Tigres et Hyènes : "Avant B.R.I je n'aurais pas eu suffisamment d'expérience pour ce film"

Tigres et Hyènes : "Avant B.R.I je n'aurais pas eu suffisamment d'expérience pour ce film"

En attendant la saison 2 de "B.R.I" prévue sur Canal+, Jérémie Guez s'est offert le luxe de réaliser "Tigres et Hyènes" pour Prime Video. Le réalisateur nous parle de son quatrième long-métrage, un polar porté par Sofiane Zermani et Waël Sersoub.

Tigres et Hyènes : après B.R.I, place au braquage de Jérémie Guez

Voilà un moment qu'on suit le travail de Jérémie Guez. Remarqué d'abord comme auteur de romans et scénariste, il a fait ses débuts comme réalisateur avec l'efficace Bluebird (2020), avant de s'envoler aux États-Unis pour tourner Sons of Philadelphia (2021), pour lequel on le rencontra une première fois. Vint ensuite Kanun, la loi du sang (2022) un polar romantique marqué par les présences de Waël Sersoub et Tuğba Sunguroğlu. Reste que ces trois longs-métrages, que Jérémie Guez considère comme trois premiers films, ont touché un public restreint. La donne a changé lorsqu'il a proposé B.R.I (2023), la série à succès de Canal+ qui reviendra prochainement pour une saison 2.

Mais avant de retrouver les membres de la Brigade de Recherche et d'Intervention de Versailles, Jérémie Guez s'est permis d'aller réaliser Tigres et Hyènes, un nouveau polar musclé, cette fois pour Prime Video (le 22 novembre). On y retrouve Waël Sersoub (troisième collaboration avec le réalisateur après Kanun et B.R.I) dans le rôle d'un petit trafiquant dont le beau-père braqueur vient d'être arrêté. Venu d'Espagne, Malik revient en France pour soutenir sa mère. Seulement, aux côtés de son beau-père se trouve sur le banc des accusés un homme puissant. Par le biais de son avocate, ce dernier convainc Malik de s'associer à Avi (Sofiane Zermani) pour orchestrer leur évasion.

Avec Tigres et Hyènes, Jérémie Guez construit ce film de braquage/évasion autour de deux scènes d'action. Un braquage sur le périph, et la fameuse évasion dans le Palais de justice de Paris. Deux séquences complexes à tourner et avec peu de temps. Car même s'il avait écrit une première version du scénario de Tigres et Hyènes à la fin du tournage de son deuxième long-métrage, le réalisateur ne disposait que d'un court créneau pour mettre en boîte ce film, avant de s'attaquer à la suite de B.R.I. Rencontré lors de la promotion du film, Jérémie Guez revient avec nous sur ses difficultés, ses choix de mise en scène et son expérience acquise sur B.R.I.

Par le passé, tu m'avais présenté tes trois précédents longs-métrages comme des premiers films. Qu'en est-il pour Tigres et Hyènes ?

Là ce n'est vraiment pas un premier film (rires). Tigres et Hyènes, c'est gros, il y a beaucoup de personnages, des gros décors, des très grosses scènes d'action... Donc j'ai eu moins le sentiment d'expérimenter sur ce film. Par contre, il a fallu mener des batailles tous les jours.

Comme pour le premier plan du film ? Il s'ouvre avec la caméra posée à l'arrière d'une voiture qui roule sur le périph. Le genre de plan qui n'est pas anodin et qui marque le spectateur.

Exactement. Pour avoir cette accroche, j'ai vraiment galéré. Cela faisait des années que je voulais faire ce plan. Le genre de choses qu'on faisait pas mal dans les années 1960. On peut dire que c'est un truc personnel de geek complet, et pendant longtemps je me suis demandé si ça allait marcher. D'abord il fallait la bonne voiture pour avoir la caméra et la stabiliser. Donc j'ai changé de modèle par rapport à ce qui était indiqué au scénario. Je suis passé de Mercedes à BMW. Au final, je tire mon chapeau à Alexandre Chapelard et à son équipe, parce que j'ai bien fait chier tous les machinaux avec ce plan.

Tigres et Hyènes ©Prime Video
Tigres et Hyènes ©Prime Video

Dans un autre genre, il y a le mouvement de grue au début, quand la colonne du RAID rentre dans la chambre d'hôtel. Le fait de partir du chat par exemple, c'est vraiment quelque chose que je voulais faire, avec la grue, de cette manière. Le chef opérateur a trouvé un chat, on lui a mis à bouffer et c'était bon. Donc il y a un mélange de choses que je voulais faire depuis longtemps, et de bricolage le jour J. C'est aussi pour ça que je fais ce métier. Je n'ai pas de plan à long terme. Mais je me demande toujours ce qui m'amuse, ce qui m'a nourri, ce que je peux transformer, changer. Je ne sais jamais au début si ça va marcher ou pas.

J'imagine que l'expérience acquise sur B.R.I a aidé.

