Denis Villeneuve vient de se distinguer avec une sortie pour le moins troublante, affirmant qu'il "détestait les dialogues". Une déclaration étrange et qui n'a pas manqué de faire réagir.
Le réalisateur de Dune 2 se lâche
Alors que le très attendu Dune 2 arrive dans les salles françaises le 28 février (notre critique ici) et le 1er mars aux États-Unis, Denis Villeneuve a choisi de se faire remarquer dans les colonnes du Times en prenant fermement position sur un élément du cinéma : les dialogues dans les films. Réalisateur célébré pour son savoir-faire visuel, Denis Villeneuve en fait de nouveau la démonstration dans Dune 2, et c'est peut-être pour mettre en avant ses images particulièrement soignées qu'il a minimisé l'importance des dialogues au cinéma. En réalité, "minimiser" n'est pas le terme exact, puisque le réalisateur a eu des mots très durs.
Franchement, je déteste les dialogues. Les dialogues sont pour le théâtre et la télévision. Je ne me souviens pas de films parce qu'il y a des bons dialogues, mais parce qu'il y a une image puissante. Je ne suis pas du tout intéressé par les dialogues. Seulement de l'image et du son, c'est ça la puissance du cinéma, mais c'est quelque chose de moins en moins évident quand vous regardez des films aujourd'hui.
Une levée de boucliers sur les réseaux
On imagine que les dramaturges, auteurs de pièces de théâtre et dialoguistes de cinéma et de télévision n'apprécient que modérément les propos du réalisateur de Prisoners et Blade Runner 2049. Denis Villeneuve ne s'est pas arrêté là et a enfoncé le clou : "Les films ont été corrompus par la télévision. Dans un monde parfait, je ferais un film saisissant, qui ne serait pas un film expérimental mais qui n'aurait aucune ligne de dialogue. Le public sortirait du cinéma et dirait : "Attendez, il n'y avait pas de dialogue ?", mais il ne ressentirait pas le manque."
Évidemment, cette déclaration n'a pas manqué de faire réagir sur les réseaux sociaux, avec en majorité des commentaires contredisant Denis Villeneuve, cinéma de Quentin Tarantino à l'appui.
La scène d'introduction de "Inglourious Basterds" avec Hans Landa est plus mémorable pour moi que tout ce que j'ai pu voir dans "Dune" ou dans la suite de "Blade Runner". Pour moi, un film surprenant avec un script fantastique surpasse un mauvais film avec des visuels fantastiques.
Tout le respect est dû à Denis Villeneuve, un des plus cinéastes contemporains. Mais les dialogues sont importants pour le grand cinéma et les grands récits. Les images seules ne peuvent pas porter un film. Les films de Quentin Tarantino n'auraient rien de spécial sans leurs dialogues, par exemple.
Une expression malheureuse ?
La déclaration de Denis Villeneuve s'inscrit dans un débat presque aussi vieux que le cinéma lui-même. En effet, déjà lors du passage du cinéma muet au cinéma parlant, la question s'est posée de savoir combien le cinéma était un art visuel, et s'il n'était pas "que" cela. Ainsi, parce que le cinéma à la différence du théâtre est une fabrication d'images en mouvement, on peut légitimement considérer dans une hiérarchisation des outils nécessaires à cette fabrication que les voix et les dialogues des personnages puissent être secondaires.
Ainsi, les mots de Denis Villeneuve ont probablement dépassé sa pensée, semblant ainsi disqualifier le concept même de dialogues au cinéma. Bien que, dans ses propres films - et dont il est co-scénariste pour la plupart -, les dialogues ont toute leur importance. Alors, ce n'est peut-être pas tant les dialogues en eux-mêmes que le cinéaste viserait, mais plutôt leur usage démesuré dans les programmes de télévision.
On pourra cependant encore lui objecter que la télévision n'est pas le même média que le cinéma, et qu'à défaut de pouvoir y faire les images au format IMAX qu'affectionne tant Denis Villeneuve, c'est alors à la charge des scénaristes et aux dialoguistes de porter les histoires...