Dans le film catastrophe "Acide", des pluies ultra-acides ravagent le nord de la France, rongeant les métaux comme les chairs des êtres vivants. Si les pluies acides existent réellement, le phénomène mis en scène par Just Philippot est-il réaliste ?
Acide, catastrophe naturelle et intime
Après avoir mis en scène dans La Nuée, son premier long-métrage très réussi, des essaims de grillons assoiffés de sang humain, le cinéaste Just Philippot propose dans Acide une autre catastrophe naturelle, mais à une échelle plus grande, globale et dont on ne peut réchapper : des pluie acides mortelles. Ces pluies, chargées d'acide sulfurique, érodent toutes les matières, et donc aussi toutes les chairs, animales et humaines. Être touché par cette eau à la pollution ultra-toxique, c'est mourir en quelques minutes.
Comme dans La Nuée, cette catastrophe de premier plan dans Acide, qui fait son effryant spectacle, est surtout l'occasion de dévoiler des conflits plus intimes entre les personnages de son histoire. Structures sociale et familiale qui s'effondrent, colères des individus qui détruisent les liens de solidarité... À la catastrophe naturelle qui se déroule sous les yeux des individus correspondent alors leurs catastrophes personnelles. En l'occurrence, dans Acide, le drame est autant dans cette pluie qui ronge tout que dans la perdition et l'éclatement total de la cellule familiale, déjà morcelée, de Michal (Guillaume Canet), son ex-femme Elise (Laetitia Dosch) et leur fille Selma (Patience Munchenbach).
Un film catastrophe réaliste ?
Spectaculaire, tout en refusant de jouer des codes irréalistes du cinéma américain, Acide est une nouvelle démonstration du savoir-faire de Just Philippot au moment de mettre en scène avec réalisme des grandes séquences de destruction. Ainsi, à voir les tôles et les chairs rongées par les pluies acides, on y croit et on s'effraie. Il s'agit d'un avertissement sur ce que nos sociétés portent comme préjudice à l'environnement. Mais aussi, surtout, sur notre incapacité à pouvoir réagir à la catastrophe si notre lien social, notre solidarité et notre empathie n'existent plus.
Pour autant, le phénomène des pluies acides, tel qu'il est montré dans le film, est-il réaliste ? Sur ce point, le scénario écrit par Just Philippot et Yacine Badday pousse à l'extrême les effets nocifs des pluies acides. Si celles-ci existent bien, elles sont dans la réalité bien moins dangereuses. Tout du moins, pour les humains...
Des effets nocifs sur la faune et la flore
En effet, les pluies acides ont pour conséquence d'augmenter l'acidité des eaux des lacs, étangs, nappes phréatiques, sources et océans. Engendrant des processus chimiques complexes, les pluies acides dissolvent par exemple plus facilement des produits toxiques comme les métaux lourds, les rendant alors plus mobiles et augmentant donc leur circulation.
Issues d'origines naturelles comme anthropiques - c'est-à-dire issues des activités humaines -, les pluies acides ont ainsi des effets nocifs sur la flore et la faune. Elles affaiblissent en effet directement les végétaux et peuvent mener à leur dépérissement, et portent ainsi indirectement sur des écosystèmes entiers. Lorsque des pluies très acides viennent polluer des milieux aquatiques, les poissons et les crustacés peuvent complètement disparaître, comme il l'a été observé dans les années 80 des lacs scandinaves*.
Les effets des pluies acides sont à estimer sur le long terme, et procèdent souvent d'une action indirecte et différée. Pour l'humain, qui fait lui aussi partie de la faune et est dépendant d'une alimentation en eau au pH idéalement entre 6,5 et 7,5 pour sa survie, les pluies acides - au pH entre 2,5 et 3 - peuvent entraîner dans certains cas des problèmes respiratoires.
Ainsi, dans la réalité, les pluies acides sont heureusement d'une dangerosité très faible comparée à ce que l'on voit dans le film Acide. Elles ne touchent par ailleurs pas également les différentes régions de la planète, avec des effets variables selon leur environnement naturel et les activités humaines qui y sont présentes.