Festival de Deauville 2024 : avec The School Duel, l’Amérique traite ses maux façon Battle Royale

Festival de Deauville 2024 : avec The School Duel, l’Amérique traite ses maux façon Battle Royale

Todd Wiseman Jr. signe avec son premier long-métrage, "The School Duel", une charge radicale contre la culture américaine des armes à feu et les idéologies extrémistes, dans une dystopie aussi terrifiante que fascinante. Une réussite et un choc.

The School Duel, film logique et radical

Presque arrivé à mi-parcours, la compétition deauvilloise s’intensifie et des grandes thématiques se dégagent. Parmi elles, la famille et la violence. Et ces deux peuvent se joindre dans cette perspective : les États-Unis s’emparent avec violence de leur héritage politique. C’est ce qui ressort du très réussi The School Duel, film en noir et blanc qui déroule une dystopie où, pour tenter d’enrayer la violence et les tueries de masse dans les écoles, une Floride indépendante, ultra-libérale et ultra-conservatrice, organise chaque année un affrontement armé entre des lycéens pour désigner un « roi », seul survivant d’un auto-massacre où les « éliminés » deviennent des « martyrs ».

The School Duel
The School Duel

L'effroi qui saisit dès les premières minutes du premier long-métrage de Todd Wiseman Jr. tient à cette dystopie, qui n'en est pas vraiment une tant elle pourrait apparaître tout à fait logique dans un futur proche. Aux États-Unis, où il y a plus d'armes à feu en circulation que d'individus, il est très rare qu'un mois se passe sans qu'une tuerie de masse n'y ait lieu, souvent dans une école.

Une mise en garde contre les idéologies extrémistes

Il y a un désespoir latent dans The School Duel, tout le temps et partout malgré son énergie, alors qu'on suit le parcours de Samuel, jeune garçon fils d'un militaire décédé, harcelé à l'école et qui cherche un respect malsain que des vidéos à tendance masculiniste lui vendent en ligne. Sur un malentendu, l'école croit qu'il a dressé une liste de victimes potentielles. Alors qu'il n'y avait noté que ceux qui l'inspiraient... Qualifié pour participer à "The School Duel", "Sammy" va donc se retrouver face à 18 autres garçons, tous décidés à être le seul survivant.

Sans tomber dans le sensationnalisme, en représentant habilement la violence armée comme un "jeu" banal auquel la population s'est habituée, Todd Wiseman Jr. livre une oeuvre très singulière et critique, où son jeune anti-héros a quelque chose du Travis Bickle de Taxi Driver, et qui apparaît inspirée en partie du monument japonais Battle Royale. On pourra trouver aussi comme une référence européenne, celle de Michael Haneke par exemple, chroniqueur clinique du mal ordinaire. En 1h30, avec des idées originales de mise en scène et de cadre, son noir et blanc glacé et son interprétation habitée dans le rôle de Sammy du jeune Kue Lawrence, The School Duel fait oeuvre de cinéma, s'offrant même une torsion cruelle de sa narration en conclusion.

Un première réalisation très aboutie, unique en son genre et originale dans son approche de la question des armes à feu aux États-Unis, qui devrait faire parler d'elle et ne manquera pas de diviser. Et qui impose Todd Wiseman Jr. comme un réalisateur à suivre.