Ce soir, la chaîne C8 propose le film "Touchez pas au grisbi", qui marque les débuts de Lino Ventura au cinéma. Dans ce long-métrage de Jacques Becker, il fait face à Jean Gabin.
Touchez pas au grisbi : la première de Max le Menteur
Sorti en 1954, Touchez pas au grisbi est un film noir réalisé par Jacques Becker. Adapté du roman d'Albert Simonin, le film raconte l’histoire de Max le Menteur (Jean Gabin), un gangster vieillissant qui, après un dernier coup réussi, souhaite prendre sa retraite. Ses plans sont contrariés lorsque son associé, Riton, est kidnappé par un rival, Angelo, incarné par Lino Ventura. Ce film, qui se concentre sur l’atmosphère et les dilemmes moraux plutôt que sur l’action pure, est devenu une référence du film noir français.
Le personnage de Max le Menteur reviendra par la suite dans d'autres œuvres cinématographiques (mais pas sous le même nom). En 1959, Jean Gabin reprend le rôle imaginé par Simonin dans Le cave se rebiffe de Gilles Grangier, puis en 1963, dans Les tontons flingueurs de Georges Lautner qui le met à nouveau en scène, avec une approche plus comique.
Ces films forment ainsi une trilogie non officielle qui explore les différents aspects de ce personnage et son évolution dans un monde criminel en mutation. À chaque fois, Jean Gabin incarne ce truand fatigué avec une profondeur qui a marqué l’histoire du cinéma français.
Jean Gabin : le renouveau
Pour Jean Gabin, Touchez pas au grisbi a marqué un changement radical par rapport aux rôles qu'il avait tenus avant la Seconde Guerre mondiale. Avant le conflit, Gabin était surtout connu pour ses rôles de jeunes héros romantiques ou idéalistes, comme dans Le Quai des Brumes, ou La Grande Illusion. Après la guerre, sa carrière avait connu un ralentissement, et il peinait à retrouver des rôles adaptés à son image vieillissante.
Le personnage de Max le Menteur, un gangster mûr et fatigué par la vie, a offert à Gabin l’opportunité de se réinventer. Ce rôle plus introspectif, marqué par le poids de l’âge et du passé, a rompu avec l'image de l'homme séduisant et rebelle qu'il incarnait dans ses films d'avant-guerre. Max est un homme de principes, mais pragmatique, naviguant dans un milieu qu'il connaît bien et dont il aspire à s'éloigner.
Ce rôle a permis à Gabin de devenir une figure patriarcale du cinéma français, incarnant souvent des personnages puissants et désabusés, ce qui a redéfini le reste de sa carrière et l’a maintenu en haut de l'affiche pour des décennies. Pour ce rôle, il a remporté la Coupe Volpi du meilleur acteur à la Mostra de Venise en 1954.
Le premier rôle de Lino Ventura
Avant Touchez pas au grisbi, Lino Ventura était surtout connu dans le monde du sport, en tant que lutteur professionnel. Sa carrière sportive lui avait apporté une notoriété dans ce domaine, mais il n'avait aucune expérience dans le cinéma. Repéré par Jacques Becker, il fut choisi pour le rôle d'Angelo, un jeune gangster, en raison de sa stature imposante et de sa forte présence physique.
Malgré cette première opportunité inattendue, Ventura ne se contenta pas d’accepter un rôle modeste. Avec une audace rare pour un débutant, il demanda un salaire jugé extravagant pour l’époque. Ses exigences salariales étaient très élevées, surtout pour quelqu’un qui n’avait encore rien prouvé dans le monde du cinéma. Contre toute attente, Jacques Becker accepta, et Ventura aura presque le même salaire que Gabin.
Ce coup de poker s'avéra judicieux. Touchez pas au grisbi rencontra un immense succès à sa sortie en 1954. Son interprétation d’Angelo, un jeune truand plein d’ambition et de violence, lui ouvrit les portes du cinéma, posant les fondations d’une carrière qui s’annonçait prometteuse.
Après Touchez pas au grisbi, Ventura devint rapidement une figure incontournable du cinéma français. Il enchaîna les rôles dans des films marquants comme Le Deuxième Souffle (1966) de Jean-Pierre Melville, Les Tontons Flingueurs (1963), ou encore L'Armée des ombres (1969), devenant l’un des acteurs les plus respectés de sa génération. Souvent cantonné à des rôles d’hommes durs et taciturnes, de policiers ou de gangsters, il parvint à insuffler à chacun de ses personnages une profondeur et une humanité qui lui ont valu l’admiration du public et des réalisateurs.