Acclamé par la critique, « 120 battements par minute » a pris la tête du classement des films d’auteur de 2017. Pour cause, un mois avant sa sortie en Blu-ray survenue le 23 décembre, les entrées sont estimées à hauteur de 800 000. Est-ce que le support physique rend hommage à un tel succès ?
Dirigé par Robin Campillo (Eastern Boys, The Returned), 120 battements par minute prend pour contexte le début des années 1990. Si le long métrage de 2h23 présente tout un bataillon de personnages, le véritable protagoniste n’est autre que le sida. Ce rétrovirus détruisant les cellules du système immunitaire unit, mais divise également les militants d’Act Up-Paris. Il nourrit leur combat et leurs motivations, tout en anéantissant leur être biologique. Ils mettent tout en œuvre pour sensibiliser le Gouvernement et être reconnus des groupes pharmaceutiques peu coopératifs. Ainsi, dans un climat d’indifférence publique, les membres font face à leurs symptômes et à la perte de ceux ne pouvant poursuivre cette lutte.
Loin des manifestations rythmées par la house musique et les slogans scandés à tue-tête, l’amour partagé par Sean (Nahuel Pérez Biscayart), séropositif, et le séronégatif Nathan (Arnaud Valois), offre une intrigue plus intimiste. Sa douceur tranche violemment avec la confusion et les désaccords au sein de l’association militante. En outre, elle permet d’illustrer la lente dégradation physique induite par la maladie et l’emprise qu’elle détient sur l’entourage.
Pourquoi 120 battements par minute vaut le détour ?
Dans une atmosphère de confession, cette relation est un vecteur essentiel afin d’aborder la transmission à travers des histoires autobiographiques et des flashbacks. Le personnage de Nathan en prend d’autant plus d’épaisseur lorsqu’il conte une anecdote de son passé, grâce à laquelle le spectateur comprend davantage ses motivations. Si ses sentiments sont sincères, il demeure rongé par la culpabilité d’avoir pris la fuite en découvrant les maux de son ancien petit-ami. En restant auprès de Sean, l’homme peut entamer sa rédemption et se pardonner.
Les prestations délivrées par le casting sont un des points forts du film de par leur justesse et l’absence de surenchère. Les scènes de réunion arborent des allures de documentaire, conséquence d’un jeu étonnamment naturel de la part de la distribution.
Si des avancées sociales et des pas en avant ont caractérisé ces dernières années, l’homophobie et le rejet des individus LGBT/minorités en général sont toujours d’actualité. La prise de risque en abordant un sujet encore tabou est indéniable, mais était terriblement nécessaire. L’effort du réalisateur ne peut donc qu’être applaudit. Et il l’a été puisqu’il a remporté quatre prix au festival de Cannes 2017. Treize fois nominé aux Césars de l’édition 2018, le métrage a été récompensé de 6 Awards dont celui du Meilleur Film.
Pas de paillettes pour les supports physiques
Commercialisés par Memento Films, le DVD et le Blu-ray de 120 BPM sont sobres. Il n’existe aucune édition « collector », ni même exclusive au marchand FNAC. Les collectionneurs seront peut-être déçus face à cette nouvelle, mais ils apprécieront le digipack cartonné remplaçant l’habituel boîtier plastique bleu. De bel effet, sa faible épaisseur est un vrai plus.
Le collectif et l’intime sublimés
Précises, les images n’ont pas à rougir de leur qualité et font parfaitement leur travail. La compression paraît irréprochable, libre de pixels indésirables ou de macroblocs. Les quelques images d’archives jurent évidemment avec l’esthétique d’ensemble très léché mais ce n’est pas un problème en soi. Au contraire, cela rappelle que des événements ayant inspirés le film se sont réellement déroulés.
Quant aux couleurs, elles sont retranscrites sans mal. Tantôt vives lors des scènes à la Gay Pride, puis réservées et désaturées lors de la partie finale, elles sont la retranscription visuelle du scénario signé Campillo et Philippe Mangeot (Les nuits d’été).
Le son n’est pas non plus en reste puisque deux pistes audio DTS-HD sont proposées. L’une est au format 5.1, tandis que la seconde est en stéréo 2.0. Immersives, les ambiances festives comme les dialogues intimistes sont audibles et spatialisés.
À noter que l’absence de chapitres n’est pas un oubli, mais bel et bien une décision artistique souhaitée par le réalisateur.
Côté bonus
Grosse déception quant aux suppléments qui manquent d’audace et se comptent sur les doigts d’une main. Pourtant si proche de la perfection, l’interactivité est le point noir du disque. Aucune scène coupée, pas de making-of, ni de témoignages des acteurs… L’absence d’un documentaire traitant de l’évolution de la reconnaissance du sida est regrettable.
- Commentaire audio par Robin Campillo : enfin ! Alors que les distributeurs comme Warner Bros et Sony semblent les délaisser, Memento Films a fait l’effort d’en proposer un. Le réalisateur revient sur ses intentions, mais aussi sur son propre vécu puisqu’il a lui-même rejoint Act Up en 1992. Si ce n’est pas un copié/collé du réel, il s’en est inspiré lors de l’écriture. Il s’agit d'un bonus méritant, et est incontournable pour les intéressés.
- Répétitions des pom-pom girls (7:37 min) : tout au plus sympathique. Le genre de featurettes que l’on attend d’une galette bien fournie. Ce qui n’est malheureusement pas le cas ici. Pour ne rien arranger, les différents fragments de vidéos ne sont pas en Haute Définition. Un fond a donc été utilisé afin de combler les écrans.
- Bande annonce (1:53 min) : à l’instar de son prédécesseur, elle aurait été estimable en présence de suppléments conséquents.