Quand les enfants se font posséder par le Diable, il ne fait pas bon d'être un adulte. La preuve avec cinq enfants démoniaques du cinéma.
Avec Annabelle 2, David F. Sandberg reprend une des thématiques phares du cinéma d’horreur. Non pas celle de la poupée tueuse, mais plutôt de la manipulation démoniaque et de la possession d’enfants. Le film étant pour le moins raté, autant se replonger dans ce genre à l’aide de cinq œuvres qui l’ont précédé.
L’Exorciste (1973) de William Friedkin
Quand on évoque une force démoniaque prenant le contrôle d’un enfant avec pour seule solution la foi chrétienne, on pense forcément à L’Exorciste de William Friedkin. L’histoire d’une jeune fille possédée par un démon, que le père Karras tentera d’exorciser. Avec ce film, adapté du roman de William Peter Blatty, Friedkin s’attaque avant tout à l’Amérique puritaine des années 1970. Une époque compliquée entre les assassinats perpétués par Charles Manson et le conflit au Vietnam qui n’en finit pas, et qui voit une forme de paranoïa grandir dans le pays. Le réalisateur met alors en scène des personnages marqués par une forme de désespoir. Que ce soit les prêtres peu vertueux qui remettent en cause leur foi, ou la mère de Regan, stéréotype d’un monde bourgeois pathétique.
Face à cet univers, c’est donc logique que ce soit Regan, symbole d’innocence, qui devienne la cible d’une créature. Friedkin joue ainsi sur la représentation fausse et idéalisé de l’enfant – qui voudrait qu’il ne soit que bonté – pour provoquer l’effroi. Un effroi davantage psychologique et propre au récit donc, que suscité par l’image. En effet, bien qu’à sa sortie le film ait été présenté comme le film le plus terrifiant jamais réalisé, il apparaît aujourd'hui bien vieilli à ce niveau-là. Ce qui ne l’empêche pas d’être toujours aussi intéressant, car porteur d’un vrai regard critique. Ce dont manqueront malheureusement ses différentes suites.
Les Innocents (1961) de Jack Clayton
Avant L’Exorciste, il y eu évidemment Les Innocents de Jack Clayton en 1961. Un film fantastique gothique dans lequel deux enfants se retrouvent sous l’influence des fantômes d’une maison. Véritable chef-d’œuvre, le film joue sur le doute persistant de son héroïne. Miss Giddens (Deborah Kerr), une institutrice chargée d'éduquer dans un vieux manoir les jeunes Flora et Miles. C’est elle qui sera témoin d’événements inquiétants de la part des enfants – les très dérangeants Pamela Franklin et Martin Stephens. Tout en plaçant les situations du quotidien dans une atmosphère d’étrangeté, où un simple bruit devient angoissant, Jack Clayton prend garde de ne jamais démêler le vrai du faux. Il laisse ainsi planer le doute concernant les visions de Miss Giddens, qu’on ne sait si elles sont réelles ou simplement fantasmées.
Certainement l’un des meilleurs films (si ce n’est le meilleur) de Jack Clayton, Les Innocents a évidemment eu une énorme influence sur le cinéma d’épouvante. Un genre qui, aujourd’hui, use de principes similaires, mais sans en avoir la qualité de mise en scène. Clayton ayant trouvé le bon équilibre entre le fantastique et la part psychologique. Une œuvre fascinante et intemporelle.
La Malédiction (1976) de Richard Donner
Trois ans après L’Exorciste, le cinéma continue de surfer sur le genre d’épouvante religieux avec La Malédiction. Et quoi de mieux dans cette optique qu’un film mettant en scène l’Antéchrist lui-même. L’histoire se passe à Londres, dans la maison de Robert Thorn (Gregory Peck), ambassadeur des États-Unis. Plusieurs décès ont lieu dans son entourage, et tout porte à croire que son fil adoptif, Damien, en est l’auteur. Bien qu’il ait lui aussi pris un sacré coup de vieux, La Malédiction reste toujours aussi terrifiant quarante ans après. Un résultat obtenu par la mise en situation de Damien. Celui-ci pouvant à tout instant se jeter telle une furie sur des adultes impuissants.
Le film joue là encore sur l’aspect psychologique de l’enfant et sa capacité à faire preuve d’un certain sadisme avec son entourage – ce qu’on retrouve dans un autre genre avec We Need to Talk About Kevin. Également, Richard Donner se permet des scènes particulièrement choquantes et d’une rare violence. Comme cette femme qui, au nom de Damien, se pend devant une audience choquée. Fort de son succès pour un faible budget, La Malédiction deviendra, comme L’Exorciste, rapidement une franchise. Donnant lieu à trois adaptations cinématographiques, un téléfilm et une série.
The Children (2009) de Tom Shankland
The Children pourrait être la continuité de La Malédiction de par le rapport entre les adultes et les enfants. Ici, deux familles se réunissent à la campagne pour les fêtes de Noël. Sans qu’on sache vraiment pourquoi (à cause d’un virus ou une possession), les enfants se mettent soudainement à s’attaquer à leurs parents. The Children fait ainsi une critique directe du monde adulte et de l’éducation. Ou plutôt, de l’absence d’éducation. Car dans The Children, les parents idolâtrent leurs enfants. Se plaçant eux-mêmes comme des victimes passives et consentantes de ces « petits rois ».
Le réalisateur Tom Shankland utilise alors l’image sur-valorisée construite par les parents, pour leur faire perdre le contrôle de la situation. Bien que peu subtile dans son approche, The Children reste un fabuleux révélateur de la psychologie de l’adulte qui projette sur l’enfant un idéal de soi. Le film passe au final d’une tension intense à une dernière partie sanglante, qui fonctionne tout de même par des idées de mise en scène et des choix de cadres bien pensés. Tel Le Village des damnées, The Children fait froid dans le dos et renvoie une image des « petits bambins » des plus angoissante.
Insidious (2011) de James Wan
Avec Insidious, James Wan aura clairement renouvelé le genre. Car bien qu’il reprenne une approche somme toute similaire à L’Exorciste, il parvient à s’en affranchir avec une mise en scène moderne et un scénario pertinent. On y retrouve comme toujours une famille qui, suite à l’accident du fils, Dalton, voit des événements étranges se produire dans leur maison. James Wan (avant de réaliser Conjuring et après Saw) maîtrise clairement son sujet. Suscitant la peur par l’ambiance générale du film, ponctuée de jumpscare efficaces et de créatures effrayantes.
Mais surtout, il n’en oublie pas de raconter quelque chose. Prenant comme thématique les responsabilités des adultes vis-à-vis de l’enfant. En les montrant mis à mal par leur propre chair, le film accentue intelligemment l’inquiétude ressentie. De même qu’en occultant la religion à cette histoire de spiritisme, Wan la rend d’une certaine manière encore plus universelle. Le film rassemblant alors l’ensemble des thématiques abordées en y rajoutant une certaine nouveauté (la confrontation directe avec le monde des morts), Insidious reste peut-être la meilleure sensation de ces dernières années.
L'utilisation de la figure de l'enfant est finalement particulièrement efficace dans le cinéma d'horreur, car elle confronte l'adulte à lui-même, à ses peurs, et révèle ses faiblesses autres que physiques. Soit un combat psychologique face à un être insoupçonné. Dans d'autres genres, on retrouve ce rapport inquiétant entre l'enfant monstrueux et l'adulte avec Le Village des damnées, Rosemary's Baby, Joshua, Esther, We Need to Talk about Kevin...