"Drunk" de Thomas Vinterberg se termine par une scène de danse enivrante de Mads Mikkelsen. Une séquence qui n'a pas été évidente à tourner pour l'acteur au passé de danseur.
Drunk, l'expérience alcoolisée
Réalisateur de Festen (1998) qui le révéla, ou encore La Chasse (2012) qui confirma tout le bien qu'on pensait de lui, Thomas Vinterberg a obtenu ses plus grandes récompenses avec Drunk (2020). En dépit d'une sortie en pleine pandémie de Covid, eu un très beau succès à travers le monde, remportant le César, l'Oscar et le BAFTA du meilleur film étranger en 2021. Le film permet également au cinéaste de collaborer une nouvelle fois avec l'excellent Mads Mikkelsen, qu'il dirige aux côtés de Thomas Bo Larsen, Magnus Millang et Lars Ranthe.
Ensemble, ils interprètent quatre amis de longue date. Des hommes cultivés qui vont mettre en pratique une théorie. Celle du psychologue norvégien Finn Skårderud qui part du principe que l'homme naîtrait avec un déficit d'alcool dans le sang de 0,5g/L. Les quatre amis vont donc tenter l'expérience d'être constamment légèrement ivre. En conséquence, la désinhibition offerte par l'alcool devrait les rendre plus heureux.
Il y a dans un premier temps quelque chose d'extrêmement joyeux qui se dégage de Drunk et de véritablement enivrant. Cependant, Thomas Vinterberg ne fait pas l'apologie de l'alcool puisque les choses deviennent vite incontrôlables et différents drames se produisent. Ainsi, comme l'explique le réalisateur, "si le film est une forme de célébration de l’ivresse, il est évidemment aussi un portrait lucide de ses effets dévastateurs".
Un moment douloureux et libérateur pour Mads Mikkelsen
Drunk se veut malgré tout assez optimiste comme en atteste sa scène finale. Car après avoir vécu une tragédie, le groupe d'ami parvient à se relever et à célébrer à nouveau la vie aux côtés des jeunes diplômés. L'alcool coule à flots, et Thomas Vinterberg présente là une réalité culturelle qui peut être problématique mais sans juger ses personnages.
Drunk est pensé comme un hommage à la vie. Comme une reconquête de la sagesse irrationnelle libérée de toute logique anxieuse, qui recherche le désir même de vivre... Avec des conséquences parfois tragiques.
Si cette séquence marque les esprits, c'est aussi et en grande partie grâce à Mads Mikkelsen qui se lance dans une danse fascinante sur le morceau What a Life de Scarlet Pleasure. Une scène qui n'a pas été si évidente à tourner pour le comédien.
Lors d'une interview avec Variety, Mads Mikkelsen était revenu sur ce passage en expliquant que cela avait été pour lui un "étrange challenge" étant donné que son passé de danseur remontait à trente ans - il a fait dix ans de ballet avant d'être acteur. De plus, Thomas Vinterberg avait une idée précise en tête. Il souhaitait montrer un homme à la fois désireux de s'envoler et de s'écrouler.
J'avais peur que ce soit prétentieux dans un film aussi réaliste. Mais finalement, j'ai pris conscience que Thomas avait raison. (...) Il ne s'agit pas tant de l'esthétique de la danse que du voyage intérieur de ce personnage. Il a perdu quelque chose qui lui est cher et a également gagné quelque chose d'important, le tout en une heure. On voulait donc que cela se reflète dans la danse. Je n'avais pas dansé depuis 30 ans et c'était difficile et douloureux, mais également libérateur.
Comment jouer l'ivresse ?
Cette libération décrite par Mikkelsen se ressent parfaitement à l'écran. D'un point de vue de l'acting, Drunk mettant en scène des personnages légèrement ivres, on pouvait se demander si de l'alcool avait été réellement utilisé pour le tournage. Mads Mikkelsen a confirmé que ce n'était pas le cas et que cela aurait été, au contraire, contre productif. Lui et ses collègues ont simplement utilisé leurs propres expériences avec l'alcool.
Pour que cela passe à l'écran, le comédien a cherché à ralentir ses mouvements, pour les rendre "un peu plus précis" tout en laissant transparaître "quelque chose qui cloche", racontait-il auprès de Canal+. Par contre, pour les passages où il devait être totalement ivre, il s'est à la fois inspiré de Charlie Chaplin et des vidéos de Russes sur Youtube.