Nous y sommes, la 70ème édition du festival de Cannes a commencé. Comme la tradition le veut, les membres du jury se sont prêtés au jeu de la conférence de presse pour donner leurs premières impressions. Revenons ensemble sur ce premier événement de la quinzaine.
Le jury de ce 70ème festival de Cannes est particulièrement prestigieux cette année. Le président, Pedro Almodovar, est entouré des acteurs Will Smith , Jessica Chastain, Agnès Jaoui et de Fan Bingbing . Il sera également en compagnie des réalisateurs Paolo Sorrentino , Park-Chan Wook et Maren Ade. Le compositeur Gabriel Yared vient compléter ce jury quatre étoiles.
Netflix: le grand débat du festival de Cannes
Netflix est la grande équation à résoudre pour le jury du festival de Cannes. Son cas avait déjà fait l'objet d'une controverse lors de la sélection officielle. En effet, pour la première fois, deux films de la plateforme de streaming sont en compétition. Une décision qui n'a pas été du goût de la part de la profession et notamment des exploitants. À cause de la réglementation française « la chronologie des médias », ces deux films ne connaîtront pas de sortie en salle chez nous.
Thierry Frémaux, le président du festival de Cannes a proposé à Netflix de négocier avec des exploitants français afin que le public puisse découvrir les deux films sur grand écran. Netflix a refusé catégoriquement. Le géant du streaming a fait une contre-proposition en acceptant une sortie limitée en salle, en parallèle de sa diffusion pour ses abonnés. Le résultat en est que chacun campe sur ses positions. Le festival de Cannes a donc pris la décision qu'Okja et The Meyerowitz seront maintenus pour la compétition officielle, cependant dès 2018, tout film présenté à Cannes devra avoir une sortie prévue en salle.
Que pense Almodovar de la présence de la plateforme de streaming au festival ?
D'abord, les membres du jury ont été questionnés concernant leurs sentiments sur leur présence et leur participation à ce 70ème festival de Cannes.
Puis, LA question qui fait énormément polémique cette année a été posée au président, Pedro Almodovar. Que pense-t-il de la présence de Netflix à Cannes à travers des films comme Okja de Bong Joon-Ho et The Meyerowitz de Noah Baumbach ? La réponse pour le cinéaste espagnol est sans appel, il ne se voit pas remettre une palme d'or à un film qui n'aura pas connu une exploitation en salle. L'expérience de la salle est pour lui primordiale. Ayant anticipé la question, il avait préparé un communiqué :
Les plateformes numériques sont une nouvelle façon de montrer des œuvres, ce qui en soi est quelque chose d'enrichissant et de positif. Mais il ne s'agit pas que cette nouvelle forme se substitue aux formes existantes, comme par exemple le fait d'aller au cinéma. Elle ne doit en aucun cas altérer les habitudes des spectateurs et je pense que c'est ça le cœur du débat d'aujourd'hui. La seule solution est que la nouvelle plateforme accepte les règles en place, respectées par l'ensemble des réseaux, notamment toutes les règles financières et fiscales. C'est le seul moyen de pouvoir survivre dans le cinéma. Car je ne peux pas concevoir que la Palme d'or ou d'autres prix soient remis à un film qu'on ne pourra pas voir sur grand écran, en salles. Tout cela ne signifie pas que je ne suis pas ouvert ou pas favorable à tout ce que ces nouvelles technologies nous apportent. Néanmoins, toute ma vie je lutterai contre une chose dont les jeunes n'ont pas conscience, c'est la capacité d'hypnose. À mon sens, ce qui est déterminant, au moins lorsqu'on voit un film pour la première fois, c'est la taille de l'écran. Sa taille ne devrait pas être plus petite que la chaise sur laquelle vous êtes assis. Je pense qu'il faut vraiment avoir le sentiment d'être humble et petit face au grand écran.
Une déclaration qui a été accueillie par les applaudissements de la salle.
Le jury du festival de Cannes divisé sur le débat portant sur Netflix
Les autres membres du jury sont beaucoup plus partagés quant à cette question. L'acteur américain Will Smith, qui a énormément monopolisé la parole durant cette conférence de presse, a son avis sur le sujet. Il voit la présence de la plateforme de streaming comme un moyen de s'ouvrir cinématiquement parlant au monde.
J'ai des enfants de 16, 18 et 24 ans. Ils vont au cinéma deux fois par semaine et ils regardent aussi des films sur Netflix (…) Et on peut passer de l'un à l'autre. Chez moi, Netflix n'a absolument aucun impact, dans le sens où Netflix n'empêche pas les jeunes d'aller voir des films en salles. Mais il y en a d'autres qu'ils préfèrent voir à la maison. Chez moi Netflix est utile, parce qu'ils peuvent avoir accès à des films qu'ils n'auraient pas pu voir autrement. Netflix leur permet de se connecter au monde. Il y a des films qui ne passent pas en salles près de chez eux, et ils peuvent les voir. Ça leur apporte une meilleure compréhension cinématique mondiale.
L'actrice française Agnès Jaoui, à l'air plus modérée prônant les droits, mais également les devoirs auxquels Netlflix devrait s'acquitter :
C'est une question essentielle, le monde bouge. On ne peut pas faire comme si la technologie n'avançait pas. Ce serait dommage de se braquer. Par contre, il faut qu'ils aient des droits mais aussi des devoirs. Qu'ils payent des impôts, des taxes. Il faut revoir la chronologie des médias, c'est évident. En plus c'est très franco-français comme problème, parce que ça ne se passe pas de la même façon ailleurs. Et puis il y a toute une question à se reposer. Il aurait été complètement absurde de pénaliser ces grands réalisateurs qu'on va avoir la chance nous de voir sur grand écran. Et il est également très absurde de penser que les français et d'autres pays ne vont pas pouvoir les voir sur grand écran.
De longues discussions se préparent entre les membres du jury sur cette question cruciale dont les œuvres de Bong Joon Ho et Noah Baumbach sont les premières concernées.