Pour "9 Mois Ferme", sa cinquième réalisation, Albert Dupontel signe un film inspiré du milieu judiciaire qui a bien failli se faire en Angleterre et sans Sandrine Kiberlain, mais avec Emma Thompson à la place.
Un succès critique et public
C'est en octobre 2013 qu'est dévoilé au grand public la cinquième réalisation d'Albert Dupontel 9 Mois Ferme. Le film, qualifié de "drame rigolo" par son auteur, conte l'histoire d'une jeune juge d'instruction incarnée par Sandrine Kiberlain, célibataire endurcie aux mœurs stricts, tombant enceinte sans la moindre explication d'un criminel poursuivi pour une atroce agression, campé par Albert Dupontel lui-même.
Le film est un vrai succès public et critique. A ce stade de sa carrière de réalisateur, il s'agit de son meilleur score au box-office avec plus de 2 millions d'zntrées. Un score qui sera similaire pour ses deux films suivants : Au Revoir Là-Haut en 2017 et Adieu les Cons en 2020.
Côté critique, Le Monde évoque "Une des comédies les plus drôles qui nous ait été donné de voir depuis longtemps" tandis que pour Ouest France "Alors que le cinéma hexagonal se calfeutre dans la bienséance timorée, Albert Dupontel ose (...) par l'enchaînement des bons mots dans les dialogues et des trouvailles insolites pour des gags visuels".
Le documentaire qui a inspiré Dupontel
Le visionnage d'un célèbre documentaire de Raymond Depardon a inspiré l'idée du film à Albert Dupontel. Il l'explique au site suisse Clap en 2013 :
J'ai vu 10è Chambre - Instants d'audience de Depardon qui m'a beaucoup frappé, beaucoup ému. Depardon ose la vérité et la simplicité, ce qui n'est pas mon cas. A partir de ce film, j'ai gambergé.
Ce documentaire relate" douze affaires, douze histoires d'hommes et de femmes qui se sont, un jour, retrouvés face à la justice" dans le cadre des audiences de la 10ème Chambre Correctionnelle de Paris, exceptionnellement autorisées à être filmées. Dupontel a également eu le privilège de tourner certaines séquences de son film dans l'enceinte prestigieuse du Palais de justice de Paris. Un lieu qui a marqué le réalisateur, comme il l'explique dans le communiqué de presse du film :
Ce décor est unique au monde. Aucun Palais de Justice n’existe dans un lieu aussi ancien et prestigieux. Le paradoxe réside entre la beauté des lieux et les tragédies qui s’y déroulent au quotidien… C’est très impressionnant.
En clin d'œil au documentaire qui l'a inspiré, Dupontel a donné le rôle de la présidente du tribunal à la juge Michèle Bernard-Requin, qui apparaît tout au long de 10è Chambre - Instants d'audience. Elle a également conseillé techniquement le réalisateur, en attirant son attention sur les incohérences du script par rapport à la vérité du système judiciaire.
En anglais et sans Sandrine Kiberlain
Malgré son succès, le film a bien failli ne jamais voir le jour. Dupontel ayant toujours été inspiré par l'humour britannique, le film devait d'abord être tourné en anglais avec Emma Thompson dans le premier rôle. Il y était encouragé par son ami Terry Gilliam, ex-Monty Python, qui lui répétait qu'un "échec en anglais voyage plus qu'un succès en français". Cependant, une production compliquée, avec un manque d'argent et de liberté, contraint Dupontel à revenir en France.
Il s'est alors confronté à un nouveau problème. Après des mois de casting, il n'arrive pas à trouver l'héroïne de son film. Il cherchait alors à ce moment-là une "petite brune agressive". Alors qu'il était sur le point de lâcher le projet, Jean-Pierre Jeunet et Jean Dujardin lui conseillent de proposer le film à Sandrine Kiberlain. Elle raconte sa découverte du script à l'Obs en 2013 :
Le scénario m’a fait hurler de rire. Dans le personnage d’Ariane, il y a tout à jouer : le désarroi, la surprise, la peur, la rencontre amoureuse. Depuis le Conservatoire, je n’avais pas interprété une telle palette.
Albert Dupontel, conquis par les essais, donne finalement le rôle à Kiberlain et fait alors du personnage de la juge d'instruction "une grande blonde tendre" selon ses mots, à l'opposé de sa première volonté. Cette rencontre inattendue sera un vrai succès pour les deux acteurs puisque cette quatrième réalisation a permis à Dupontel de décrocher son premier César (celui du meilleur scénario original) et à Sandrine Kiberlain d'obtenir celui de la meilleure actrice, dix-huit ans après son premier César, du meilleur espoir féminin.