Avec "Aviator", Martin Scorsese se penche sur la vie et les névroses du milliardaire excentrique Howard Hugues. Un projet avec laquel la lassitude du cinéaste envers les gros studios hollywoodiens a atteint son apogée.
Aviator : les vols et la chute d'un mégalomane
À l'origine, Michael Mann (Le Dernier des Mohicans, Heat) est attaché à la réalisation d'Aviator, biopic sur Howard Hughes que doit porter Leonardo DiCaprio. Mais le cinéaste vient de retracer le parcours d'une autre figure américaine importante avec Ali et ne veut pas tomber dans la redite. Il garde donc la casquette de producteur mais abandonne le poste de metteur en scène, préférant se consacrer à Collateral, un polar à l'opposé de son précédent film, qui se déroule sur une nuit et se concentre sur un nombre réduit de personnages.
Il demande à Martin Scorsese s'il souhaite le réaliser et ce dernier accepte, collaborant ainsi à nouveau avec son futur acteur fétiche après Gangs of New York. Le cinéaste s'intéresse aux névroses du richissime homme d'affaires souffrant de troubles obsessionnels compulsifs qui l'isolent de plus en plus, à ses histoires d'amour avec Katharine Hepburn (Cate Blanchett), Ava Gardner (Kate Beckinsale) ou encore Jean Harlow (Gwen Stefani), à son envie de révolutionner l'aviation ou encore à la production extrêmement mouvementée de l'ambitieux Les Anges de l'enfer.
Alec Baldwin, John C. Reilly, Ian Holm, Alan Alda, Willem Dafoe, Danny Huston ou encore Jude Law complètent la distribution de ce long-métrage ambitieux, qui réussit aussi bien à retranscrire une époque qu'à faire vivre aux spectateurs les angoisses grandissantes du milliardaire atteint du syndrome de Diogène. À sa sortie en 2005, le film s'impose comme le plus gros succès au box-office de Martin Scorsese, devant Gangs of New York et Les Nerfs à vif, totalisant plus de 213 millions de dollars de recettes mondiales pour un budget estimé à 110 millions selon Box Office Mojo.
Martin Scorsese désabusé
La production d'Aviator n'est pas simple pour le réalisateur, notamment parce qu'il doit conjuguer avec les exigences de Warner Bros., qui coproduit le long-métrage avec Miramax et le distribue sur le territoire américain. Dans son portrait du cinéaste publié dans le New York Times en 2020, le journaliste Dave Itzkoff explique que Martin Scorsese s'est "épuisé" à force de travailler avec des gros studios pendant deux décennies. Une lassitude qu'il aurait ressentie à partir du tournage de Casino, sorti en 1996, et le plus souvent pendant la phase de post-production de ses projets.
Ce sentiment atteint son apogée au moment où il termine Aviator. Ne supportant plus la pression des exécutifs, le réalisateur aurait alors songé à mettre un terme à sa carrière :
Les deux dernières semaines de montage et de mixage d'Aviator, j'avais abandonné à cause du stress. Je me suis dit que si c'était comme ça qu'on faisait des films, je n'en ferai plus. C'est comme être dans un bunker où ça tire dans toutes les directions. Vous commencez à réaliser que vous ne parlez plus la même langue, et donc qu'on ne peut plus faire de films.
Malgré l'évolution du métier et de l'industrie, Martin Scorsese s'accroche, alternant entre des productions plus modestes comme Silence et des films plus coûteux comme The Irishman, qu'il n'aurait pas pu financer sans la plateforme de Netflix.