DOSSIER DE L'ÉTÉ / PARTIE 2 - Avant "Batman" et "L.A. Confidential", Kim Basinger devient une star grâce à son rôle dans le drame "9 semaines ½", où elle tombe follement amoureuse de Mickey Rourke, qui cherche à la dominer. Une expérience déterminante mais douloureuse pour l'actrice. Après son audition humiliante, retour sur le tournage intense et éreintant du long-métrage.
9 semaines ½ : un tournant pour Kim Basinger
Dans la première partie de notre dossier, nous évoquions l'audition humiliante de Kim Basinger pour 9 semaines ½. Lorsqu'elle fait des essais avec Mickey Rourke pour cette adaptation du roman Le Corps étranger d'Elizabeth McNeill sortie en 1986, Adrian Lyne lui demande de ramper pour ramasser des billets. La comédienne quitte la pièce en larmes et assure à son agent qu'elle ne veut plus jamais entendre parler de ce film.
Le réalisateur insiste néanmoins pour qu'elle accepte le rôle d'Elizabeth, employée d'une galerie d'art new-yorkaise qui tombe instantanément sous le charme du mystérieux John (Mickey Rourke) quand elle le croise dans une épicerie. Consciente que cette expérience pourrait marquer un tournant dans sa carrière et la rendre "plus forte", Kim Basinger finit par dire "oui".
Une actrice poussée dans ses retranchements
Débute alors un tournage épuisant pour l'actrice. Désireux de retranscrire à l'écran la détresse émotionnelle du personnage qu'elle incarne, Adrian Lyne instaure un rapport de force avec Kim Basinger afin de la rendre vulnérable. Comme le relate le New York Times en 1986, certaines personnes présentes durant la production ne comprennent pas l'intensité des rapports entre le cinéaste et la comédienne, qui passent par des moments "de rage et de désespoir".
Le réalisateur se montre parfois terrifiant avec l'actrice, n'hésitant pas à la manipuler pour obtenir le résultat qu'il souhaite. Il fait par ailleurs en sorte que Kim Basinger craigne Mickey Rourke en leur demandant de s'éviter, ce que la star de Rusty James et L'Année du dragon s'efforce de faire, adressant à peine la parole à sa partenaire. À l'époque, Adrian Lyne explique :
Il fallait qu'elle ait peur de lui. (...) Je ne voulais pas qu'ils se retrouvent (après l'audition) jusqu'à ce qu'ils commencent à travailler, je ne voulais pas qu'ils aient une relation qui m'exclurait. Je voulais que les 10 semaines de tournage soient comme les 9 semaines et demie de la relation.
"Ce n'était pas agréable, mais c'était utile"
Le cinéaste affirme également que son approche n'était pas "le résultat d'une alliance sadique" entre Mickey Rourke et lui, ajoutant à propos de Kim Basinger :
Elle savait que c'était quelque chose qui l'aidait. Ce n'était pas agréable, mais c'était utile.
Le réalisateur est convaincu que s'il n'avait pas poussé à bout la comédienne, elle n'aurait pas pu offrir une telle performance :
Vous ne pouvez pas faire ça avec tout le monde. Kim est un peu comme une enfant. Elle est innocente. (…) C'est une actrice instinctive. Elle a été cette femme pendant dix semaines, elle ne l'a pas jouée. Pour qu'elle soit en colère, je me mettais en colère contre elle et elle le faisait en retour. Mickey aussi l'a fait. Il l'a effrayée. Et cela a été fait exprès. (Kim) n'est pas une intellectuelle. Elle ne lit pas. Elle n'agit pas vraiment, elle réagit.
Les regrets de Mickey Rourke
Une description dans laquelle la principale intéressée ne se reconnaît absolument pas. Elle estime qu'Adrian Lyne n'a pas mis au point cette méthode de travail pour s'adapter à elle, mais simplement parce qu'il s'agit de sa façon de faire. Si elle ne se rend pas compte qu'elle est manipulée, elle accepte de rester "naïve" et malléable pendant la production, par confiance pour le cinéaste.
Quant à Mickey Rourke, il reconnaît dans l'émission Actor's Studio qu'il a été trop loin avec sa partenaire :
Le Dernier tango à Paris est sorti quelques années auparavant et je pensais que l’on pouvait aller encore plus loin. Je ne sais pas à quel degré elle était intéressée par ce rôle. C’est une personne très réservée. A cette époque, j’étais jeune et bête. Je ne la connaissais pas. Le film était plus dur à faire pour elle que je ne le pensais. Si c’était à refaire avec elle, je serais très différent".
Ce tournage douloureux, qui a eu des conséquences néfastes sur la vie personnelle de Kim Basinger, atteint son point culminant lors des prises de vues d'une scène coupée, à découvrir dans notre article du mercredi 17 août 2022.