Pilier du western spaghetti que Sergio Leone réalise après "Le Bon, la brute et le truand", "Il était une fois dans l’Ouest" aurait pu marquer les retrouvailles entre le cinéaste et Clint Eastwood. À l’inverse, le film a éloigné le réalisateur et le comédien.
Il était une fois dans l’Ouest : l’envers du mythe américain
Après la trilogie du dollar, Sergio Leone en entame une deuxième en 1968 avec Il était une fois dans l’Ouest, qui sera suivi d’Il était une fois la révolution et Il était une fois en Amérique. Trois longs-métrages qui évoquent avec désenchantement l’évolution sanglante d’un pays, qu’il s’agisse des États-Unis ou du Mexique.
Basé sur une histoire pensée par Dario Argento, Bernardo Bertolucci et Sergio Leone - qui demande ensuite de l’aide à Sergio Donati pour le scénario -, Il était une fois dans l’Ouest se déroule dans la ville fictive de Flagstone, marquée par la construction du chemin de fer. Souhaitant garder un contrôle total sur cette dernière, le magnat Morton (Gabriele Ferzetti) envoie son homme de main Frank (Henry Fonda) et ses hommes négocier, ou tuer, tous ceux qui se mettent en travers de sa route.
Arrivée en ville pour démarrer une nouvelle vie, Jill McBain (Claudia Cardinale) découvre que son mari Brett (Frank Wolff) et ses enfants ont été froidement exécutés par Frank sur leur propriété, où est censée passer la ligne de chemin de fer. Le meurtrier laisse de faux indices laissant penser que le bandit Cheyenne (Jason Robards) ainsi que sa bande sont les coupables.
En parallèle, un mystérieux individu se faisant appeler Harmonica (Charles Bronson) débarque dans les environs, animé par une soif de vengeance. Avec l’aide de Cheyenne, il va tout faire pour libérer Flagstone de l’emprise de Frank et Morton.
Jack Elam, Woody Strode et Lionel Stander complètent la distribution de ce western magnifié par la partition d’Ennio Morricone. En Europe, le film est un immense succès, notamment en Italie et en Allemagne. Exploité pendant de nombreuses années dans les salles obscures, le long-métrage totalise 15 millions d’entrées en France.
Un rôle culte refusé par Clint Eastwood
Lorsqu’il hérite du rôle d’Harmonica, Charles Bronson a déjà une filmographie impressionnante. Assistant inquiétant de Vincent Price dans le film d’horreur L’Homme au masque de cire, il joue ensuite les seconds couteaux chez John Sturges, dans Les Sept mercenaires et La Grande évasion. Robert Aldrich le dirige quant à lui dans Bronco Apache, Vera Cruz et Les Douze salopards.
Il était une fois dans l’Ouest donne une nouvelle aura à l’acteur, en partie parce que Sergio Leone capture son regard perçant à travers des gros plans inoubliables. Taciturne, quasiment mutique, le comédien l’est par la suite dans Les Collines de la terreur, Mr. Majestyk ou Le Bagarreur, avant de camper les vengeurs ultra violents après le succès d’Un justicier dans la ville.
Sans le refus de Clint Eastwood, et celui de James Coburn, la carrière de Charles Bronson aurait probablement été bien différente. N’ayant pas encore acquis la notoriété qu’on lui connaît outre-Atlantique, le futur interprète de L’Inspecteur Harry aurait refusé d'incarner Harmonica pour se faire une place à Hollywood. Il entame à l’époque une collaboration avec Don Siegel sur Un shérif à New York, et tourne dans le western Pendez-les haut et court ainsi que dans le film de guerre Quand les aigles attaquent.
La rupture entre Sergio Leone et Blondin
Durant la préparation d’Il était une fois dans l’Ouest, Sergio Leone se serait rendu aux États-Unis pour présenter le projet à Clint Eastwood. Mais la rencontre ne se passe pas du tout comme il l’espère. Dans la biographie Clint Eastwood, Une légende, l’auteur Patrick McGilligan raconte :
Leone adorait (et il avait raison) la séquence d’ouverture du film, où trois as de la gâchette attendaient l’arrivée d’Harmonica dans une gare et se lançaient dans une mémorable et subtilement satirique affaire de western. Devant un Clint qui commençait à s’impatienter, il se concentra sur une mouche capturée dans le canon du pistolet du personnage qui serait joué par l’iconique Jack Elam. "Il lui a fallu un quart d’heure pour décrire ce passage", explique Clint, qui se souvient lui avoir demandé : "Attends une minute, où est-ce que ça nous mène, tout ça ?" Mais Leone n’aimait pas qu’on le bouscule…
Les retrouvailles entre le bon, la brute et le truand ?
Une autre rumeur, nettement moins documentée, prétend que Sergio Leone aurait voulu confier les rôles des trois hommes qui attendent Harmonica à la gare à Clint Eastwood, Lee Van Cleef et Eli Wallach, le trio de Le Bon, la brute et le truand. Mais le premier aurait refusé, n’acceptant pas de mourir dès les premières minutes du long-métrage.
Quoi qu’il en soit, le réalisateur et la star d’Impitoyable ne se parlent plus pendant de longues années après ça. Le premier finit même par critiquer le manque d’expressivité du second. Jusqu’à un ultime rendez-vous en 1988, quelques mois avant le décès de Sergio Leone. Interrogé par Le Figaro en 2009 pour la sortie de Gran Torino, Clint Eastwood se remémore leurs retrouvailles et leur réconciliation tardive :
A l'époque, j'étais venu en Europe pour défendre mon film sur Charlie Parker, Bird. J'étais à Rome quand il m'a appelé à mon hôtel. Nous sommes allés déjeuner au restaurant. Je parlais un meilleur italien. Et lui un meilleur anglais. Nous avons beaucoup discuté. Notamment de réalisation. Nous nous sommes payé du bon temps. En fait, cette dernière rencontre fut une sorte d'adieu, puisqu'il est mort deux mois après. Ce que je ne comprends toujours pas aujourd'hui, c'est que j'ai réalisé cinq fois plus de films que lui. Je ne sais pas pourquoi il retenait la bride des chevaux de son imagination. C'était assez extravagant. Il passait son temps à évoquer le tournage des 900 jours de Leningrad, son dernier projet. Je n'ai jamais su pourquoi il a fait aussi peu de films.