Sorti au cinéma le 19 juin, "Hors du temps" d'Olivier Assayas raconte le confinement à la campagne de son auteur. Un film expérimental et très personnel, que beaucoup de spectateurs et de critiques ont jugé déconnecté et auto-centré.
Hors du temps, et hors-sol ?
Le nouveau film d'Olivier Assayas, Hors du temps, souligne parfaitement pourquoi il est un des chefs de file du cinéma d'auteur français. En 1h45, il propose le récit autobiographique de son confinement passé avec son frère Michka et leurs compagnes. Un confinement passé dans la jolie maison de leur enfance, située la vallée de Chevreuse et devenue leur maison de campagne. Olivier Assayas est ici incarné par son acteur fétiche Vincent Macaigne et renommé Paul, et son frère, le journaliste musical Michka Assayas, est incarné par Micha Lescot, sous le prénom Étienne. Nine d'Urso et Norah Hamzawi jouent par ailleurs leurs compagnes respectives, Morgane et Carole.
La pandémie et son premier confinement ont été des événements dont l'impact a été profond sur le moment et bien après. Qui était-on à ce moment-là ? Qu'est-ce que ce confinement inédit a révélé pour chacun, quels souvenirs, sensations, réflexions a-t-il inspirés ? Hors du temps se regarde au premier degré. Avec ce récit très intime, Olivier Assayas montre ses manies hygiénistes, l'inquiétude d'un monde arrêté, et la plongée dans le temps d'avant. Un temps encore présent quand avec son frère ils évoquent leur jeunesse et celui, fantomatique, de leurs parents, de leur héritage bourgeois et intellectue, qui hante la maison.
Hors du temps est un film expérimental, avec un récit monologué - la voix d'Olivier Assayas assure une narration très écrite et bavarde - et dialogué entre les personnages, là aussi très écrit. Ici, ce ne sont pas les images qui font sens, mais ce qui est dit. Et ce qui est dit est très instruit, cultivé, référencé, intelligent. Difficile d'échapper ainsi à la caricature d'un monde déconnecté, pour qui les désagréments du confinement sont largement tempérés par des conditions d'existence ultra-privilégiées.
Un discours brouillé et des critiques agacées
Si le casting est très bon, Hors du temps n'apparaît pas sûr de son intention. Le film ancre bien son début dans l'invitation de la pandémie à repartir de zéro, mais il ne semble avoir ni milieu, ni fin, et donc aucune destination. Ce défaut de clarté, couplé à la caricature inconsciente d'une élite intellectuelle, a ainsi dans une large mesure déstabilisé et agacé les spectateurs qui l'ont découvert dans les salles.
Ainsi, pour une spectatrice qui lui a accordé une note de 1/5 sur Allociné, Hors du temps est "prétentieux, snobinard et bourgeois". Même son de cloche et même note pour un autre spectateur, qui lui s'autorise une mise en garde :
Je lance un appel sérieux à tous les cinéastes tentés de filmer leur petit milieu : ce genre de film nombriliste, snobinard, bavard ça ne passe plus !
Du côté de la critique professionnelle, ce n'est guère mieux. Les Cahiers du cinéma écrivent ainsi que le film est "corrodé par la vanité, et l'autodérision dont le cinéaste aimerait faire preuve apparaît comme une expression supplémentaire de sa tendresse envers lui-même". On peut noter qu'en effet l'autodérision du film porte sur les comportements régressifs liés à la pandémie, à l'époque amusant mais aujourd'hui datés. Et pas vraiment sur l'étalage de la culture bourgeoise et des préoccupations égocentrées des personnages.
Chez Première, Hors du temps n'a pas non plus convaincu.
Vincent Macaigne, down-tempo, phrasé affecté de rigueur, a la lourde charge d’incarner ici le cinéaste. Un cinéaste qui nous gratifie en surplomb d’une voix off pseudo-truffaldienne d’un ridicule achevé.
Pour Ouest France, Thierry Chèze évoque un "ennui abyssal". Finalement, Hors du temps semble ainsi seulement trouver grâce aux yeux de Marie Claire et Télérama, qui célèbrent son autodérision et son émotion.