Dans un grand entretien donné au magazine Première, l'auteur de "Kaamelott" Alexandre Astier évoque le film à venir, son rapport à cette création qu'il a définie, comme elle l'a aussi défini en tant qu'artiste aujourd'hui. Sans spoiler, pour préserver secrète une intrigue qu'on pourra découvrir le 25 novembre 2020 au cinéma, il se livre sur la mythologie "Kaamelott", immense création destinée à rester unique dans le paysage français.
Prévu le 25 novembre 2020 au cinéma, Kaamelott - Premier volet est le retour à l'écran (le grand cette fois-ci) du roi Arthur et de ses chevaliers. Un film attendu depuis très longtemps, et dont l'attente est nourrie par l'impatience d'une vaste et très solide communauté de fans. Dans notre pays où la fan attitude est relativement rare, il faudrait se tourner vers les États-Unis ou les pays asiatiques pour trouver un équivalent d'une communauté aussi dévouée, exigeante et impatiente, très active en ligne et faisant vivre cette mythologie avec une rigueur exemplaire. Point la peine donc de revenir sur la monumentale série Kaamelott, diffusée entre 2005 et 2009 et passée de pastille remplaçant Caméra Café à série au format "standard" diffusée en prime, avec records d'audience à la clé.
Son auteur Alexandre Astier, qui écrit, réalise, compose aussi la musique et joue le roi Arthur, n'est pas friand de la promotion ni des médias en général, et garde jalousement tous les secrets attachés à son film, le premier de la trilogie prévue. Mais pour le magazine Première, en exclusivité dans le numéro de septembre 2020, il a accepté d'évoquer le film Kaamelott, en disant peu sur sa fabrication mais un peu plus sur son intention et sur son rapport à sa création devenue légendaire.
Kaamelott, une oeuvre pour le cinéma
S'il avait eu le choix, en 2005, peut-être qu'Alexandre Astier se serait tourné vers le cinéma plutôt que vers la télévision avec un format très court (3'30 par épisode pour les quatre premières saisons). Mais il n'a pas eu le choix, et l'histoire s'est déroulée ainsi et elle n'en est que plus belle. La trilogie annoncée au cinéma vient comme une suite logique, après les épisodes de la série et plusieurs BD publiées. Création originale célébrée par tous et partout, Kaamelott est aujourd'hui un réel univers étendu, et c'est un cas plutôt unique en France. Alors, quand on lui pose la question du passage de la série au format cinéma, rien ne lui semble plus naturel :
Le fait d'écrire des tranches de vie de trois minutes pour la télé, c'était quand même une drôle de façon de raconter une saga. C'était inédit, intéressant, c'était une belle manière de présenter les choses, mais au bout d'un moment, il fallait changer. Aujourd'hui, quand je vois les images du film, je me dis que Kaamelott était fait pour le cinéma. C'est là sa vraie place.
En déplaçant ses personnages des pièces du château et de la Table ronde à des lieux exotiques, dans un monde élargi, y avait-il le risque de perdre le langage Kaamelott ? Aucunement selon Alexandre Astier, qui y voit plutôt la possibilité d'augmenter l'expérience. Kaamelott étant originellement et longtemps une comédie, avant le virage dramatique des dernières saisons, plonger ses personnages ailleurs que sur leurs terres "d'origine" est excitant :
Tu mets les pieds dans le sable, dans la neige, sur la mer Rouge, tu donnes de l'air et des obstacles aux personnages, tu les mets en scène dans un monde trop grand pour eux. Surtout les personnages de comédie. Ce sont des gars qui ont affaire à un monde de dangers et qui ne sont pas suffisamment balèzes. Tous ces paramètres-là, oui, c'est mieux au cinoche.
Kaamelott, du tournage entre potes à la classe internationale
Auteur intelligent et secret, Alexandre Astier se garde bien de révéler quoi que ce soit qu'on n'aurait pas déjà vu dans la bande-annonce. Prêt à défendre son film, qu'il définit comme "remuant" et "feuillu", il le fait sans solennité. Et si son film accueille à son casting des grands noms comme Sting, Alain Chabat ou encore Clovis Cornillac, c'est en creux qu'Astier raconte une histoire de potes devenue bien plus que ça.
La base de Kaamelott, c'est l'envie de jouer avec certains mecs. De m'amuser avec des gars comme François Rollin. Ça a l'air un peu fainéant dit comme ça, mais je pense que le vrai boulot d'un auteur, c'est d'organiser l'amusement de ses comédiens. C'est quand ils s'amusent et qu'ils sont bons et qu'ils servent le mieux une histoire.
Alexandre Astier, plutôt George Lucas que David Schwimmer
Alexandre Astier n'est pas vraiment du genre à jouer au faux modeste ou à se mettre de manière inopportune en avant. Mais il est conscient de la valeur de sa création, et de tout le travail fourni. Créateur, scénariste, réalisateur, acteur et compositeur de la série, c'est avec une certaine exigence qu'il en parle et qu'il s'envisage. On peut donc accepter sur le principe la comparaison qu'il peut faire avec Star Wars ou encore Friends, expliquant que sa qualité de créateur irrémédiablement associé à son oeuvre l'empêche aujourd'hui, et il en est tout à fait heureux, de faire l'acteur ailleurs, voire dans l'immédiat de mettre en scène autre chose.
Quand tu as la chance de raconter une histoire qui est suivie, tu ne fais pas simplement des films, tu fais... autre chose... un autre métier qu'auteur ou metteur en scène... Est-ce que Lucas fait vraiment partie de la bande des réalisateurs ? Il est sur la photo avec Scorsese, Spielberg et la fine équipe, mais est-ce qu'il est critiquable au même titre qu'un metteur en scène normal ? Non. Le gars, il s'occupe de Star Wars. Il est celui qui sait...
Et, s'incluant dans cette réflexion à propos de ses acteurs de Kaamelott, qui incarnent des personnages devenus pour le pire et le meilleur des institutions, il ajoute :
Regardez la bande de Friends. Les six sont absolument géniaux. Mais ils sont où aujourd'hui ? Ils n'ont pas retapissé les films depuis, ils ne sont pas dans les Avengers... Pourtant ils savent tout faire. Si tu fais jouer un trafiquant à David Schwimmer, il va prendre un coup de hache, parce que c'est Ross, de Friends. C'est un peu dégueulasse, mais c'est comme ça. Pareil pour Mark Hamill. Comment faire jouer un avocat à Luke Skywalker ? C'est trop dur.
Dans l'attente de la sortie du film, et pour percevoir un peu plus les intentions profondes de son auteur, on recommande très fortement la lecture de cet entretien, dans le numéro de septembre 2020 du magazine Première.