Ce soir Arte diffuse "Insomnia", le thriller fascinant de Christopher Nolan porté par un excellent Al Pacino et un Robin Williams à contre-emploi. Retour sur la rencontre de ces deux immenses acteurs.
Al Pacino chasse Robin Williams dans Insomnia
Insomnia (2002) est peut-être un des films les moins évoqués lorsqu'il est question de mettre en avant la filmographie de Christopher Nolan. Pourtant, avec ce long-métrage le cinéaste a proposé un thriller fascinant et offert à Robin Williams probablement son rôle le plus étonnant. Quand on pense à l'acteur, ce sont surtout ses comédies et son sourire chaleureux qui viennent à l'esprit. Quelle surprise donc de le voir ici en tueur froid.
Pour rappel, Insomnia se déroule en Alaska où Will Dormer (Al Pacino) et son coéquipier Hap (Martin Donovan) doivent enquêter sur le meurtre sordide d'une adolescente. Sur place, Will est rapidement désorienté car en cette période de l'année le soleil ne se couche pas. En proie à des insomnies (liées aussi à une culpabilité révélée par la suite), il commet l'irréparable lors d'une course poursuite avec le tueur en tirant sur la mauvaise personne. Il va alors s'enfoncer dans le mensonge pour tenter de se couvrir. Mais devra faire face aux menaces du tueur, seul témoin de son acte, et à la suspicion d'Ellie Burr, une policière locale solidement interprétée par Hilary Swank.
Bien que le film se concentre sur Will, porté par un Al Pacino comme toujours excellent, la présence de Robin Williams reste mémorable. Lorsque les deux hommes se retrouvent enfin face à face, la surprise est grande pour le spectateur qui découvre le comédien dans le plus grand des calmes, inquiétant et impassible, qui suit une logique précise. C'est justement ce contraste entre le personnage et son interprète qui avait plu à Christopher Nolan et son producteur Andrew A. Kosove.
Deux méthodes différentes
De plus, pour Al Pacino et Robin Williams, ce fut la rencontre de deux opposés. Chacun ayant une méthode de travail bien différente. Le premier étant, d'après Christopher Nolan, plus en retrait sur un plateau pour se concentrer et rentrer dans son rôle, tandis que le second avait plus tendance à faire rire l'équipe. Deux opposés qui fonctionnent parfaitement dans Insomnia grâce au talent de ces acteurs, expliquait le réalisateur (via Allociné) :
Ce qui me frappe chez ces deux grands acteurs, c'est leur capacité à se renvoyer la balle, à interagir de façon aussi constructive à partir de méthodes de travail radicalement différentes.
Sur le tournage d'Insomnia, le respect entre Al Pacino et Robin Williams était évident. L'un et l'autre se renvoyant des compliments, que ce soit en interview ou dans un bonus du DVD, lors d'une discussion entre Christopher Nolan et Al Pacino.
L'intervention décisive de Steven Soderbergh
Le résultat de ce thriller glaçant, marqué par la lumière vive de l'Alaska (en contraste par exemple avec le sombre et poisseux Seven) a permis au cinéaste de se faire définitivement une place à Hollywood. Cela également grâce à l'intervention de Steven Soderbergh, grand fan du film précédent de Christopher Nolan, Memento (2000). C'est lui qui alla convaincre certains pontes de chez Warner Bros. pour qu'ils acceptent de rencontrer le réalisateur britannique. En effet, l'un des patrons du studio avait détesté Memento et ne voulait pas entendre parler de Christopher Nolan. Mais Soderbergh insista sur sa mise en scène de qualité.
Suffisant pour organiser une réunion et que le studio se décide à lui confier la réalisation de ce remake du film norvégien d'Erik Skjoldbjærg sorti en 1997 et porté par Stellan Skarsgård. Avec Insomnia, Christopher Nolan dépassa pour la première fois les 100 millions de dollars de recettes au box-office mondial et entama une longue collaboration avec Warner Bros., de huit films, avant de rejoindre Universal pour Oppenheimer (2023).