La Chute : pourquoi l'incarnation d'Adolf Hitler par Bruno Ganz est la plus réussie

La Chute : pourquoi l'incarnation d'Adolf Hitler par Bruno Ganz est la plus réussie

Un historien s'est exprimé sur plusieurs films historiques mettant en scène des dictateurs. Il estime que la performance de Bruno Ganz dans "La Chute" est l'incarnation la plus aboutie d'Adolf Hitler, et explique pourquoi l'acteur suisse a réussi là où tant d'autres ont échoué.

La Chute, grand rôle de Bruno Ganz

En janvier 2005, les spectateurs français découvrent les derniers jours d'Adolf Hitler dans le film allemand La Chute. Dans ce drame historique d'Oliver Hirschbiegel, c'est le grand acteur suisse Bruno Ganz, décédé en février 2019, qui incarne le dictateur nazi. À l'inverse, par exemple de la caricature de Charlie Chaplin dans Le Dictateur, à l'inverse aussi de la représentation qu'en fait Quentin Tarantino dans Inglourious Basterds, l'enjeu de La Chute est d'approcher la vérité du personnage, avec un très exigeant souci de réalisme. Surtout, Adolf Hitler est le personnage principal de La Chute, ce qui range le film dans une liste plus courte que celle où il est un personnage secondaire. Liste elle-même plus courte que celle où il fait une simple apparition.

Adolf Hitler (Bruno Ganz) - La Chute
Adolf Hitler (Bruno Ganz) - La Chute ©TFM Distribution

La performance de Bruno Ganz dans le rôle de celui qui est considéré comme l'incarnation humaine du Mal absolu est remarquable. Elle lui vaut une récompense, le Bayerischer Filmpreis du Meilleur acteur en 2004. Ainsi qu'une nomination au Deutscher Filmpreis du Meilleur acteur - équivalent du César - en 2005. D'autres acteurs, des dizaines, ont prêté leurs traits à Adolf Hitler dans l'histoire du cinéma et de la télévision. Notamment, parmi les plus prestigieux, Alec Guiness dans Les Dix Derniers Jours d'Hitler, Anthony Hopkins dans Le Bunker (1981), ou encore Ian McKellen dans Countdown to War. Mais aucun, selon l'historien anglais James Rogers, spécialiste des guerres, n'est parvenu à égaler Bruno Ganz.

La performance la plus complète

Dans un épisode du podcast Warfare du média History Hit, James Rogers juge les portraits de dictateurs faits dans différents films historiques. Il donne ainsi son avis sur Staline (1992), La Mort de Staline (2017), Valkyrie (2008), Le Dernier roi d'Écosse (2006), The Devil's Double et donc La Chute (2004). Pour lui, c'est dans ce dernier que l'on trouve l'incarnation la plus authentique du dictateur nazi. Commentant la grande séquence de La Chute, celle où Hitler comprend que l'offensive alliée sur Berlin ne peut plus être contrée (vidéo ci-dessus), James Rogers explique ainsi :

Bruno Ganz, qui joue Hitler, a passé de nuits à écouter les enregistrements privés d'Hitler, pas ses grands discours belliqueux, mais plutôt ces moments privés où Hitler apparaît plus faible et plus personnel. Regardez comme il tremble. Ça peut être le cocktail de drogues qu'il prenait à ce moment-là, et d'autres avancent, plus récemment, qu'il avait tous les symptômes de la maladie de Parkinson avant de se suicider. (...) La puissance de l'acteur est phénoménale, et je pense que l'émotion est d'autant plus forte qu'elle vient du fait qu'on le voit par le regard des autres qui l'entourent.

Hitler était un homme politique, qui a eu beaucoup de succès. Mais c'était quelqu'un qui était entièrement brisé à la fin de la guerre, et c'est ce que Bruno Ganz parvient à montrer si bien. Il fait passer son pouvoir, ses moments de gloire. Il donne à voir comment il est arrivé en position de diriger le pays. Puis il montre ces purs moments de faiblesse et je pense que c'est quelque chose de remarquable qu'un acteur y parvienne, quand tant d'autres ont échoué.

La Chute a été sujet à controverse, pour cette représentation intime d'Adolf Hitler que certains ont jugée trop "humanisante". Plus que de cinéma, il s'agit plutôt là d'un débat historiographique. À savoir comment, globalement, peuvent être faits le récit des actions du chef du IIIe Reich et son portrait. Mais sur le plan de la technique du "jeu" mis en place par l'acteur et sur celui de la mise en scène, James Rogers souligne ici que cette séquence, en réalité la "séquence-titre" du film, propose la représentation la plus authentique et la plus complète possible du personnage d'Adolf Hitler.