Face au pire du cinéma américain actuel, le souvenir de Cary Grant a sauvé la quatrième journée du festival de Deauville 2017.
C’est avec Gook, deuxième réalisation de Justin Chon, que débutait hier la quatrième journée du festival de Deauville. Réalisateur, scénariste et acteur de son film, Chon présente les liens et les conflits entre deux communautés. Il y a d’un côté Eli et Daniel, deux frères d’origine coréenne, et de l’autre la communauté afro-américaine avec la jeune Kamilla qui traîne dans leur magasin de chaussures. Dans le quartier pauvre de Paramount, le quotidien est aux insultes et aux agressions des noirs ou des Portoricains envers ces « gook » (terme péjoratif employé pour désigner les Asiatiques).
Si son histoire apparaît peu originale, c’est par son traitement que Justin Chon parvient à sortir du lot. Tourné en noir et blanc, le film parvient à mêler réalisme et fantaisie, à la manière d’un certain cinéma coréen. Le cinéaste inclut ainsi une légèreté et une forme de drôlerie dans cet univers de violence, mais sans jamais la faire disparaître. Évoquant notamment en fond les émeutes de 1992 à Los Angeles, après que quatre policiers blancs accusés d'avoir tabassé un jeune Afro-américain, Rodney King, aient été acquittés le 29 avril 1992. En dépit de certains défauts qu’on mettra sur le compte d’un manque d’expérience (Chon est avant tout acteur), Gook s’avère convaincant dans sa majorité. Dommage que son final, à vouloir à tout prix bousculer et émouvoir, bascule définitivement dans une violence pas forcément utile au récit. La démarche reste néanmoins honnête pour ce film en compétition.
Le gouffre entre le cinéma américain d'hier et d'aujourd'hui
L’ennui est ensuite venu avec Brooklyn Yiddish (second film en compétition de la journée), film soporifique sur une communauté juive ultraorthodoxe où un homme peine à prouver sa valeur en tant que père et dans son milieu religieux. Malgré tout, le pire restait à venir avec l’avant-première du soir. The Wilde Wedding de Damian Harris, inspiré des mariages de sa propre mère, met en scène une grande famille bourgeoise la veille du nouveau mariage de la grand-mère. Le film réunit d’un côté Glenn Close, John Malkovich et Patrick Stewart, s’enivrant et s’endormant à moitié sur leur texte. Et de l’autre, un tas de jeunes (adolescents, jeunes adultes et parents) en chaleur, se sautant dessus à la moindre occasion. Résulte un déluge de vulgarité dû à la réalisation de Damian Harris – notons le mauvais goût de filmer des jolies filles se déhancher en bikini sur une musique pop omniprésente et l’image déplorable des femmes – et à une classe sociale riche moralement immonde. Amusant, le public de Deauville a tout de même applaudi le film en fin de projection...
Heureusement, l’élégance du « vieux cinéma américain » était là pour sauver cette journée, avec le documentaire sur Cary Grant. Figure emblématique, l’acteur est au cœur du documentaire Cary Grant, de l’autre côté du miroir. Un portrait réussi, nourri par l’autobiographie du comédien. On y découvre notamment sa jeunesse, la perte de sa mère à onze ans, internée contre son gré, qu’il retrouva près de vingt ans plus tard. Le film fait alors le lien entre cet événement et ses rôles, son jeu ou même ses relations. Rythmé par de nombreux extraits de films, Cary Grant, de l’autre côté du miroir est un bel hommage à l’acteur, mais également à un cinéma hollywoodien distingué dont on est aujourd'hui orphelin.