Pour son deuxième film, Eric Gravel a voulu raconter le quotidien d’une mère de famille qui a des difficultés à joindre les deux bouts. Il a ainsi décidé, pour "À plein temps", d’utiliser une mise en scène très inspirée des thrillers et des films d’action.
À plein temps : Laura Calamy sous le feu des projecteurs
Après Crash test Aglaé en 2017, le cinéaste Eric Gravel était de retour début 2022 avec son deuxième long-métrage : À plein temps. Porté par la puissance et le talent de Laure Calamy, le film a fait l’unanimité auprès des critiques et des spectateurs (notre critique). À travers ce récit social et engagé, le cinéaste québécois dépeint la réalité d’une société moderne angoissante, et raconte le contre-la-montre permanent de tous les travailleurs pris dans un cycle infernal.
L’histoire narre le quotidien de Julie (Laure Calamy) qui se démène seule pour élever ses deux enfants à la campagne. Le problème, c’est qu’elle travaille dans un palace parisien. En parallèle, elle tente secrètement d’entrer dans une entreprise qui correspond davantage à ses aspirations et ses compétences. Sauf qu’une grève générale survient, paralysant tous les transports, et rendant ainsi la tâche encore plus difficile pour Julie.
À plein temps est nommé à quatre reprises aux César 2023. Le film concourt dans les catégories Meilleure actrice, Meilleure musique originale, Meilleur scénario original et Meilleur montage. Il faut dire que la réussite du film doit effectivement beaucoup à ce montage qui emprunte aux codes du cinéma d’action.
Une réalisation façon thriller d'action
Pour rendre la tension du quotidien de Julie, Eric Gravel a opté pour une mise en scène vive, et un montage asphyxiant. Le but était de recréer l’état d’urgence permanent dans lequel se trouve sa protagoniste. Le réalisateur a donc choisi une caméra à l’épaule proche et toujours en mouvement. Un procédé qui permet d’entrer dans la psyché pressurisée de Julie. Dans le dossier presse du film, Eric Gravel expliquait ainsi :
J’ai souvent restreint le champ de vision sur elle. Cela permettait que tout ce qui est autour d'elle devienne une matière sensorielle hors champ. J’ai beaucoup utilisé de très longues focales, surtout dans ses déambulations en ville. C’était une façon simple de densifier la ville et créer un Paris anxiogène.
Lors d’une interview à la Mostra de Venise avec Fred Film Radio, Eric Gravel s’était arrêté sur cet emprunt au cinéma d’action. Il a notamment expliqué que :
Je me suis interrogé sur le fait qu’on va voir des films avec des super-héros ou avec des espions. Et dans ce genre de film on est toujours avec eux, on vit avec eux une proximité permanente. Comme si c’étaient des réalités qui nous concernaient alors qu’ils vivent des histoires qui n’ont absolument aucun bon sens. Je me suis demandé comment on pouvait transposer ça dans nos propres réalités. J’avais envie de reprendre ces sentiments qu’on a devant des films d’action pour les ramener à nous, pour que ces sensations qu’on ressent soient légitimes. Il y avait un peu de ça dans ma démarche. Et je pouvais amener le film peut-être ailleurs, avoir un regard différent qui nous ramène dans quelque chose de très concret.
À plein temps a obtenu les prix de la Meilleure actrice et du Meilleur réalisateur dans la section Orizzonti à la Mostra de Venise 2021.