Le thriller "Cartel", sorti en 2013, a été éreinté par la critique et fait partie des films les moins aimés de la filmographie de Ridley Scott. Parmi les causes du rejet reviennent souvent sa violence et son pessimisme, poussés notamment à leur paroxysme dans une séquence d'exécution mémorable.
Le grand thriller sous-estimé de Ridley Scott
Dans l'imposante filmographie de Ridley Scott apparaît en 2013 un film ambitieux, pessimiste, violent et servi par un casting prestigieux. Cartel (The Counselor en VO) affiche en effet Michael Fassbender, Cameron Diaz, Brad Pitt, Javier Bardem et Penelope Cruz pris dans une sombre affaire de narco-trafic, dont ils ne ressortiront pas indemnes. Sur un scénario de l'écrivain Cormac McCarthy, on suit ainsi "Le Conseiller" (Michael Fassbender), un avocat texan qui décide de passer du côté obscur. Avec un de ses clients, l'extravagant baron de la drogue Reiner (Javier Bardem) et un mystérieux intermédiaire du nom de Westray (Brad Pitt), il s'implique donc dans une transaction qui tourne mal. S'ensuit alors un effondrement cruel et violent de son monde, alors qu'il découvre l'horrible réalité du trafic de stupéfiants...
Avec le temps, Cartel a acquis un statut d'anomalie séduisante, et gagne à être redécouvert. Mais à sa sortie, les critiques sont rudes envers Cartel, soulignant un projet prometteur sur le papier qui se révèle maladroit, mal-aimable, avec un scénario confus. Sa fin excessivement violente et pessimiste a aussi rebuté bon nombre de spectateurs. Et sur ce point, il est vrai que Ridley Scott n'a pas fait dans la dentelle au moment de mettre en scène les destins de Westray et du "Conseiller". (ATTENTION SPOILERS)
"Tu sais ce que c'est un "bolito"?"
Cartel a tout d'une tragédie shakespearienne, avec une faute initiale qui va irrémédiablement conduire les protagonistes à leur perte. Ainsi, très tôt dans le film, Reiner essaye d'expliquer au "Conseiller" ce qui l'attend dans le monde qu'il s'apprête à découvrir. Et pour le mettre en garde autant que l'effrayer, il lui explique ce qu'est un "bolito".
Un "bolito", comme l'explique Reiner, est donc un mécanisme mortel irréversible, constitué d'un moteur qui resserre un câble jusqu'à son "point zéro". Outil parfait de mort, un "bolito" s'utilise pour une strangulation qui finit bien souvent par une décapitation du malheureux sur qui on l'utilise. Lorsque Reiner explique son fonctionnement, la scène est déjà glaçante, et le spectateur peut suspecter qu'on verra un "bolito" à l'oeuvre dans Cartel. C'est effectivement le cas, puisqu'à la fin du film c'est Westray, le personnage incarné par Brad Pitt, qui en fait les frais, alors qu'il est sur le point de prendre sa retraite du trafic.
Une séquence trop choquante censurée dans la version classique
Dans la version de Cartel découverte au cinéma, la séquence retourne le ventre. Le "bolito" passé autour de la gorge, Westray fait ce qu'il peut pour tenter d'enrayer le mécanisme mais rien n'y fait. Ses doigts sont cisaillés et le sang gicle de sa gorge à grands jets à mesure que le câble métallique lui cisaille la gorge. Un véritable carnage dans une rue londonienne, qui horrifie les passants du film autant que ses spectateurs. Celle-ci est à découvrir ci-dessous, mais âmes sensibles s'abstenir !
Initialement, cette séquence d'exécution très cruelle était plus longue et un peu plus détaillée. En effet, une fois Westray mort et vidé de son sang, les secouristes arrivés sur place vont pour soulever et emporter son corps. Mais lorsqu'ils le soulèvent, sa tête se détache et roule sur le trottoir... Comme pour intensifier la réminiscence de la description du "bolito" faite par Reiner, qui évoquait la potentielle décapitation provoquée par ce système.
La séquence complète fut jugée bien trop violente et choquante par la MPAA (Motion Picture Association of America), importante association des professionnels du cinéma américain notamment en charge de la classification des films. Classé R à sa sortie (interdit au moins de 17 ans non-accompagnés), Cartel aurait probablement été classé NC-17 (interdit aux moins de 17 ans, équivalent du classement X), rendant son exploitation en salles extrêmement compliquée. La mort de Westray a donc été coupée sur sa fin dans sa version cinéma, mais se trouve bien dans la version longue non-censurée sortie en vidéo le 19 mars 2014.