"Carrie" est la vision cinématographique par Brian De Palma du premier roman écrit par Stephen King. L'auteur vendit à l'époque les droits pour une somme absolument dérisoire.
Carrie : red is dead
En 1976, Brian De Palma n'est pas encore le réalisateur culte de Scarface et L'Impasse. Il a quelques longs-métrages derrière lui, mais aucun énorme succès au box-office. Le réalisateur a certes signé Phantom of the Paradise, une relecture sous acide du Fantôme de l'opéra, le roman de Gaston Leroux publié en 1910 mélangé au mythe de Faust de Goethe. Le film sort en 1974 mais n'est pas un succès au box-office. Alors De Palma choisit de s'essayer au genre de l'horreur. On lui propose d'adapter Carrie, le roman d'un écrivain débutant de 27 ans du nom de Stephen King. Il accepte.
Pour le casting du rôle principal, le directeur artistique Jack Fisk lui propose d'auditionner sa femme, Sissy Spacek. De Palma veut bien faire un effort pour son ami, mais il a déjà l'idée de donner le rôle à Amy Irving. Spacek arrive de la vaseline plein les cheveux et le moins apprêtée possible. Le doute n'est plus possible, elle sera Carrie et Irving incarnera finalement un autre personnage.
L'histoire du film suit donc la jeune Carrie, adolescente de 16 ans timide et discrète, et souffre-douleur de ses camarades de classe. Pour en rajouter à son calvaire, elle est élevée par une mère fanatique religieuse qui n'a jamais sa Bible trop loin du regard. La pauvre étudiante solitaire subit sans jamais trouver la force de se défendre. Après une séance de sport, elle a ses premières règles alors qu'elle prend sa douche avec les autres filles de sa classe qui ne manquent pas de se moquer d'elle de façon encore plus virulente qu'à l’accoutumé. Carrie n'en peut plus, son âme explose de désespoir. Ce moment affreux déclenche pourtant le réveil d'un pouvoir endormi en elle depuis des années.
Le film de De Palma est un gros succès au cinéma, rapportant plus de 33 millions de dollars aux États-Unis alors que sa production en a coûté 1,8. Une chose est sûre, ce n'est pas l'achat des droits du roman qui a gangréné le budget.
Aucune dent contre Carrie
Avant même de découvrir l'histoire de ces droits d'adaptation de Carrie, il faut remettre les faits historiques dans leur contexte. À l'origine, Stephen King l'écrit sous forme d'histoire courte pour l'envoyer à un magazine. Mécontent de son travail, il la jette à la poubelle. Sa femme passant par là la récupère, la lit et le somme de continuer d'écrire ! Le roman est finalement publié en 1974 et se vend à 13 000 exemplaires en une année. Ce qui est très bien pour un premier roman. Des producteurs l'approchent et lui proposent d'acheter les droits pour en faire un long-métrage. L'auteur, alors âgé de 27 ans, n'en croit pas ses oreilles et se sent flatté par cette proposition. On lui tend donc un chèque de 2 500 dollars qu'il accepte tout sourire. Cette somme, quand on la regarde aujourd'hui, peut nous sembler dérisoire quand on sait quel maître de la littérature est Stephen King. Pourtant, et il l'a souvent répété sans animosité aucune, il n'a jamais regretté son geste de l'époque. Il se sentit même très heureux qu'une chose aussi importante arrive pour son premier roman.
Il s'est probablement depuis rattrapé financièrement sur les autres adaptations de Carrie, que ce soit en comédie musicale en 1988, en téléfilm en 2002 ou à nouveau en long-métrage en 2013. L'auteur n'a jamais caché qu'il trouvait la version de De Palma géniale et même meilleure que son livre. Voilà un compliment que peu d'auteurs sont capables de faire et une attitude qui montre, s'il fallait une preuve de plus, que Stephen King est un homme aussi noble que son œuvre est sanglante. C'est dire.