Anatomie d'une chute : un très grand film de procès signé Justine Triet

Anatomie d'une chute : un très grand film de procès signé Justine Triet

CRITIQUE / AVIS FILM - Justine Triet ne cesse de convaincre, cette fois encore avec "Anatomie d'une chute", superbe film de procès qui décortique l'échec d'un couple. Le film a remporté la Palme d'or au 76e Festival de Cannes.

Justine Triet en or avec Anatomie d'une chute

Avec Anatomie d'une chute, Justine Triet revenait pour la quatrième fois au Festival de Cannes avec un long-métrage. D'abord programmée à l'ACID avec La Bataille de Solférino (2013), la réalisatrice avait ensuite ouvert la Semaine de la critique avec Victoria (2016). Elle était ensuite passée à la compétition officielle avec Sibyl (2019), et la voilà encore plus haut avec Anatomie d'une chute, récompensé de la Palme d'or au 76e Festival de Cannes.

Justine Triet propose cette fois un film de procès, qu'elle ouvre comme un bon thriller hitchcockien. Après un entretien perturbé par la musique de son mari, Sandra (Sandra Hüller) est appelée au secours par son fils de 11 ans. L'enfant, malvoyant, rentre d'une balade avec son chien et vient de trouver son père, mort, allongé devant leur chalet. Est-ce un suicide ou une chute accidentelle, ou un meurtre commis par Sandra ?

Milo Machado-Graner - Anatomie d'une chute ©Le Pacte
Milo Machado-Graner - Anatomie d'une chute ©Le Pacte

Par cette ouverture, Justine Triet crée dans un premier temps un sérieux doute concernant Sandra. Des détails, dans son attitude et son témoignage, font d'elle une suspecte évidente. Durant cette partie, la réalisatrice reste sobre et juste. Mais c'est alors au moment où Anatomie d'une chute bascule définitivement dans le film de procès que la puissance de la proposition de Triet se révèle.

Un film précis et captivant

La réalisatrice parvient à rendre éminemment cinématographique des séquences de tribunal (dépourvues de musique et avec un excellent travail sur le son puissant des voix), tout en étant d'un réalisme remarquable. Là où Saint Omer pouvait se montrer "moins agréable" par sa mise en scène radicale, Anatomie d'une chute garde cette part de divertissement.

Antoine Reinartz - Anatomie d'une chute ©Le Pacte
Antoine Reinartz - Anatomie d'une chute ©Le Pacte

Il n'y a qu'à voir cette scène où le fils de Sandra (Milo Machado-Graner) est appelé à la barre, caméra braquée sur lui, en mouvement de gauche à droite pour suivre la bataille à laquelle se livrent deux avocats, parfaitement incarnés par Swann Arlaud et Antoine Reinartz. Le second se montre d'ailleurs d'une dureté éprouvante, à la manière de Paul Meurisse dans La Vérité (1960), ou de , George C. Scott dans Autopsie d'un meurtre (1959).

Mais la vérité est-elle vraiment ce qui importe ? Ce n'est du moins pas ce qui passionne le plus avec Anatomie d'une chute - bien qu'il soit tout naturel de vouloir connaître la vérité. Mais ce que Justine Triet dévoile d'un couple par le biais de ce procès complexe.

La chute du couple

Le jugement qui s'opère ici, est une analyse froide et donc terrifiante d'un couple. Le jugement des actions d'une femme, de sa vie de famille, de sa sexualité, de son mode de vie. Justine Triet présente par ailleurs avec Sandra (nouvelle grande prestation de Sandra Hüller après Toni Erdmann) un personnage atypique passionnant, qui s'éloigne de certains codes.

Sandra Hüller - Anatomie d'une chute ©Le Pacte
Sandra Hüller - Anatomie d'une chute ©Le Pacte

L'empathie pour Sandra est inévitable et on ne peut s'empêcher de prendre définitivement parti pour elle lors de la révélation d'un enregistrement, l'élément le plus fort pour potentiellement l'incriminer. La preuve de l'écroulement du couple face au drame, au temps, aux rapports de pouvoir et aux manipulations psychologiques. Et un moyen pour Triet de laisser à chacun d'estimer qui du défunt ou de l'accusé aura été la victime.

Anatomie d'une chute est ainsi un film de procès redoutable et un drame familial qui captive en interrogeant sur les rapports humains. Sans chercher à révolutionner le genre, il s'avère passionnant par son approche précise et réaliste et sa profondeur étourdissante.

Anatomie d'une chute de Justine Triet, Palme d'or au 76e Festival de Cannes, en salles le 23 août 2023. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la rédaction

"Anatomie d'une chute" est un film de procès redoutable et un drame familial qui captive en interrogeant sur les rapports humains. Sans chercher à révolutionner le genre, il s'avère passionnant par son approche précise et réaliste et sa profondeur étourdissante.

Note spectateur : 3.5 (2 notes)