En 1989, après le succès "Terminator", le cinéaste canadien James Cameron s’attaque aux abysses. Passionné par le monde marin, le metteur en scène décide alors de réaliser une œuvre de science-fiction sous-marine. Un pari risqué tant le tournage de "Abyss" s’est avéré cauchemardesque.
Abyss : un petit classique de James Cameron
Après Piranha 2 – Les Tueurs volants (1981), Terminator (1984) et Aliens le retour (1986), James Cameron reste dans le monde de la science-fiction pour son quatrième long-métrage. Emmené par Ed Harris et Mary Elizabeth Mastrantonio, Abyss raconte comment un commando de la Marine américaine débarque à bord d’une station de forage sous-marine pour apporter son aide à un sous-marin échoué dans les profondeurs. Alors que les travaux de récupération commencent autour du submersible naufragé, l'équipage de DeepCore doit faire face à des phénomènes inexpliqués.
Sans être le plus célèbre de ses films, Abyss est une œuvre respectée et influente du cinéma de James Cameron. Notamment pour ses thématiques sous-marines qui ne quitteront plus le cinéaste, de Titanic à Avatar : La Voie de l’eau. Abyss a rencontré un succès critique important, mais est l'un des plus gros échecs du cinéaste au box-office. Le long-métrage a été nommé à 4 reprises aux Oscars et est reparti avec la statuette des Meilleurs effets visuels, mais n'a rapporté que 90 millions de dollars de recettes au box-office.
Un souci du réalisme
Si aujourd’hui Abyss est un film culte, le résultat n’était pourtant pas gagné. Abyss est une œuvre très personnelle pour James Cameron. En plus des thématiques marines qui lui sont chères, le cinéaste parle également de son propre divorce à travers l’histoire d’amour de Ed Harris et Mary Elizabeth Mastrantonio. Thriller claustrophobe et film de science-fiction avec un nuage d’épouvante, Abyss est une œuvre qui mélange les genres. Ici, comme d’habitude, James Cameron a cherché à être le plus réaliste possible. Dans Under Pressure : The Making of The Abyss, le réalisateur de Avatar explique que :
Si je ne pouvais pas faire dans l'eau ce que 2001 l'odyssée de l'espace a pu accomplir pour les films de SF se déroulant dans l'espace, je n'aurais pas voulu faire le film.
Mais celle qui résume le mieux la fabrication de Abyss c’est Gale Anne Hurd, la productrice de James Cameron :
Je ne pense pas qu'il y aura probablement un autre film d'ici la fin de ce siècle dont le tournage a constitué un tel défi. Pas seulement technique, mais aussi physique et émotionnel.
Un tournage cauchemardesque
Pour réaliser une œuvre aussi ambitieuse, James Cameron a dû faire face à de nombreux défis. Le premier était de trouver un lieu de tournage. Evidemment, avec Abyss, James Cameron voulait réaliser 40% de ses séquences dans l’eau. Mais le cinéaste avait des difficultés à trouver un plateau assez profond pour ses scènes immergées. Cameron décida alors d’utiliser une centrale nucléaire désaffectée en Caroline du Sud. La production a pris 5 mois pour adapter cette centrale au tournage. Le réacteur a été rempli de 28 millions de litres d’eau en 5 jours. Avec ce procédé, James Cameron avait accès à un gouffre de 13 mètres de profondeur. Problème : l’eau utilisée était trop chlorée. A tel point que certains membres de l’équipe technique perdaient leurs cheveux et se retrouvaient avec le crâne brulé...
Pour donner l’illusion d’un noir total, James Cameron a recouvert son réacteur d’une bâche noire, et la surface de l’eau était oblitérée par 7 milliards de billes noires en polypropylène. Pendant le tournage, l’équipe a dû faire face à une rupture du réacteur, inondant ainsi tout le set et entraînant une panne d’électricité. Le plateau a donc été plongé dans le noir total, comme au fin fond de véritables abysses…
Faut aimer l’eau
Toujours obnubilé par son souci de la perfection, James Cameron exigea à ses comédiens qu’ils passent un brevet de plongée sous-marine. Des comédiens qui ont d’ailleurs été mis à dure épreuve puisqu’ils passaient des journées de 10 heures immergés dans l’eau, trois fois par semaine. Pour gagner du temps, James Cameron conseillait à ses acteurs d’uriner dans leurs combinaisons. Classe…
A force d’entrer et de sortir de l’eau, la plupart des comédiens sont tombés malades pendant le tournage de Abyss. Les otites et sinusites se multiplièrent parmi l'équipe du film. La Fox pris alors l'initiative de leur faire installer des jacuzzis pour les réchauffer. Toujours pour gagner du temps, James Cameron utilisait son temps de décompression pour visionner ses rushs ou modifier son scénario directement dans la piscine improvisée.
Face à l’exigence répétée de James Cameron, ses techniciens commencèrent à rebaptiser Abyss avec le titre The Abuse. Ils ont même fait imprimer ce nouveau nom sur des tee-shirts qu’ils portaient pendant le tournage. Une idée contestataire reprise quelques années plus tard sur le tournage de Terminator 2 : Le Jugement dernier avec des tee-shirts « Terminator 3 : Sans moi ! ». Une exigence que le cinéaste justifie comme ça :
C'est parce que je suis exigeant avec moi-même que je le suis avec les autres. Si je rentre chez moi sans avoir les mains noires après une journée de tournage, la journée a été gâchée.
James Cameron et Ed Harris ont failli trouver la mort
C’est de notoriété publique que James Cameron est extrêmement exigeant avec ses équipes. Lorsqu’il tourne un film, il est prêt à donner sa vie pour son œuvre. La preuve, puisque le metteur en scène a failli réellement décéder pendant le tournage d’Abyss. En effet, l’artiste a manqué d’air lors d’une séquence immergée. Son assistant a oublié de surveiller la quantité d'air, qui se réduisait drastiquement, dans les bouteilles du réalisateur. Alors que ce dernier commençait à suffoquer dans sa piscine radioactive, un plongeur de sécurité lui porta secours. Mais celui-ci donna à James Cameron un détendeur abîmé qui envoya directement de l'eau dans les poumons du cinéaste. Et ce, à deux reprises. Une fois l'incident passé, il licencia le plongeur et l'assistant réalisateur, qui était notamment chargé de vérifier le niveau de l'air des équipements de plongée.
Ed Harris est lui aussi passé à deux doigts de la mort. En effet, lors d’une séquence où le comédien doit passer d’une location à l’autre en apnée, un incident est là aussi survenu. Dans la scène en question, Ed Harris devait donc nager en apnée, avant de récupérer de l’air, dans une bouteille placée en haut d’une échelle. Sauf qu’après la première prise, James Cameron estimait que la séquence de Ed Harris n’était pas assez réaliste. Il déplaça dont la bouteille d’oxygène un peu plus loin sans en avertir l’acteur. Lors de la seconde prise, Harris paniqua de ne pas voir la bouteille à sa place et commença à suffoquer, avant de sortir de l'eau.
Une fois hors de danger, Ed Harris eu une vive altercation avec son réalisateur. L'acteur en fut tellement affecté qu'il refusa de faire toute promotion pour le film, et jura de ne plus jamais retravailler avec Cameron… Un tournage titanesque donc, qui a marqué les esprits de tout le monde, et donné la réputation de tyran à James Cameron. Mais celle qui résume sans doute le mieux la situation, c’est Mary Elizabeth Mastrantonio :
Abyss a été beaucoup de choses. Drôle à faire n'en faisait certainement pas partie.