StudioCanal sort une nouvelle édition physique de "Jeux interdits" (1952). Un combo DVD+Blu-ray qui permet de (re)découvrir ce classique du cinéma français et d'en savoir plus sur le cinéma passionnant de René Clément.
Le cinéma de René Clément
Le cinéma de René Clément (1913-1996) a en grande partie traité de deux thématiques : la France sous l'occupation et le monde de l'enfance. Ses premiers films se déroulaient durant la Seconde Guerre mondiale, comme La Bataille du rail (1946), Le Père tranquille (1946) ou encore Au-delà des grilles (1949), sans oublier Paris brûle-t-il ? (1966) qu'il réalisa bien plus tard. Pour l'enfance, Au-delà des grilles et Gervaise (1956) lui ont permis de l'aborder avec des personnages secondaires. Tandis que les dernières années de la carrière du réalisateur l'ont vu à nouveaux confronter le monde des enfants et celui des adultes de manière originale.
Dans Le Passager de la pluie (1969), Marlène Jobert y joue une femme agressée et violée à son domicile, et l'interprète de manière enfantine pour aller plus loin dans le trauma subit. Dans La Course du lièvre à travers les champs (1972), lors d'une scène, la bande de truands au centre du récit se réunit autour d'une table et observe l'un d'entre eux qui joue à superposer des cigarettes. Puis, lors d'une fusillade finale, une sorte de flashback renvoi tout ce monde à une période d'enfance où les jeunes encore innocents jouaient aux gendarmes et aux voleurs.
Jeux interdits (1952) est l'œuvre de René Clément qui combine le mieux ces deux thématiques chères au réalisateur. Pour cette raison, le documentaire inédit de Dominique Maillet, René Clément, l'impossible deuil de l'enfance, apparaît comme le bonus le plus pertinent des suppléments qui accompagnent la nouvelle sortie du film dans un coffret combo DVD+Blu-ray. Durant une heure, plusieurs intervenants - comme le réalisateur Jean-Charles Tacchella, l'assistant réalisateur Pierre Lary ou encore les historiens du cinéma Noël Herpe et Jean Ollé-Laprune - racontent le parcours de René Clément et témoignent de l'importance de Jeux interdits.
Jeux interdits, ou l'enfance loin des préoccupations des adultes
Ceux qui n'auraient pas une grande connaissance du réalisateur, apprendront par ce documentaire comment le cinéma de René Clément est parvenu à épouser l'air du temps dès les premières années de sa carrière. Tout en consacrant ses films à la période de la Seconde Guerre mondiale, le cinéaste l'a fait en gardant une certaine distance par rapport aux événements, allant souvent relativiser le spectaculaire pour rester à hauteur d'homme. Sa vision du monde nihiliste se ressentait par ses représentations de "l'Homme impuissant, se contentant de regarder passer le train de l'histoire en restant sur le quai".
Jeux interdits, aborde cela en se mettant plus précisément à hauteur d'enfants. Pour rappel, le film débute par des bombardements de juin 1940 responsables de la mort des parents de Paulette. La jeune fille de cinq ans se retrouvant soudain seule, elle erre dans la campagne avant de croiser Michel, un garçon de onze ans qui décide de la ramener à sa famille de paysans. Tous les deux vont nouer une amitié forte et échapper à l'horreur du moment grâce à leur imaginaire. Ainsi, même si la guerre et ses conséquences sont claires pour le spectateur, ces enfants imaginés par René Clément restent loin des préoccupations des adultes.
Les dessous du film dans une nouvelle édition DVD+Blu-ray
Lui-même, qui estimait ne pas avoir eu une enfance heureuse, avec une mère qu'il pensait qu'elle ne l'aimait pas, et un père mort quand il avait 20 ans, s'est retrouvé plongé dans le monde adulte sans le vouloir, obligé rapidement de travailler. Le cinéma sera son refuge, dès 1934, grâce à sa rencontre de Jacques Tati avec qui il commença à travailler avant de réaliser son premier court-métrage, Soigne ton gauche, en 1936.
L'absence de père et de repères dans son cinéma s'expliquent ainsi, comme en témoignent les intervenants du bonus DVD. Un supplément accompagné d'Amours enfantines sous l'occupation (31min), centré sur les origines du film et son tournage, avec notamment des interventions de Brigitte Fossey (une interview similaire à une autre présente sur l'édition DVD de 2006).
Le début et de la fin alternatifs sont aussi à découvrir dans les suppléments de Jeux interdits. Mais au-delà des bonus, le plaisir demeure encore aujourd'hui de (re)découvrir en qualité Blu-ray cette œuvre bouleversante et traumatisante pour celles et ceux l'ayant vue trop jeune. Un film mémorable, récompensé du Lion d'or à la Mostra de Venise en 1952 et Oscar du meilleur film étranger en 1953, et qui révéla les jeunes Georges Poujouly et Brigitte Fossey.
Jeux interdits est disponible depuis le 6 novembre en combo DVD+Blu-ray au prix de 24,99€.