Dans "Gran Torino", Bee Vang interprète un adolescent qui se lie d'amitié avec son voisin incarné par Clint Eastwood. L'interprète de Thao regrette d'avoir participé au film, qui "a popularisé le racisme anti-asiatique" selon lui.
Gran Torino : Clint Eastwood reprend les armes
Après le polar Mystic River, les drames Million Dollar Baby et L'Échange ainsi que le diptyque Mémoires de nos pères/Lettres d'Iwo Jima, Clint Eastwood poursuit une décennie presque parfaite avec Gran Torino. Dans ce long-métrage sorti en 2009, l'acteur et réalisateur retrouve l'un des archétypes de sa filmographie : le réactionnaire teigneux aux sourcils froncés et toujours partant pour dégainer. Un personnage qu'il a interprété avec plus ou moins d'ironie dans L'Inspecteur Harry, L'Épreuve de force, Le Maître de guerre ou encore La Relève.
Clint Eastwood incarne ici Walt Kowalski, un vétéran de la guerre de Corée à la retraite, veuf, solitaire, raciste et uniquement attaché à sa chienne Daisy. Sous la pression de son cousin affilié à un gang, son jeune voisin Thao (Bee Vang) essaie de lui voler sa Gran Torino, auquel il tient comme à la prunelle de ses yeux. Après avoir été pris en flagrant délit, l'adolescent Hmong propose ses services à Walt.
Réticent, ce dernier accepte malgré tout et lui confie des "travaux d'intérêt général" dans leur quartier. Une amitié voit progressivement le jour entre eux et Walt se rapproche même de la famille de Thao. Mais lorsque le cousin du garçon le menace et s'en prend violemment à lui, l'ancien soldat le repousse à l'aide de son fusil M1 Garand. Les membres du gang promettent qu'ils n'en resteront pas là...
Ahney Her, Christopher Carley, John Carroll Lynch et Scott Eastwood complètent la distribution de Gran Torino. Un long-métrage auquel Bee Vang regrette d'avoir participé, persuadé qu'il a joué un rôle dans la banalisation des violences physiques et verbales anti-asiatiques.
Un film qui aurait "popularisé le racisme anti-asiatique"
En février 2021, un an après le début de la crise mondiale liée à la pandémie de Covid-19, l'acteur publie un billet sur le site NBC News. Face à l'augmentation du racisme anti-asiatique, l'interprète de Thao revient sur les blagues faites par le personnage de Walt Kowalski dans Gran Torino :
A l’époque, il y avait beaucoup de discussions sur les injures du film : est-ce qu’elles étaient de mauvais goût et gratuites ou simplement des 'blagues inoffensives' ? Je trouvais ça énervant, les rires que provoquaient ces blagues dans des salles de cinémas au public majoritairement blanc. Et c’était toujours des personnes blanches qui venaient vous dire : 'Tu n’as pas d’humour ?'
Plus de dix ans après la sortie du film, à une époque où Donald Trump fait référence à la Covid-19 en utilisant les termes "virus chinois", les violences s'accentuent. Ce qui n'étonne absolument pas Bee Vang :
Avec ce que j'ai vécu, je n'ai pas été surpris par le racisme anti-asiatique qui est arrivé au début de la pandémie. Un virus microscopique a été remplacé par une cible reconnaissable. Encore une fois, avec cette pandémie, le sentiment anti-asiatique nous a transformé en un péril invasif et sans visage qui doit être éjecté de ce pays.
Selon le comédien, Gran Torino n'est pas étranger à ce phénomène. Il y est même étroitement lié :
Gran Torino a popularisé le racisme anti-asiatique, même s'il a augmenté la représentation des américains d'origine asiatique au cinéma. Les blagues du film sur les Asiatiques ont été utilisées contre nous et nous ont poussés à la soumission silencieuse. Je ne me demande plus ce que les gens veulent dire quand ils me demandent si j'ai de l'humour. Le Covid-19 a effacé tous mes doutes.