2002, Spike Lee sort son film post 11 septembre. Dans La 25e heure, Monty Brogan, superbement interprété par Edward Norton, purge ses dernières heures de liberté avant d’effectuer une longue peine de prison. Dans son errance, il cherche une forme de rédemption, il s’interroge sur ses amis, sur sa copine et renoue un lien avec son père. Et surtout, il s’interroge sur un avenir désormais flou et incertain.
Dans ce film, Spike Lee abandonne toute intrigue pour laisser place à la mélancolie. À travers son personnage de Monty, il dévoile un jeune homme qui avait du talent, mais qui ne l’a pas exploité. Un homme qui n’a que des regrets, qui s’est retrouvé dealer et qui s’apprête à purger une peine de 7 années de prison. La performance d’Edward Norton donne à voir au spectateur un être finalement plein de faille, qui a souffert de l’absence d’une mère et qui a dû composer avec son père. Monty n’est pas mauvais, tout au moins il n’est pas plus mauvais que les autres, comme l’un de ses amis devenus trader et qui continue à habiter juste à côté du ground zéro.
Par l’exploitation du montage, comme le flash-back et le double take (action répétée), Spike Lee accentue la gravité de son propos et de sa réflexion. Une œuvre sensible d’un grand artiste.
Memories of murder, Le Seven venu d’Asie
En 2003, Bong Joon-Ho, réalisateur sud-coréen, présente un sublime polar : Memories of murder. En plus de retracer une enquête policière passionnante, conduite par deux flics que tout oppose, la réussite de ce film réside aussi et surtout dans sa faculté à dépeindre une société en pleine mutation. Ainsi, la Corée de Memories of murder traverse une transition difficile, comme si elle allait d’une dictature de l’ancien monde, traditionnel, vers une autre dictature plus moderne, mais aussi plus sournoise. Le tueur n’apparaît jamais, mais l’industrialisation est montrée comme quelque chose de terrifiant et d’insaisissable.
Dans cette enquête, les hommes perdent pied, certains craquent, et même l’intelligence rationnelle réfute les faits et veut se faire justice elle-même. Un très très grand polar, à voir et à revoir.
2046, Wong Kar Wai fait encore mieux
Après avoir sorti son chef-d’œuvre avec In The Mood For Love, Wong Kar Wai revient avec une suite, à sa manière, et il fait l’exploit de faire encore mieux.
2046 est la suite officieuse d’In The Mood For Love, car Wong Kar Wai est un cinéaste au style unique. Pour lui la suite de son œuvre réside dans le numéro d’une chambre d’hôtel, et lui offre l’opportunité d’explorer un autre sentiment, la mélancolie.
Ainsi, le journaliste Chow Mo-Wan revient à Hong Kong en 1966. Le talentueux Tony Leung donne à voir un personnage différent de celui d’In The Mood For Love. Celui-ci est un écrivain séducteur qui passe d’amours impossibles à des romances éphémères. Par ses écrits, il imagine un train futuriste, d’où personne ne revient, un train qui va dans la zone 2046, la zone des amours perdus. À voir absolument.
Shaun of the dead, so british
En 2004, Edgar Wright, jeune réalisateur anglais, dévoile Shaun of the dead, une œuvre délirante entre le film d’horreur, le film de pote et le film de série B. Le résultat est une vraie réussite. Dans ce film de zombis, Edgar Wright égratigne gentiment et avec beaucoup d’humour l’anglais moyen, buveur de bière dans les pubs.
Ainsi, Shaun est un vendeur trentenaire à la vie simple. Il a une petite amie Liz qu’il délaisse pour passer la plupart de ses soirées avec son pote Ed dans son pub favori, Le Winchester. Liz, lassée de cette immaturité, décide de rompre. Shaun va alors tout faire pour la convaincre de revenir sur sa décision. Au même moment, Londres est le théâtre d’un événement étrange. Des zombis apparaissent ici et là. Désormais, Shaun n’a plus le choix, il doit se comporter en homme pour sauver sa copine et ses amis. Il prend une décision d’une grande maturité, emmener tout le monde au pub. Un classique dans le genre film de zombis.
La chute, le point de vue du monstre
Oliver Hirschbiegel sort en 2005 un film courageux, une œuvre qui relate les dernières heures d’Adolphe Hitler dans son bunker. Le courage de ce film réside dans le fait que le spectateur découvre le point de vue des nazis. Bruno Ganz dans une interprétation magistrale humanise le monstre. Le réalisateur donne un éclairage sur la folie nazie, en premier lieu son chez Hitler. Ce film montre à quel point, il était mégalomane et à quel point les chefs nazis se sont embarqués dans une folie jusqu’au-boutiste destructrice, pour eux et pour le peuple allemand. Il montre aussi que pour les généraux, la capitulation a été un traumatisme. La chute est une œuvre choc, mais utile pour exposer la folie destructrice que peut avoir un régime totalitaire.
Le Nouveau Monde, le génie de Terrence Malick
Terrence Malick ne sort pas beaucoup de films, mais quand il le fait, il s’agit généralement d’un chef d’œuvre. Ainsi, en 2006, avec Le Nouveau Monde, le réalisateur dépeint la naissance de l’Amérique dans un style toujours très poétique.
Cette fresque s’ouvre sur l’arrivée de trois navires anglais qui accostent sur la côte orientale du continent nord-américain. Immédiatement, s’entremêlent le regard méfiant des Indiens et le soulagement plein d’espoir des colons anglais. Mais malgré la volonté d’une cohabitation, les deux modes de vie très différents vont s’opposer. Et les colons anglais, dont la société est basée sur la hiérarchie et l’obéissance, vont préférer la guerre et imposer leur mode de vie à l’adaptation à une autre manière de vivre plus en harmonie avec la nature.
L’officier John Smith, condamné à la pendaison pour insurrection, va se voir offrir une nouvelle chance. Il part en éclaireur dans la forêt, noue des liens avec les Indiens et commence une idylle avec Pocahontas, la fille du chef de la tribu. L’un et l’autre ont la volonté de s’adapter et d’apprendre de l’autre. Mais face à leur peuple, leurs idéaux vont s’avérer utopiques.
Un prophète, comment tuer le père
Après De battre mon cœur s’est arrêté avec Romain Duris et Un héros très discret avec Mathieu Kassovitz, Jacques Audiard revient en 2009 avec Un prophète. Cette fois-ci le duo symbolique père-fils est occupé par Niels Arestrup et Tahar Rahim.
Ainsi, Malik El Djebena (Tahar Rahim) est condamné à six années d’incarcération à 19 ans. Arrivé en prison, seul dans ce milieu hostile, il apprend le fonctionnement de cette mini-société. Il comprend très vite que le pouvoir est détenu par les Corses, et il accepte de tuer un témoin gênant pour leur chef, César Luciani (Neils Arestrup). Dès lors, protégé par les Corses, il comprend vite comment accéder au pouvoir.
Un prophète est une œuvre écrite avec beaucoup de justesse et de précision, interprétée par de superbes acteurs et mis en scène par un maître. Le tout ne peut être que réussi.
Et pour vous, quels sont les meilleurs films des années 2000 ?