Au milieu des années 2000, Colin Farrell porte l'ultra-ambitieux "Alexandre" d'Oliver Stone. Un échec financier et critique majeur qui stoppe l'acteur irlandais dans son ascension. Détruit par les critiques, "honteux" de l'échec d'un film qu'il imaginait triompher, il est récemment revenu sur ce grand moment de bascule dans sa carrière.
Alexandre, un film décisif pour Colin Farrell
Début 2005, l'acteur irlandais Colin Farrell tient le rôle-titre du film dantesque d'Oliver Stone Alexandre, qu'il a tourné entre 2003 et 2004. À 28 ans, l'acteur est au sommet de sa carrière, après des performances brillantes notamment dans Tigerland, Minority Report et Phone Game. Payé 20 millions de dollars pour interpréter le roi de Macédoine et figure parmi les plus célèbres de l'Antiquité, il n'imaginait certainement pas que les critiques descendraient le film et sa performance, et qu'Alexandre rembourserait à grande peine son budget pharaonique de plus de 155 millions de dollars, l'exploitation vidéo balançant finalement une terrible carrière en salles...
Cet échec représente ainsi pour l'acteur, comme il l'expliquait sur le plateau de The Late Late Show en 2019, à la fois le point le plus haut et le plus bas de sa carrière. Il est revenu tout récemment sur ce sujet dans une interview collégiale donnée à The Hollywood Reporter, évoquant la profonde honte qu'il a ressentie au moment de découvrir la réception du film. Alors qu'il pensait être déjà en route pour les Oscars...
"Les gars, on va aux Oscars. C'est certain."
Son ascension hollywoodienne fulgurante, dans la première moitié des années 2000, a en effet manqué de tourner très court, Alexandre représentant parfaitement l'harmonie désirée mais fuyante entre Colin Farrell et Hollywood. Il raconte :
L'attente est quelque chose de dangereux. Alexandre était une histoire dont Oliver Stone rêvait depuis l'université. Aussi grand qu'il était, aussi global, aussi politique qu'il était, aussi passionnant, violent et sensuel qu'il était, le film était très personnel pour Oliver et moi. Six mois de tournage, sur trois continents. C'était incroyable. Quand je dis "l'attente", je veux dire qu'on avait tous nos smokings prêts (pour les Oscars, ndlr). Je ne plaisante pas. On était tous à dire : "les gars, on va aux Oscars. C'est certain."
Colin Farrell est entouré notamment au casting d'Alexandre par Angelina Jolie, Val Kilmer, Anthony Hopkins et Jared Leto. Il était alors très confiant et probablement grisé par une telle expérience. Mais à la sortie du film aux États-Unis fin 2004, la douche se révèle glaciale.
Les critiques sont sortie et je me souviens que quelqu'un a dit :"Mon dieu, ce n'est pas bon." Mon publiciste qui dit : "ce n'est vraiment pas bon". (...) À l'époque il n'y avait pas de Rotten Tomatoes, donc il y avait toutes les critiques imprimées, et chacune me disait que je pouvais plier bagage, que mon imposture avait été découverte : "Alexandre l'Imbécile", "Alexandre l'Ennuyeux", "Alexandre le Confus", "Alexandre le Faible".
Je me disais, "put***, qu'est-ce que je peux faire ?". Je me sentais tellement honteux. J'étais dans cet état où je voulais dire à chaque personne que je croisais : "vous avez vu "Alexandre" ? Si c'est le cas, je suis désolé". Je ne plaisante pas. Je n'allais pas leur rendre leurs 20 millions de dollars, mais...
Un mal pour un bien
L'échec fut tel et la remise en question si intense que, avec réussite, Colin Farrell s'est donc rapidement ré-orienté pour trouver progressivement sa voie. Une voie royale, faite d'une préférence accordée au cinéma indépendant et d'auteur. Où son grand talent s'exprime maintenant pleinement. Tout particulièrement dans les films de Martin McDonagh Bons baisers de Bruges et Les Banshees d'Inisherin, réalisateur qu'il a chaleureusement remercié lors de la remise de son Golden Globe 2023 du meilleur acteur dans une comédie.