Arte diffuse ce soir Sans filtre (Triangle of Sadness), une comédie satirique réalisée par Ruben Östlund, qui a remporté la Palme d’or au Festival de Cannes 2022. Ce film utilise un humour grinçant pour dénoncer les excès des ultra-riches et les absurdités de la société contemporaine, en suivant une croisière de luxe où les privilèges des élites s'effondrent dans un chaos grotesque.
Un naufrage des privilèges
Sans filtre met en scène Carl (Harris Dickinson) et Yaya (Charlbi Dean, disparue prématurément), un couple de mannequins et influenceurs invités à une croisière somptueuse sur un yacht de luxe, en compagnie d'une clientèle excentrique composée de milliardaires et de personnalités influentes.
Ce voyage, conçu comme une parenthèse enchantée, vire rapidement au cauchemar lorsque des événements inattendus – et une scène de dîner devenue culte – plongent les passagers dans une situation qui échappe à tout contrôle. Les rôles s’inversent, et les apparences se fissurent, révélant les égoïsmes et l’hypocrisie de chacun.
En dépeignant cette élite insensible et égocentrique, Ruben Östlund utilise le cadre de la croisière comme une métaphore des inégalités sociales. Le film, à travers des situations absurdes, se moque des privilèges et des codes de la haute société tout en mettant en lumière les travers d’une industrie de la mode et du luxe obsédée par l’image et le statut.
Une Palme polémique
Le sacre de Sans filtre au Festival de Cannes 2022 n’a pas fait l’unanimité. En remportant la Palme d’or, Ruben Östlund a rejoint le cercle restreint des réalisateurs ayant été récompensés deux fois à Cannes, après son succès en 2017 avec The Square. Cependant, cette victoire a suscité des débats passionnés. Les spectateurs et critiques se sont divisés sur le ton du film, certains louant l’audace de la satire, d’autres la jugeant trop exagérée et manquant de subtilité.
Les scènes de comédie noire, notamment la séquence mémorable du dîner chaotique en pleine tempête, ont fait réagir par leur caractère volontairement outrancier. Les partisans du film y ont vu un portrait acerbe et courageux de la vacuité des privilèges et des travers humains, tandis que ses détracteurs ont critiqué un humour qu’ils ont trouvé répétitif et parfois vulgaire. Ce fossé d’opinions illustre l’effet polarisant de la satire sociale d’Östlund, qui cherche à choquer et à interroger.
La Palme d’or de Sans filtre a ainsi été perçue par certains comme une consécration d’un cinéma provocateur, prêt à prendre des risques pour aborder des sujets contemporains. Pour d’autres, elle est apparue comme un choix trop appuyé, renforçant le débat sur les critères d’un prix qui, pour certains, semblait privilégier la polémique et le spectacle.