Sans aucun doute. Je ne sais pas si avant B.R.I j'aurais eu suffisamment d'expérience pour pouvoir mener à bien ce film. C'est quand même le plus gros projet sur lequel j'ai bossé avant Tigres et Hyènes, en termes d'ampleur et de moyens. C'est sûr qu'on revient renforcé après la saison 1 de B.R.I. Mais, en termes de mise en scène, même si les gens ne le verront pas forcément, c'est quand même très différent. B.R.I a une forme très libre avec que de la caméra à l'épaule. Là, c'est l'inverse, il n'y a pas un plan à l'épaule, mais des travellings, de la dolly... C'est une machinerie plus classique, plus traditionnelle à l'échelle de l'histoire du cinéma.

Pourquoi ces choix de mise en scène ?

Le fait d'être avec une bande assez contemporaine, je ne voulais pas avoir des mouvements de caméra qui soient trop connotés "modernes". Je voulais vraiment revenir, au niveau de la mise en scène au moins - pas dans le montage ou le découpage -, à quasiment un film des années 1940. J'avais envie de revenir au film de casse de ces années, jusqu'aux années 1960, en réfléchissant à ce qu'est la boîte à outils d'un point de vue technique. La différence, c'est qu'on fait des plus grosses grues maintenant et un peu plus stables. Sinon c'est la même philosophie.

Pour rester sur la technique, tu peux me parler des deux grandes scènes d'action autour desquelles se construit Tigres et Hyènes ?

La première scène (le braquage dans le tunnel du périphérique, ndlr) a été hyper compliquée, dès la préparation. Il y a toutes les voitures sur le périf, il faut tout bloquer, faire avancer et reculer 100 voitures, les remettre en place... C'est l'horreur ! Je ne sais même pas comment on a fait. D'ailleurs je n'arrive pas à prendre du plaisir en regardant la scène, parce que j'ai vraiment un truc d'angoisse du tournage qui remonte. Techniquement, c'était une telle galère et un vrai casse-tête.

Tigres et Hyènes ©Prime Video
Tigres et Hyènes ©Prime Video

Pour la deuxième (l'évasion dans le palais, ndlr), le plus compliqué venait des décors. On n'avait pas les lieux longtemps alors qu'il y a des grosses cascades. J'ai surtout eu de l'inquiétude pour tourner le passage où un cascadeur tombe d'une fenêtre. Je trouvais ça haut et je voulais qu'il tombe sans bien se réceptionner, donc c'était hyper risqué. Les cascadeurs s'entraînaient encore et encore, refaisaient des tests... Je me suis dit : "Putain, j'espère que personne ne va se blesser". Donc il y a eu un gros stress lié aux conditions et aux risques, et au peu de temps de tournage. Mais le tunnel, ça reste un cauchemar intellectuellement.

Avant d'arriver à ces moments, tes personnages passent par un entraînement intensif. Toute proportion gardée, cela rappelle la préparation de Val Kilmer pour Heat, ou celle de Keanu Reeves pour John Wick. Sauf que là, le making of est dans le film en quelque sorte.

J'ai toujours bien aimé voir les footages de préparation dont tu parles. Pour B.R.I, j'en ai fait pour pouvoir guider les acteurs quand il n'y avait pas les conseillers techniques. Donc c'est un boulot et j'ai toujours bien aimé dans les films quand il y a un sens du détail, que ce soit vrai ou faux, parce que ça participe au côté immersif et à la cosmogonie du film. Je suis très preneur d'un film sur un cuisinier qui va donner une recette, qui peut être fausse, mais qui m'a eu.

Et je pense vraiment que quand les acteurs doivent s'infliger physiquement quelque chose comme ça, Il y a quand même un truc en plus. Surtout quand ça concerne les armes. Parce que si on enlève le côté passionné ou la représentation liée à la mort et au côté létal, ça reste des outils. Comme quelqu'un qui a des couteaux de cuisine chez lui. Il ne panique pas en les prenant, même si une mauvaise manip ou une manipulation délibérée, devient létal tout autant. Je voulais que les armes deviennent ça pour les personnages.

Enfin, quelle pertinence y a-t-il selon toi à faire un film comme Tigres et Hyènes aujourd'hui ?

En fait, je le fais parce que c'est complètement anachronique et pas du tout pertinent. Personne n'attend ça ou veut ça, d'une certaine manière. Mais je pense que c'est un genre qui manque aux gens. Un genre assez cruel parce que, soit les films sont vraiment des nanars complets faits avec peu de moyens, soit les films deviennent cultes. D'ailleurs c'est un genre qui est à la fois vénéré des cinéphiles et qui, en même temps, peut être grand public. Moi, ça me manque au cinéma des films transverses qui peuvent réunir des gens qui ont des goûts très pointus et des gens qui le prennent comme du pur divertissement.

Même si, cette année, j'ai l'impression qu'il y en a eu un peu, sinon, dans les derniers films de braquages, il y a peut-être The Town que tout le monde aime bien j'ai l'impression. Cela va avec ma personnalité en tout cas. Il y a un pan de moi qui est attaché à des choses très pointues et assez confidentielles, et en même temps je trouve qu'il n'y a rien d'aussi fort que des grandes fresques qui embarquent tout le monde. C'est même plus dur à faire que des petits films pointus, quoi qu'on en dise.

Tigres et Hyènes est disponible sur Prime Video à partir du 22 novembre 2024.