Au début des années 80, alors qu'il se trouvait à l'aéroport de Nice, "James Bond" - qui avait alors les traits de Roger Moore -, a vu un petit garçon s'approcher de lui pour un autographe. Vingt ans plus tard, ils se recroisent...
Roger Moore, 007 à jamais
Incarner James Bond, c'est accéder à l'immortalité dans l'histoire du cinéma. Que l'on ait fait sept films ou un seul, qu'on soit le préféré du public ou pas, être 007 est la garantie d'une célébrité mondiale et d'un statut légendaire. Ainsi, s'il n'atteint pas les sommets auxquels sont Sean Connery et Daniel Craig, Roger Moore est néanmoins avec ses sept films 007 sortis entre 1973 et 1985, un des visages les plus appréciés de l'agent secret.
À son sujet, le scénariste anglais Marc Haynes a un récit personnel très touchant sur l'acteur britannique, qui se déroule en deux moments, espacés de plus de vingt ans. Une double rencontre que tout fan de James Bond rêverait d'avoir vécue. Marc Haynes a posté sur les réseaux son récit en mai 2017, le jour de la disparition de Roger Moore, et c'est sans doute un des plus beaux hommages qui aient été rendus à l'acteur.
"Blofeld pourrait savoir que je suis passé par là"
J'avais sept ans, vers 1983, avant l'existence des salons de première classe, et j'étais à l'aéroport de Nice avec mon grand-père quand j'ai vu Roger Moore assis à l'embarquement, en train de lire. J'ai dit à mon grand-père que je venais de voir James Bond et je lui ai demandé si on pouvait aller le voir pour un autographe.
Mon grand-père n'avait aucune idée de qui était James Bond ou Roger Moore, alors on s'est approchés et il m'a placé en face de Roger Moore et a dit : "mon petit-fils dit que vous êtes célèbre. Vous pouvez signer ça ?".
Charmant comme on pourrait s'y attendre, Roger demande mon nom et signe généreusement au dos de mon billet, avec ses meilleurs voeux. Je suis aux anges, mais alors qu'on rejoint nos fauteuils, je jette un oeil à la signature, difficile à déchiffrer, mais qui très clairement n'est pas "James Bond." Mon grand-père regarde et voit que c'est "Roger Moore". Je n'ai aucune idée de qui est "Roger Moore". Et je suis effondré. Je dis à mon grand-père qu'il s'est trompé, qu'il a mis le nom de quelqu'un d'autre. Alors mon grand-père est retourné le voir.
Je me rappelle rester à mon fauteuil et entendre mon grand-père dire : "il dit que vous vous êtes trompés de nom. Il dit que votre nom est James Bond. Roger Moore a eu une expression de révélation sur son visage, et il m'a fait signe d'approcher. J'étais près de son genou, il s'est penché vers moi, a regardé à droite et à gauche, levé un sourcil et murmuré :
Je dois signer en tant que Roger Moore, parce que sinon... Blofeld pourrait savoir que je suis passé par là.
Il m'a demandé de ne dire à personne que j'avais rencontré James Bond, et il m'a remercié de garder ce secret. Je suis retourné à mon fauteuil, étourdi de bonheur.
Mon grand-père m'a demandé s'il avait signé "James Bond". J'ai dit non. Que je m'étais trompé. Je travaillais avec James Bond maintenant.
Roger Moore joue le jeu
Bien des années plus tard, je travaillais comme scénariste pour un enregistrement avec l'UNICEF, et Roger Moore était là en tant qu'ambassadeur. Il était charmant et pendant que les cameramen se mettaient en place, je lui ai raconté l'histoire de notre rencontre à Nice. Il était heureux de l'entendre, a gloussé un instant et dit : "Eh bien, je ne m'en souviens pas, mais je suis heureux que tu aies rencontré James Bond." C'était sympathique de sa part.
Mais il a ensuite fait quelque chose de brillant. Après l'enregistrement, il est passé dans le couloir pour aller vers le parking. Mais arrivé à mon niveau, il s'est arrêté, a regardé à droit puis à gauche, a levé un sourcil et m'a murmuré :
Bien sûr que je me souviens de notre rencontre à Nice. Mais je n'ai rien dit avant, parce que ces cameramen... n'importe lequel d'entre eux pourrait travailler pour Blofeld.
J'étais aussi heureux à trente ans que je l'avais été à sept. Quel homme. Quel homme formidable.