"Impitoyable" marque les adieux de Clint Eastwood au western. Un chef d’œuvre qui le consacre en tant qu’auteur et lui permet de faire son premier triomphe aux Oscars. Pourtant, le cinéaste et comédien a bien failli voir ce projet qu’il affectionne énormément lui échapper.
Impitoyable : l’ultime western de Clint Eastwood
Dédié à Sergio Leone et Don Siegel, qui l’ont notamment dirigé dans Pour une poignée de dollars et Les Proies, Impitoyable marque les adieux de Clint Eastwood au genre qui l’a révélé. Un western où "les bons ne sont pas complètement bons et les méchants pas complètement méchants", comme aime le dire le réalisateur de Million Dollar Baby.
Cette ambiguïté passe avant tout par le personnage de William Munny, incarné par Clint Eastwood en personne. Connu pour ses méfaits d’une cruauté sans nom, cet ancien tueur affirme avoir changé grâce à sa défunte épouse et élève leurs deux enfants dans un paysage isolé. Lorsque le Schofield Kid, un jeune homme qui se revendique comme un as de la gâchette, vient toquer à sa porte pour lui proposer de tuer deux cow-boys ayant tailladé une prostituée, Munny refuse dans un premier temps.
Mais voyant sa porcherie faire faillite, l’assassin repenti finit par accepter et propose à son ancien partenaire Ned Logan (Morgan Freeman) de l’accompagner. Débute un voyage vers la ville de Big Whiskey, dans le Wyoming, où le shérif Little Bill Daggett (Gene Hackman) fait régner la loi avec sadisme.
Sorti en 1992, Impitoyable est centré sur un protagoniste incapable de trouver la paix, hanté par des péchés sur lesquels il refuse de s’épancher. Face à lui se dressent des individus qui tentent de façonner leur propre légende en se vantant d’être de redoutables tueurs, et pensent être dans leur droit en commettant des horreurs. Des personnages complexes qui collent parfaitement à l’univers de sa tête d’affiche. Le cinéaste reviendra par la suite à des thématiques similaires avec Mystic River, Mémoires de nos pères ou encore Gran Torino.
Un parrain du septième art déjà sur le coup
Pourtant, Clint Eastwood a bien failli ne jamais pouvoir mettre en scène Impitoyable. Au début des années 80, David Webb Peoples, connu pour avoir travaillé sur Blade Runner, signe un scénario qui circule sous les noms de The Cut-Whore Killings et The William Munny Killings. Le script parvient jusqu’à Malpaso, la société de production du réalisateur et acteur. Mais elle le refuse, comme il le raconte :
Impitoyable, alias The William Munny Killings, avait été rejeté par la scripte, une femme qui travaillait pour moi, qui estimait qu’il était terriblement violent et n’avait aucune qualité. Environ un an plus tard, quelqu’un d’autre m’a suggéré de regarder le scénario pour son auteur, David Peoples. Le script n’était pas disponible, mais son auteur était très bien considéré. En le lisant, je l’ai trouvé incroyable. J’ignorais que ma société de production l’avait déjà refusé.
Quand Clint Eastwood découvre le scénario de son futur long-métrage, Francis Ford Coppola a posé une option dessus. Deux jours seulement après l’expiration de cette dernière, il en prend une à son tour, désireux de ne pas voir ce projet extrêmement prometteur lui passer sous le nez.
Un résultat qui valait bien une longue attente
Tenant le script entre ses mains en 1983, le cinéaste préfère attendre avant de se lancer dans la réalisation d’Impitoyable. Il estime ne pas être suffisamment âgé pour prêter ses traits à William Munny. En 1992, Clint Eastwood a 62 ans lorsque le film sort, tandis que son personnage approche de la quarantaine dans le scénario. Il s’agit d’ailleurs de l’un des rares écarts au travail de David Webb Peoples.
Conscient du potentiel de ce projet, l’interprète de l’inspecteur Harry le garde donc au chaud pendant plusieurs années, et travaille sur des œuvres mémorables comme Pale Rider, le cavalier solitaire, Chasseur blanc, cœur noir ou Bird. Il aurait d’ailleurs assuré à l’historien du cinéma Richard Schickel :
C’était quelque chose que je pouvais thésauriser et garder, un peu à la manière d’une jolie petite montre en or. (…) C’est comme lorsqu’on a quelque chose de bon dans son assiette et qu’on se dit : ‘Je le mangerai en dernier’.
Clint Eastwood voit juste. Impitoyable fait un triomphe et le consacre enfin comme un auteur. Le long-métrage est récompensé par quatre Oscars : Meilleur film, Meilleur réalisateur, Meilleur montage et Meilleur acteur dans un second rôle pour Gene Hackman.