Prévu pour être un péplum érotique, "Caligula" bascula dans la catégorie porno après l'ajout de séquences X, tournées en cachette par le producteur Bob Guccione au détriment du réalisateur Tinto Brass, qui renia le film.
Caligula, un péplum devenu pornographique
Sorti en 1980 en France, Caligula s'intéresse à l'Empereur romain qui régna entre 37 et 41 et mourra assassiné le 24 janvier 41 à 28 ans. Le film est porté notamment par Malcolm McDowell dans le rôle-titre, Helen Mirren dans celui de son épouse ou encore Peter O'Toole dans celui de l'empereur Tibère. Devenu culte avec le temps, le long-métrage a connu une production et une post-production très compliquée, pour un résultat final loin de correspondre au projet initial.
En effet, le réalisateur Tinto Brass, connu pour sa fascination pour l'érotisme, souhaitait à l'origine mettre l'accent sur la folie destructive et la dépravation connue de Caligula. Celui-ci s'empara du pouvoir et commença à démanteler l'Empire romain de l'intérieur. Le cinéaste avait prévu des séquences érotiques. Mais il a finalement vu son travail être grandement modifié par le producteur Bob Guccione qui fit basculer Caligula dans la case porno.
Bob Guccione, de Penthouse au cinéma
Bob Guccione commença à se faire connaître en 1965 en créant le magazine pornographique Penthouse. Le but de l'homme d'affaires était de concurrencer Playboy et Hustler. Il fut d'ailleurs le premier à publier des images de femmes intégralement nues, de face et non censurées. Il ne lui aura fallu qu'une dizaine d'années pour devenir l'un des hommes les plus riches d'Amérique.
Logiquement, Bob Guccione ne s'arrêta pas à son magazine et décida de se lancer dans la production cinématographique. Son premier projet sera donc un péplum érotique : Caligula. Pour mener à bien son ambition, il engage le romancier Gore Vidal pour le scénario, et Tinto Brass pour la réalisation.
Il parvient également à réunir le beau casting cité précédemment. Dans un article de Libération de 2008, sur la sortie DVD de la version non-coupée du film, le média français mettait en avant la suspicion de la star du film Malcolm McDowell avant de rejoindre le projet - l'acteur avait marqué les esprits quelques années auparavant avec Orange mécanique (1971).
Quand Gore Vidal m'a parlé de Guccione, je lui ai demandé s'il s'agissait bien du pornographe. Il m'a répondu que oui mais qu'il ne fallait pas m'inquiéter, Guccione ne ferait que signer les chèques.
Des scènes de sexe filmées en cachette
Évidemment, Bob Guccione ne s'est pas contenté de financer Caligula. Durant le tournage, le producteur n'était pas satisfait de la proposition de Tinto Brass pour la mise en scène des séquences d'orgies. Brass "privilégiant une collection de figurantes naines et obèses au détriment des hardeuses engagées par l'expert Guccione".
En effet, ce dernier alla chercher certaines des mannequins de Penthouse. Les ayant sous la main, il en profita pour tourner en secret la nuit et avec la complicité du chef opérateur Silvano Ippoliti, des séquences pornographiques. Dont une scène de sexe lesbien ou encore une longue orgie avec gros plan sur une fellation.
Tinto Brass n'étant pas ravi de la tournure des éléments, il fut tout simplement renvoyé par Guccione au moment du montage de Caligula. Le producteur changea alors de nombreuses choses, modifiant par le montage le sens de certaines séquences.
Malcolm McDowell se souvenait par exemple d'un plan où il était censé admirer un cheval, scène qui s'est finalement retrouvée en contrechamp d'une acrobatie lesbienne.
De son côté, Tinto Brass renia totalement "son" film. Lui qui voulait "réaliser un film sur l'origine du pouvoir", se retrouva à la place avec "un film de cul, luxueux, certes, mais vulgaire". Il refusa alors d'être crédité comme réalisateur, tout comme Gore Vidal qui demanda qu'on retire son nom du générique. De plus, une playmate de Penthouse intenta un procès contre Guccione, estimant que ses scènes pornographiques avaient nui à la suite de sa carrière.
Les différentes versions du film
À sa sortie dans une version non-censurée de 144 minutes, le film fut logiquement catégorisé X. Une version "soft" de 105 minutes a ensuite été distribuée en 1981. Puis, en juillet 1985, Canal+ diffusa la version intégrale qui comprenait sept minutes de scènes de sexe. Ce fut le premier film pornographique diffusé par la chaîne cryptée.
Enfin, en 2023, Caligula a de nouveau été mis en avant. Cette fois au Festival de Cannes dans la section Cannes Classics et dans une version Ultimate Cut. Un montage inédit de 173 minutes avec "une quantité sans précédent de séquences inédites" ont précisé les organisateurs du festival.