Après le succès "Antoinette dans les Cévennes", la réalisatrice Caroline Vignal retrouve Laure Calamy pour "Iris et les hommes". On a rencontré Caroline Vignal et l'acteur Vincent Elbaz, qui joue le mari d'Iris dans cette comédie romantique enlevée.
Quel a été le point de départ d'Iris et les hommes ?
Caroline Vignal : Tout part d'une soirée avec une amie qui, après une séparation, s'était inscrite sur une application de rencontres. Elle m'a tout raconté pendant cette soirée, et elle m'a dit : "c'est la cité des hommes", en référence au film de Fellini La Cité des femmes. Et elle m'a aussi dit : "It's raining men". J'avais donc ces deux titres, et je me suis dit que ce qu'elle venait de me raconter constituait un film.
Si une femme de 25 ans m'avait raconté ça, ça ne m'aurait sans doute pas paru aussi intéressant. Mais il s'agissait d'une femme d'une cinquantaine d'années, plutôt bourgeoise, intellectuelle, qui n'avait pas forcément le profil attendu et qui allait fumer des joints avec des danseurs de flamenco l'après-midi. Ça apparaissait ubuesque venant d'elle, et j'y ai donc vu un film. Je suis rentrée chez moi, et je me suis inscrite sur une application pour mener ma petite enquête.
Est-ce que Laure Calamy dans le rôle principal était une évidence ?
Caroline Vignal : Au début non. J'ai mis un peu de temps pour trouver mon actrice parce que, connaissant bien Laure Calamy dans la vie depuis Antoinette dans les Cévennes, elle me paraissait un peu loin du rôle. Je pensais aussi à une femme un peu plus âgée. Et puis à un moment j'ai arrêté de nier l'évidence et je lui ai proposé le rôle.
Vincent, comment avez-vous rejoint le projet et incarné le rôle du mari d'Iris ?
Vincent Elbaz : J'ai reçu ce scénario et je l'ai adoré. Puis j'ai rencontré Caroline, qui m'est d'abord apparue complexe. Je dirais : mystérieuse. La première rencontre, je ne la cerne pas très bien. Mais dans ce métier, il faut faire confiance. Si en tant qu'acteur je ne peux pas faire confiance, je ne peux pas faire le film. J'ai donc fait confiance, aveuglément, et c'est comme ça que j'ai réussi à appréhender Caroline.
Caroline Vignal : Quand j'ai rencontré Vincent, j'avais du mal à caster ce rôle. J'avais du mal à savoir qui pourrait l'incarner. C'est un personnage en creux mais très important. Il faut comprendre pourquoi Iris va revenir vers lui, pourquoi elle fait tout ça, tout en gardant une part de mystère. Je me souviens qu'avec David Bertrand, le directeur de casting, on faisait des listes et c'était tout et n'importe quoi. On était perdus (rires). C'était plus simple pour les autres hommes. Quand j'ai rencontré Vincent, je n'étais donc pas sûre, mais une fois la décision prise c'est devenu fluide.
Vincent Elbaz : Quand elle m'a parlé de rôle en creux, j'ai compris qu'il fallait que je joue "fond de cours". Donc adapter mon jeu à celui de Laure, qui donne le ton, le tempo. J'ai pas tant travaillé le personnage comme j'aurais pu le faire d'habitude, en lui imaginant un passé, des activités, je ne sais pas ce qu'il fout derrière son ordinateur ! (rires). Ce qui m'intéressait, c'était les échanges avec Laure sous le regard de Caroline.
C'est dans la dernière partie d'Iris et les hommes que ce personnage "apparaît" vraiment, notamment lors d'une scène où il redevient objet de désir pour Iris. Comment s'est passé le tournage de cette scène ?
Vincent Elbaz : Caroline me dit "il faut que tu te déshabilles". Je me dis "ok ça je sais faire", donc je rentre et je me déshabille. Et elle me dit : "non, attends, c'est pas comme ça qu'on se déshabille..." C'était un moment très drôle ! Elle m'a donc dirigé pour que j'y mette de la sensualité. C'était assez intime comme direction d'acteurs, je devais devenir un objet de désir. Sans cependant en être trop conscient. Ce n'était pas simple, mais ça a été un bon moment.
Il y a aussi ce surprenant numéro musical, avec Laure Calamy qui chante et danse sur "It's raining men".
Caroline Vignal : Cette scène était un vrai pari. J'ai une passion pour la comédie musicale, et j'en ai écrit une il y a longtemps que je n'ai pas réussi à faire. Longtemps le titre du scénario a été "It's raining men". Je me disais régulièrement, "je pourrais faire une scène..." et puis je ne le faisais pas. Et un jour, une scénariste avec qui je travaillais m'a dit de l'écrire, alors j'ai adapté la chanson en français et ça a été un tel plaisir ! Pour Laure, ça a été un énorme travail, sur le chant, la danse, elle a énormément répété. On a commencé le tournage par cette scène et c'était génial à faire.
J'espère que le public comprend sa signification, que c'est un moment où ça y est, elle sort de chez un mec à Créteil et elle est heureuse. Et tout ça évidemment c'est dans sa tête. Ça permettait aussi de faire une ellipse pour suggérer qu'entre l'homme de Créteil et ce qu'on voit ensuite il y a eu d'autres rencontres.
La mise en scène d'Iris et les hommes prend en compte l'usage des smartphones, ce qu'on ne voit pas beaucoup au cinéma. Certains cinéastes y voient un obstacle à la narration d'une fiction, mais vous au contraire vous parvenez à l'intégrer totalement.
Je pense plutôt que ça permet de nouveaux récits, dont il faut s'emparer. J'ai beaucoup regardé la série Euphoria, qui m'a rassuré sur ce point. Il y a beaucoup de smartphones, que ce soit à l'image comme dans le récit, et c'est très bien fait. On vit tous avec ces appareils, et ça prend une place énorme. C'est intéressant ce qu'on fait avec, c'est un élément très présent mais aussi passionnant. Je ne peux plus comprendre qu'il n'y en ait pas dans les films, tant c'est devenu important.