"Il y a une bagarre très violente" : Sidse Babett Knudsen se lâche dans le thriller carcéral "Sons"

"Il y a une bagarre très violente" : Sidse Babett Knudsen se lâche dans le thriller carcéral "Sons"

Rencontre avec Sidse Babett Knudsen et Gustav Möller, actrice principale et réalisateur du thriller carcéral "Sons", actuellement au cinéma. Un film puissant, à l'émotion bouleversante transmise par une actrice et un cinéaste au sommet de leur art.

Sons, un thriller carcéral de haut vol

Actuellement au cinéma, le thriller carcéral Sons, nouvelle réalisation de Gustav Möller, raconte avec une tension et une émotion remarquables l'histoire d'Eva (Sidse Babett Knudsen), surveillante pénitentiaire dans une prison danoise. Attentionnée, droite, professionnelle, tout va changer le jour où est transféré dans sa prison Mikkel, le meurtrier de son fils, lui-même précédemment incarcéré. Submergée par des émotions qu'elle tenait enfouies jusque-là, elle va demander à être transférée dans l'unité où est détenu Mikkel, et se rapprocher de lui.

Film brillant, portrait bouleversant d'une femme saisie par la contradiction de pulsions de vengeance et d'une fibre maternelle protectrice, Sons permet à Sidse Babett Knudsen d'écrire une nouvelle ligne brillante de sa filmographie, sous la direction d'un réalisateur très talentueux. Nous les avons rencontrés.

Gustav, après The Guilty et son centre d'appel de la police, vous nous emmenez cette fois-ci dans une prison. Pourquoi ce choix ?

Gustav Möller : Je suis fasciné par les prisons, en elles-mêmes, mais aussi pour leur dimension d’arène cinématographique. Je pense qu’une prison est un canevas très solide pour raconter beaucoup d’histoires. Cela donne des règles très précises, avec des personnages qui correspondent à des archétypes.

Et dans cette arène, on peut développer tout un microcosme, dans son propre monde. C’est à la fois fascinant et intrigant. Ensuite, depuis longtemps, ma fascination procède aussi de ce qu’une prison dit d’une société. Je pense qu’une prison est le miroir de la société qui l’a construite, et qu’au Danemark comme dans plusieurs territoires européens, il ya ce conflit entre ce qui relève de la rationalité et de l’émotion, et des gens humanistes confrontés à cette rationalité.

Nous sommes des créatures faites d’émotion, et le conflit qui existe entre la réhabilitation et la punition reflète qui nous sommes profondément. C’est un paradoxe très intéressant, cette institution pénitentiaire qui essaye à la fois de punir et de réhabiliter.

Ce sont ces deux points qui sont à l’origine de l’histoire de Sons, et nous avons rencontré assez tôt Babbet et nous l’avons écrite pour elle, c’est elle que nous avions à l’esprit.

Choisir une prison comme lieu, c’est assumer des contraintes. Par exemple, on ne voit quasiment jamais le ciel, il y a cette image au format carré…

Gustav Möller : Tout à fait. D’une manière générale, je travaille mieux avec des règles, des contraintes. Si je n’ai pas de limites, de cadre, honnêtement je trouve ça très difficile d’être créatif. Mais en ce qui concerne l’image, avec le directeur de la photographie, c’était une décision basée sur l’intuition, ce n’était pas une décision réfléchie, intellectualisée.

On est allés en pré-production à la prison, Babett le directeur photo et moi, elle a enfilé l’unifrome pour la première fois et on a essayé plusieurs formats et rations, et on a fait des essais toute une journée. C’était donc à l’intuition mais maintenant, en y repensant, je réalise que ça donne au spectateur la sensation d’une vision « tunnel ». Ce qui correspond je pense à l’expérience d’être emprisonné, vous n’avez jamais une vision « large » de ce qui se passe, et ça crée une tension, l’appréhension que quelque chose va vous surprendre par derrière, ou surgir d’une cellule, etc. Je pense que ça marche bien, parce que vous avez ce son à 360°, immersif, et cette image en « tunnel ».

Sidse, comment avez-vous incarné Eva ?

Sidse Babett Knudsen : Comme Gustav l’évoquait, elle a d’abord cette fibre humaniste, idéaliste, elle est vraiment cet exemple parfait et scandinave de la personne qui prend soin des autres. Mais comme ça devient très personnel pour, elle se confronte à ses sentiments et ses émotions, qu’elle avait enfouis, et ça devient incontrôlable.

Dès le début, j’ai eu cet instinct, l’idée qu’elle ne parle pas beaucoup. Elle n’est pas une personne « de mots », et qu’elle s’envisage un peu comme une nonne, qu’elle se pense comme n’ayant pas à formuler les choses.

On a développé ça ensemble, qu’en réalité sous son apparence très civilisée et polie, il y a un fonctionnement plus animal.

Gustav Möller : Je travaille très intuitivement, et je pense que que Sidse aussi.

Sidse Babett Knudsen : Plus j’adoptais cet état d’esprit, moins j’avais besoin ou envie de l’analyser elle et les différentes situations. J’essayais de repousser au loin tout aspect psychologique ou intellectuel, pour vraiment « sentir » le personnage » et arriver sur chaque nouvelle scène disponible pour tout ce qui pourrait arriver.

Ce qui a été assez nouveau pour moi, puisque sur tout ce que j’ai pu faire auparavant, où j’essayais d’analyser et d’avoir comme un plan de route. Tout a été très intuitif, et un des bénéfices des contraintes qu’on avait était que ça permettait une forme de continuité. On expérimentait au fur et à mesure et, d’une certaine manière, on en assumait les conséquences.

Gardez-vous en mémoire une séquence particulièrement difficile à mettre en scène ?

Sidse Babett Knudsen : Plusieurs séquences ont été complexes, parce que les cellules sont très petites, donc tourner dedans était un challenge. Il y a une bagarre, très violente, et c’était d’autant plus difficile dans un si petit espace. C’est une scène explosive, très physique et investie émotionnellement… C’était presque embarrassant (rires).

L'autre personnage est Mikkel, incarné par Sebastian Bull Sarning, comment avez-vous travaillé ensemble ?

Gustav Möller : Le casting a été une très grosse partie du travail, et à l’inverse de Sidse on a beaucoup cherché pour le personnage de Mikkel. On a testé quasiment tous les acteurs danois de 20-30 ans. J’avais une idée très précise, je voulais quelqu’un de très masculin et très dangereux, mais aussi enfantin. Et ça devait être crédible, authentique. Sebastian est un mélange authentique de tout ça.

C’est quelqu’un de très sympa et de très doux, il n’a pas cette violence ou cette noirceur, mais il a un côté brut et une forme de pureté… Je pense que c’est un acteur très courageux et qu’il est prêt à explorer et à lâcher prise au moment d’aborder la dimension violente de son personnage. Je pense que le trouver a été ma tâche la plus difficile pour Sons.