Dans "Athena", l'acteur Ouassini Embarek incarne Mokhtar, l'aîné de la fratrie. Un personnage d'une noirceur et d'une nervosité extrêmes, pour lequel l'acteur a littéralement tout donné. Résultat : une explosion de rage pour une performance hors norme.
Un retour fracassant pour Ouassini Embarek
On n’avait pas revu Ouassini Embarek dans un long-métrage depuis 2012, année de sortie de Paradis perdu d'Ève Deboise. Dix ans plus tard, c'est dans Athena de Romain Gavras qu'il signe son retour dans ce format, et semble rattraper le temps perdu avec une performance en roue libre, déployant une nervosité et une rage monumentales.
Si Athena respecte quasiment toutes les règles de la tragédie classique (notre critique ici), le film fait l’impasse sur celle de la bienséance verbale, à savoir qu’en théorie les mots crus et les insultes sont bannis du spectacle. Une règle que n’observe pas du tout Mokhtar, le plus grand frère d'Idir et caïd de la cité Athena. En effet, celui-ci vomit des insultes et des menaces chaque fois qu’il prend la parole, obsédé par faire sortir sa drogue et ses armes de la cité.
Dans le schéma actanciel d’Athena, les trois frères n’ont pas le même capital d’empathie et n’ont pas la même fonction. Il y a Abdel (Dali Benssalah), qui est fondamentalement le « bon » - même s’il finit par céder tragiquement aux ténèbres. Il y a Karim (Sami Slimane), chef de la révolte mais auquel on s’attache. Et enfin Mokhtar, qui est entièrement le « méchant », un pur antagoniste, égoïste et psychotique. Sa performance est sans doute la plus clivante du film, certains spectateurs considérant qu’il en fait beaucoup trop.
Un antagoniste nerveux et psychotique (spoilers)
Comme Abdel, il est dans la cité un « grand frère ». Mais Mokhtar est ce « grand frère » qui ne s’est pas assagi et qui n’œuvre pas du tout à apaiser les tensions. Il a trois moments dans Athena, dont le dernier lui est fatal.
Tout d'abord, son personnage est exposé avec son propre plan-séquence. Il se trouve dans l'appartement de sa "nourrice", une voisine qui cache sa drogue. Déjà énervé et sous tension, il rejoint les sous-sols de la tour pour essayer de s'extraire de la cité dans une ambulance. Mais peine perdue, Karim et ses "soldats" ont déjà bloqué les issues. C'est donc à pied et armé qu'il traverse la cité Athena, proférant des insultes à qui ose le regarder, envoyant des coups de pied à ceux qui se mettent en travers de sa route.
Son deuxième moment est une manière de monologue complètement déjanté. Il hurle au téléphone et insulte ses complices de la BAC qui lui annoncent qu'ils ne pourront pas le faire sortir. Avant d'insulter aussi son homme de main qu'il a chargé de creuser un trou. Sa colère et sa rage sont à un niveau sidérant. Enfin, juste après la mort de Karim, pour laquelle il ne montre aucun sentiment, il essaye de rallier Abdel à sa cause. Celui-ci, fou de tristesse et de rage, va alors le battre à mort. On peut penser, à titre de comparaison, à la stupéfiante et indicible prestation de Philippe Caubère dans Truands...
Un destin tragique donc, aussi, comme ses trois demi-frères - Mokhtar est né d'un père différent -. Mais qu'on ne peut s'empêcher de concevoir comme très mérité. En effet, parfait antagoniste, criminel psychotique de l'exposition de son arc narratif à son dénouement, il était très probable qu'il meure dans Athena, pour ne pas dire souhaitable...