Le film "Habemus Papam" est diffusé ce soir sur Arte. Découvrez comment la communauté catholique a accueilli le long-métrage de Nanni Moretti au moment de la sortie.
Habemus Papam : un pape sur le divan
Réalisé par Nanni Moretti, Habemus Papam est un film italien sorti en 2011 qui explore l’aspect humain et psychologique de la papauté. Le long-métrage met en scène Michel Piccoli dans le rôle d’un nouveau pape, fraîchement élu, qui se retrouve soudainement pris de panique à l'idée d'assumer son rôle. Refusant de se présenter aux fidèles réunis sur la place Saint-Pierre, le personnage, en proie à une crise existentielle, est confronté à ses propres angoisses. Le film adopte un ton à la fois sérieux et léger, et mêle introspection et humour pour aborder la complexité de la charge papale et la solitude qui peut en découler.
Dès sa sortie, Habemus Papam a rencontré un grand succès au box-office italien, générant 1,3 million d'euros de recettes dès le premier week-end, preuve de l’intérêt du public pour ce portrait singulier d’un pape en crise. Ce film a également été perçu comme une incursion inhabituelle dans les coulisses du conclave, mêlant une approche respectueuse, mais audacieuse de la vie des cardinaux. Cependant, cette audace a aussi suscité des réactions contrastées au sein de la communauté catholique, certains estimant que Moretti s'était aventuré sur un terrain délicat en se servant de la psychanalyse pour traiter des questions religieuses.
Comment a réagi la communauté catholique ?
Pour une partie des catholiques, le film de Nanni Moretti a été perçu comme une tentative sincère et humaine de dépeindre les faiblesses et les doutes que peut rencontrer un homme, même placé au sommet de la hiérarchie de l’Église. C’est notamment l’avis de Radio Vatican et de la revue Civiltà Cattolica, qui ont souligné l’absence d’ironie ou de caricature dans la représentation du pape et du conclave. Ils ont plutôt vu dans le film une réflexion douce-amère sur la fragilité humaine, qui ne cherchait pas à attaquer la foi catholique en elle-même.
D’autres voix influentes de la communauté, comme le vaticaniste Luigi Accattoli, ont pris position en faveur du film, le qualifiant de « comédie légère » à aborder avec détachement. Selon eux, Habemus Papam ne remet pas en cause la foi, mais s’intéresse à la difficulté qu’un homme peut éprouver face à la responsabilité écrasante qui lui incombe en devenant pape. Ces soutiens ont insisté sur le fait que le film ne méritait pas de condamnation officielle de l’Église, estimant qu’une telle démarche aurait été contre-productive et aurait même favorisé la promotion du film, en renforçant la curiosité du public.
Cependant, cette vision positive n’a pas été partagée par tous. Salvatore Izzo, vaticaniste influent, a appelé les catholiques à boycotter le film. Dans une lettre publiée par le journal des évêques italiens Avvenire, il a affirmé que Habemus Papam abordait avec trop de légèreté un sujet aussi sacré que la papauté. Selon lui, le film risquait de heurter les croyants en présentant un pape en proie à des doutes psychologiques, ce qui, d’après lui, n’était pas compatible avec l’image de roc sur laquelle repose l’Église. Izzo a reproché au film de Moretti de traiter la papauté sous un angle trop humain, soulignant que "la foi ne peut remédier aux faiblesses naturelles", une affirmation qu'il jugeait en contradiction avec la vision de l’Église.
Par ailleurs, Mgr Roberto Busti, président de l’Association catholique des exploitants de cinéma (ASEC), a critiqué l'introduction de la psychanalyse dans un contexte vatican, déplorant que le film mette en avant une opposition entre la foi et l’intimité humaine. Il a jugé que la dimension spirituelle de la papauté n'était pas suffisamment prise en compte, réduisant ainsi la portée religieuse de l’œuvre.
Un film prophétique
En outre, Habemus Papam a été qualifié de prophétique par certains observateurs, comme Il Fatto Quotidiano en raison des parallèles troublants entre le personnage de Michel Piccoli et la réalité vécue par le pape Benoît XVI. En 2013, deux ans après la sortie du film, Benoît XVI a créé un précédent historique en renonçant à sa fonction, une décision rare et marquante dans l’histoire de l’Église catholique.
Cette démission inattendue a rappelé la crise personnelle dépeinte dans le film, où un pape se trouve submergé par le poids de sa charge et les exigences de son rôle spirituel. Pour certains, la fiction de Moretti a semblé anticiper le malaise et les doutes que pouvait ressentir Benoît XVI face à l’immensité de sa tâche.