En 2016, alors même qu'il n'avait pas encore entamé son tournage, le film de Philippe de Chauveron avec Christian Clavier "À bras ouverts" se retrouve critiqué de toutes parts. En cause, un premier titre particulièrement caricatural, dans lequel beaucoup voient une touche xénophobe. Marche arrière pour le projet, qui sortira en salles un an après sous le titre qu'on connaît.
À bras ouverts, dans la lignée de Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ?
En 2014, Philippe de Chauveron réalise un carton avec Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ?. Une comédie consensuelle qui s'amuse avec le racisme ordinaire du couple Verneuil, des bourgeois gaullistes catholiques catastrophés par l'union de leurs trois filles avec des hommes aux origines étrangères. Le succès est immense, avec plus de 12 millions d'entrées en France, et un accueil critique favorable. Christian Clavier y trouve un rôle populaire où il cabotine avec plaisir, si bien que deux ans plus tard il rejoint le réalisateur pour un nouveau projet, l'histoire d'un couple d'intellectuels, encore bourgeois mais cette fois-ci de "gauche", contraint d'accueillir dans leur maison de Marnes-la-Coquette une famille de roms.
Le film, intitulé À bras ouverts, sort en avril 2017 et connaît un succès très modeste, pour ne pas dire un échec, avec seulement 1 million d'entrées. Il faut dire que l'affaire était mal embarquée depuis le début, avec un premier titre qui a provoqué une sévère levée de boucliers.
"Sivouplééé", un titre qui ne passe pas du tout
Politiquement incorrect ? Certainement ! Xénophobe ? Peut-être bien... C'est en tout cas ce qui se dit lorsque la nouvelle tombe : Christian Clavier et Philippe de Chauveron préparent un nouveau film intitulé Sivouplééé, une comédie sociale proche de Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ?. Mais le titre, gratuit et caricatural, fait bondir beaucoup de gens. Le tournage n'est pas encore lancé que Tony Gatlif, cinéaste reconnu et représentant de la communauté gitane, grand conteur de la culture rom, s'emporte sur BFM TV :
C'est un film dégueulasse. On ne peut pas faire des choses comme ça avec des gens. On ne peut pas rire avec ça, ce n'est pas possible (...) Si ça ressemble au film sur le Chinois, le Black, l'Arabe , ça va être horrible.
Christian Clavier n'en démord pas, le scénario est selon lui formidable, avec une force comique qui plaira au monde entier. Il se dit par ailleurs heureux de partager l'affiche avec Anne Dorval et François Damiens, celui-ci devant incarner Babik, le chef de famille rom. Mais les critiques sont si vives que la production doit faire marche arrière, et rebaptise le film À bras ouverts, un titre bien plus consensuel. Cependant, ce changement de titre semble ne pas suffire à nettoyer la réputation du projet, puisque les deux acteurs originellement annoncés n'apparaissent pas dans la première bande-annonce diffusée en décembre 2016. En lieu et place de François Damiens et Anne Dorval, on trouve en effet Ary Abittan et Elsa Zylberstein.
Une caricature dénoncée par la communauté rom
Sur le même principe que leur film de 2014, Christian Clavier incarne un personnage plutôt détestable - Jean-Étienne Fougerole, largement inspiré de Bernard Henri-Lévy, avec sa chemise ouverte et son humanisme de façade - et Babik et sa famille apparaissent comme les personnages les plus sympathiques du film. Le comique repose donc plus sur l'hypocrisie et l'agacement de Jean-Étienne Fougerole que sur une pure dérision de la société rom.
Mais celle-ci fait tout de même l'objet d'une franche caricature, véhiculant tous les clichés attachés à cette communauté. Ce qui fera réagir, lors de la sortie du film en avril 2017, l'association "La Voix des Rroms", qui déclarera via sa porte-parole Anina Ciuciu :
Les acteurs campent des personnages abjects qui inspirent la haine et le dégoût (...) Ils mangent des taupes, ils boivent du kérosène, ils vivent avec des poules et un cochon, ils ne respectent pas leur propre famille. (...) Certains d'entre nous ont pleuré à la sortie du film et les plus jeunes ont posé la question : est-ce vraiment comme ça que les gens nous voient ?
Si le film a ainsi été jugé porteur d'une "représentation fausse, humiliante et traumatisante", les associations concernées n'ont pas pour autant souhaité porter plainte.