Laissez-vous entraîner dans une œuvre mêlant songerie, psychologie et amour silencieux. Distribué par Le Pacte, le Blu-ray de « Corps et Âme » est disponible dans les grandes surfaces depuis le 14 mars 2018.
Écrit et réalisé par Ildikó Enyedi (Mon vingtième siècle, Terápia), Corps et Âme a su toucher le cœur du public malgré une sortie en salle plutôt discrète. Pour cause, le film hongrois a été récompensé par l’Ours d’or de la Berlinale 2017 et a été nominé aux Oscars de l’édition 2018. Preuve que la reconnaissance des spectateurs et des jurys à travers le monde n’est pas uniquement valable pour des blockbusters américains.
Corps et Âme : un rêve éveillé
En réalité, le long métrage est à des années lumières de ces superproductions mêlant effets spéciaux et écrans verts. Très authentique dans ses décors et sentiments, Corps et Âme conte l’histoire de deux individus : Mária (Alexandra Borbély) et Endre (Géza Morcsányi). Ayant trouvé sa voie dans le contrôle de qualité, la protagoniste fait son entrée dans l’abattoir dirigé par l’homme. Endroit peu enchanteur dont certains plans feront tourner de l’œil les plus sensibles, il tranche violemment avec le lieu de rendez-vous des deux personnages. La couleur vive et souillée du sang des animaux est alors troquée contre la pureté d’une couche de neige habillant une vaste forêt. En rêve, ils s’y retrouvent sous la forme d’une biche et d’un cerf. Les sentiments s’expriment-ils uniquement par la parole ? Non, et c’est que Enyedi prouve en seulement 1 h 51.
Finalement, cette pincée de fantastique n’est qu’une retranscription onirique de leur relation atypique. Leurs failles sont mises à nues tandis qu’ils s’apprivoisent. Si Mária souffre de troubles obsessionnels compulsifs et se révèle sévèrement asociale, la solitude d’Endre est le résultat d’un lointain passé et de son handicap. Comment trouver les mots justes et faire la cour à l’autre dans une situation aussi périlleuse ? Grâce à l’interprétation des deux acteurs parfaitement ancrés dans leur rôle respectif, les mots deviennent secondaires. L’expérience est physique, les yeux se posent sur leurs mains et les échanges de regards, mis en avant par des cadrages serrés. Il n’en faut pas davantage pour véhiculer l’émotion en dépit du visage fermé de l’héroïne.
Véritable source d’inspiration, cet amour hors du commun permet à cette dernière de découvrir le monde. Sa rigidité et sa peur de l’inconnu sont mises à l’épreuve lorsqu’elle se prête à un jeu d’exploration. Ainsi, elle se saisit d’un univers sensoriel inédit par le biais de la musique, et de sensations jusqu’ici étrangères.
Cette douce ode pudique à l’amour, forgée et développée par les séquences sylvestres, conduit Endre et Mária à donner le meilleur d’eux-mêmes. Afin de se livrer à leurs désirs, il leur faut affronter les peurs et les doutes qui les assaillent.
Corps et Âme n’est cependant pas adapté à tous. Les scènes dans leur lieu de travail sont crûes, graphiques, et ne sont pas simulées. En outre, le dernier acte du film peut se déranger et atteindre une partie importante du public. Ajoutez à cela un rythme global relativement lent, et les passionnées d’action n’y trouveront pas leur compte.
Quelle édition choisir ? : un choix aisé
Le Pacte a distribué deux éditions simples au format DVD et Blu-ray. Si les collectionneurs regretteront l’absence d’un steelbook, ils pourront jubiler en découvrant leur chance. En effet, Corps et Âme est uniquement disponible en Allemagne sur galette bleue ! Alors que la France est souvent laissée-pour-compte, ce retournement de situation est particulièrement appréciable.
Des atouts maîtrisés
Divisée en treize chapitres, l’œuvre cinématographique a un rendu impeccable en haute définition. Les gros plans, si essentiels à l’histoire, capturent d’infimes détails et soulignent la beauté innocente d’Alexandra Borbély. Se déroulant majoritairement entre quatre murs, Corps et Âme ne se noie pas dans le bruit vidéo lors des plans plus obscurs. S’il ne s’agit évidemment pas des prouesses uniquement envisageables par l’option HDR des Blu-ray 4K, son homologue 2K résiste aux hautes lumières agressives des néons de l’abattoir. Mention spéciale pour les instants chimériques rafraîchissants, dont la poésie dégagée des images bleuâtres est un vrai gain visuel.
Deux pistes DTS-HD 5.1 sont disponibles sur le Blu-ray, à savoir la version originale et le doublage français. Dès lors, quatre options sont offertes au spectateur : l’audio hongrois couplé aux sous-titres français, le doublage, la langue de Molière accompagnée de sous-titres pour sourds et malentendants, ainsi que l’audiodescription.
La musique étant très minimaliste, la partie sonore ne peut briller par des basses particulièrement puissantes et profondes. Non, l’accent est mis sur les dialogues clairs et intelligibles dont la qualité satisfera sans peine.
De minces bonus
Il n’y a pas grand-chose à se mettre sous la dent du côté des suppléments. Le casting n’intervient à aucun moment, pas une seule image du tournage n’est dévoilée, et les scènes coupées sont inexistantes. Cela étant dit, l’interview fournie est très intéressante et mérite d’être visionnée.
- Entretien avec Ildikó Enyedi (41:05 min) : très informatif, ce bonus est présenté sous la forme de questions/réponses avec la réalisatrice. Ses propos étant exprimés en français, le recours des sous-titres est inutile. Il s’agit d’ailleurs d’une très bonne surprise ! Durant plus de 40 minutes, la femme revient sur Corps et Âme qui permet aux personnages de s’extirper de leurs « petites cages ». Elle confesse posséder plusieurs caractéristiques propres à Mária, contre lesquelles le tournage et ses enfants constituèrent une réelle thérapie. Enyedi aborde aussi son choix de l’abattoir, et s’arrête sur une comparaison entre les appartements des deux protagonistes. L’absence de making-of à proprement parler est ici contrebalancée par la pertinence des questions qui lui sont adressées. Storyboards, processus de casting, répétitions, la semaine passée dans les montagnes… Les sujets sont fouillés et vastes.
- Bande annonce (01:46 min) : présentée en HD.