Pour son très réussi "Je verrai toujours vos visages", où un casting composé notamment de Leïla Bekhti, Gilles Lellouche et Adèle Exarchopoulos porte une bouleversante histoire d'humanité, Jeanne Herry s'est inspirée de faits réels, tout particulièrement pour un de ses personnages.
Je verrai toujours vos visages, le respect du réel
Sorti en 2023, Je verrai toujours vos visages, réalisé par Jeanne Herry, est une des belles réussites du cinéma français de l'année. Sur un sujet de société aride, celui de la justice restaurative, la réalisatrice réussit un récit à la fois émouvant et haletant. La volonté d'authenticité de son dispositif - la confrontation volontaire entre des victimes de délits et de crimes et des détenus incarcérés pour des délits et des crimes du même type - donnait des contraintes évidentes : ne pas montrer les crimes en flashbacks - excepté pour l'histoire du personnage d'Adèle Exarchopoulos - et se consacrer sur le temps présent du dialogue.
La grande réussite de Je verrai toujours visages est ainsi là : faire apparaître les situations par les mots que les victimes et les détenus essayent douloureusement de mettre sur ce que les premières ont vécu et sur ce que les seconds ont commis, avec le respect du discours qui interdit l'artifice de cinéma.
Je verrai toujours vos visages est une fiction, mais qui s'ancre profondément dans la réalité de notre société. Avant tout, la justice restaurative est bien une réalité, une démarche pénale de réparation mise en oeuvre par des associations d'aide aux victimes et le SPIP, le Service pénitentiaire d'insertion et de probation. Et pour écrire les histoires au coeur de son film et les mettre en scène, Jeanne Herry s'est en partie inspirée de témoignages et de faits réels.
Une histoire authentique pour un des personnages du film
Le travail de recherche et de documentation, travail incluant aussi des rencontres pour recueillir des témoignages, a été important pour Je verrai toujours vos visages. Jeanne Herry nous l'avait ainsi confiée lors de la sortie du film au cinéma :
Il y a évidemment une large influence des témoignages que j'ai reçus, forcément, sur les témoignages des victimes, sur les différents types d'agressions, sur les répercussions différentes que ça a sur la vie des gens. (...) Il y a vraiment un personnage qui est inspiré très fidèlement d'une personne que j'ai rencontrée dans le cadre de mes recherches, c'est celui qui est incarné par Leïla Bekhti, le personnage de Nawelle. J'ai vraiment repris son agression, les circonstances de son agression, les très lourdes répercussions sur sa vie, et puis comment cette participation à un dispositif de justice restaurative l'a débloquée, et pourquoi.
Une expérience libératrice
Dans Je verrai toujours vos visages, Leïla Bekhti incarne une femme détruite par l'agression subie lors d'un braquage dans le supermarché dans lequel elle travaillait. Cette histoire est véridique, vécue comme on la découvre dans le film. France Bleu avait ainsi recueilli le témoignage d'Elisabeth, que Jeanne Herry a rencontrée, et qui est donc le personnage incarné par Leïla Bekhti. Cette "vraie" victime racontait :
Il restait quelque chose de très traumatisant à ça. Je me suis dit OK, c’est peut-être l’occasion d’enfin passer à autre chose et d’avoir des réponses surtout. (...) Je me disais, l'auteur qui est entré dans mon magasin connaît ma tête, il va me reconnaître, il peut me faire du mal à n'importe quel moment. Mais tous dans la salle ont été d'accord pour dire que dans la scène, la victime est floue. Et que s'ils devaient recroiser quelqu'un à qui ils ont fait du mal, ce serait eux qui changeraient de chemin de peur qu'on les reconnaisse. Je me suis rendu compte qu'eux devaient avoir peur, pas moi. Rien que ça, ça a été libérateur.
Des mots qu'on retrouve, parmi d'autres, dans la bouche du personnage de Leïla Bekhti dans Je verrai toujours dans vos visages. Qui s'est donc, au moins pour cette histoire précise, inspirée de faits et d'une personne tout à fait réels.