En 1999, David Fincher présente un film fondamentalement sensationnel : "Fight Club". Non seulement cette adaptation du roman de Chuck Palahniuk surprend et déstabilise avec son discours anti-conformiste, mais surtout il révolutionne les techniques du cinéma en mêlant de manière inédite différentes techniques visuelles.
Fight Club, grand succès à retardement
En 1998, David Fincher tourne un film qui va marquer l'histoire du cinéma. Il n'anticipe sans doute pas l'ampleur du phénomène que sera ce film, adapté d'un roman publié en 1996. D'ailleurs, pas grand monde ne le voit venir, ce Fight Club, et sa performance en salles déçoit. Les recettes mondiales s'élèvent à 100 millions de dollars pour un budget frisant les 65 millions. Malgré la qualité du travail du cinéaste, les prestations formidables de Brad Pitt, Helena Bonham Carter et Edward Norton, son discours alors parfaitement actuel, Fight Club s'attire lors de sa sortie en 1999 surtout des critiques mitigées et des controverses.
Mais c'était sans compter son exploitation en vidéo à partir de novembre 2000 et des ventes de DVD parmi les plus importantes enregistrées par la 20th Century Fox. À partir de là, Fight Club devient le film de toute une génération, atteint vite le statut de film culte et s'installe très haut dans la filmographie de ceux qui l'ont fait. Si Fight Club finit par obtenir ce succès et une renommée mondiale, c'est qu'au-delà de ce qu'il raconte, il est un objet de cinéma unique, qui hybride le cinéma traditionnel d'effets pratiques et celui naissant d'effets digitaux.
Ainsi, David Fincher utilise dans Fight Club aussi bien ses techniques de Seven qu'il anticipe sur celles de L'Étrange Histoire de Benjamin Button. Cette même année, Matrix des soeurs Wachowski révolutionne pleinement l'approche visuelle de réalisation d'un film. 1999 est aussi l'année du premier opus de la prélogie Star Wars de George Lucas. David Fincher n'est donc pas qu'un conteur, il est aussi un formidable faiseur d'images à la croisée des mondes ancien et moderne, ce qui se voit de manière exemplaire dans la fabrication d'une partie de la séquence finale.
Un formidable trucage inédit pour un grand résultat
Fight Club est un film réussi de bout en bout et propose une des fins les plus mémorables vues sur un grand écran. Pour résoudre l'intrigue de ce thriller psychologique, à ce moment de l'histoire, Le Narrateur (Edward Norton comprend que Tyler Durden (Brad Pitt) n'existe que dans sa tête. Et pour mener à terme cette course nihiliste et dans le même geste s'en sauver, Le Narrateur se tire une balle dans la tête. Il survit à cet acte, pas son double Tyler Durden, puis assiste à la destruction de la skyline avec Marla.
Difficile de trouver dans le cinéma qui précédait ce film un plan aussi proche, frontal et visuellement détaillé d'une balle de pistolet tirée dans la bouche. La physique du geste est le sujet du plan, et pour la rendre à l'écran David Fincher a donc mobilisé tous les moyens à sa disposition, ainsi que la bonne volonté d'Edward Norton, comme la vidéo ci-dessous le détaille :
Pour réaliser ce plan, David Fincher fait se confondre deux captations différentes. Celle d'un mannequin pour saisir la lumière du coup de feu, l'air et la fumée expulsée, et celle d'Edward Norton maquillé, dont la bouche et les joues sont déformées à l'aide d'un propulseur d'air comprimé. Avec les points positionnés sur les visages du mannequin et d'Edward Norton, il peut ensuite numériquement fondre les deux effets en un seul en post-production. C'est ainsi l'exemple parfait de l'usage à la fois de techniques traditionnelles et de techniques nouvelles, usage qui fait de Fight Club ce film "monstrueux", au sens d'une création unique située entre deux normes différentes et mêlant deux mondes distincts.