Sorti en 2019, "J’accuse" de Roman Polanski a entraîné plusieurs polémiques, notamment parce qu'il a reçu le César de la Meilleure réalisation, mais également avant sa sortie en salles.
J’accuse : Polanski rafle les César
Sorti en 2019, J’accuse revient sur l’affaire Dreyfus. Pendant 12 ans, cette affaire a déchiré la France. Dans cet immense scandale, se mêlent erreurs judiciaires, déni de justice et antisémitisme. L’affaire est racontée du point de vue du Colonel Picquart qui, une fois nommé à la tête du contre-espionnage, va découvrir que les preuves contre le Capitaine Alfred Dreyfus ont été fabriquées. À partir de cet instant, il va tenter de dévoiler la vérité.
Emmené par Jean Dujardin, Louis Garrel, Emmanuelle Seigner, Melvil Poupaud, Mathieu Amalric ou encore Grégory Gadebois, le film a rencontré un énorme succès aux César 2020. Nommé à 11 reprises, J’accuse est reparti avec trois statuettes, dont celle de la Meilleure réalisation pour Roman Polanski. Une récompense qui a créé le scandale, notamment auprès de la comédienne Adèle Haenel, qui avait créé un tour de force en quittant la 45ème Cérémonie des César, outrée par le choix de l’Académie de récompenser Polanski.
Au moment de la sortie de J’accuse, Roman Polanski était visé par une nouvelle accusation de viol. Malgré ces graves allégations, le cinéaste a été protégé par l’industrie cinématographique française, qui a même décidé de récompenser le cinéaste pour son travail sur J’accuse.
L’affaire Polanski : ce qu’il faut comprendre
Roman Polanski a été accusé plusieurs fois, de viols et d’agressions sexuelles. En 1977, il est accusé de viol et d'abus sexuel sur une jeune fille de 13 ans, Samantha Geimer, lors d'une séance de photos à Los Angeles. Polanski a plaidé coupable de relations sexuelles illégales avec une mineure.
Mais avant sa condamnation, il a fui les États-Unis pour éviter une peine de prison potentiellement longue. Il s’est notamment réfugié en France. Malgré les années passées depuis l'affaire, Polanski n'a jamais été extradé vers les États-Unis. Et il continue de réaliser des films en Europe.
En plus de ces précédentes allégations, la photographe Valentine Monnier a raconté le 8 novembre 2019 au micro de Le Parisien, avoir été frappée et violée par Polanski en 1975 alors qu'elle était âgée de 18 ans. La photographe explique avoir été rouée de coups et violée par le réalisateur franco-polonais lors d’un séjour au ski en Suisse. Une révélation qui secoue encore une fois le cinéma français…
Le film est considéré comme de la provocation
Le gros problème avec J’accuse, c’est ce que raconte le film. Le récit se concentre sur des erreurs judiciaires et des faux-semblants… Alfred Dreyfus apparaît alors comme une sorte de représentation de l’artiste. Un homologue de Polanski, victime du système et d’erreurs procédurales.
Certains y voient donc Roman Polanski qui se met lui-même en scène dans J’accuse, arguant son innocence face à une justice corrompue. Dans une interview, le réalisateur compare même l'acharnement dont a été victime Dreyfus à celui que lui-même aurait subi. Une provocation qui, forcément, n’a pas laissée indifférent.
Valentine Monnier s’interroge alors dans Le Parisien sur l’existence de ce film. Sur l’inactivité de la justice et des autorités à l’égard du cinéaste :
Est-ce tenable, sous prétexte d'un film, sous couvert de l'Histoire, d'entendre dire J'accuse par celui qui vous a marquée au fer. Alors qu'il vous est interdit, à vous, victime, de l'accuser ?
Une réflexion partagée par une majorité. Et notamment par la comédienne Adèle Haenel, féministe engagée, qui a quitté la salle des César lorsque Roman Polanski (absent ce soir-là) a reçu le César de la Meilleure réalisation.
Un appel à boycott
Avant sa sortie en salles, J’accuse se retrouve alors au milieu d’une polémique sociale et politique. La promotion du film est impactée, de nombreuses interviews sont décommandées, annulées, soit par la presse, soit par les comédiens. Roman Polanski se fait très discret et n’apparaît pas en public. Lorsque J’accuse sort au cinéma, le film est au centre d’un appel à boycott massif de féministes.
Des gens défilent devant les cinémas pour dénoncer les actes du réalisateur et pousser les spectateurs à boycotter le film. Par exemple, une quarantaine de militantes avaient bloqué une avant-première au cinéma Le Champo dans le 5ème arrondissement de Paris.
En donnant de l'argent à ce genre de mec, vous leur permettez de continuer ! Vous lui donnez du pouvoir ! En allant voir son film vous faites en sorte que ce soit un cinéaste respecté. C'est scandaleux !
a expliqué une militante à Franceinfo . Au bout d'une heure de protestation, le cinéma parisien a fini par annuler la projection. Un hashtag avait même été créé à l’époque pour l’occasion : #BoycottPolanski.